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Donald Trump président ? Le risque de chaos est bien plus élevé qu’on ne le croit


Dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle américaine, la campagne de Donald Trump a continué de s’enfoncer dans les ténèbres. Lors de ses ultimes meetings, l’ex-président républicain, qui affirme toujours sans aucune preuve que la victoire lui a été volée en 2020, a multiplié les allégations de fraudes concernant le scrutin en cours. Il a par ailleurs continué à se déchaîner contre ses adversaires : en proposant par exemple, dans une formule ambiguë, de mettre Liz Cheney – ex-cadre du parti républicain devenue soutien de Kamala Harris – qu’il accuse d’être un “faucon radical”, “face à des canons qui lui tirent dessus”. Et en martelant à l’envi que Kamala Harris n’était “respectée par personne” et qu’elle avait “un faible QI”.

Ces derniers mois, il a aussi assimilé ses opposants politiques à des “ennemis de l’intérieur” jugés plus dangereux que le dictateur nord-coréen Kim Jong-un ; menacé de se “venger” d’eux en les poursuivant en justice, d’envoyer l’armée contre des manifestants de gauche ; et promis d’expulser des “millions” de migrants en situation irrégulière qui “empoisonnent le sang” du pays… Pour compléter ce sombre tableau, Mark Milley, ex-chef d’état-major des armées, estime que son ancien boss est “fasciste jusqu’à la moelle”. Quant à John Kelly, son ex-chef de cabinet, il considère lui aussi que Trump correspond à ce qualificatif et qu’il “préfère très certainement l’approche dictatoriale dans la manière de gouverner”. Sans parler de son admiration pour Hitler, qui, d’après le milliardaire aurait “fait de bonnes choses”, rapporte le général Kelly.

Priorité à l’économie

Malgré toutes ces dérives, connues de tous, près de la moitié des électeurs américains s’apprêtent à voter pour l’ancien président. Si l’on en croit les sondeurs, la base républicaine est moins préoccupée par l’érosion de la démocratie que par deux sujets : l’économie et l’immigration. Et sur ces deux questions prioritaires, elle juge Trump plus convaincant. “Pour la base républicaine, l’enjeu principal, c’est l’économie américaine, l’inflation. Cette population est d’autant moins inquiète pour la démocratie que Trump a été visé par des tentatives d’assassinat. Un récit alternatif s’est imposé sur ce sujet : c’est Trump qu’on essaye d’assassiner, pas la démocratie”, explique Jérémy Ghez, professeur d’économie et d’affaires internationales à HEC.

Pourtant, au sein des sympathisants du Grand Old Party, tous ne sont pas complotistes ou fanatisés comme les militants MAGA (“Make America Great Again”). Il existe aussi des républicains plus traditionnels, respectueux des institutions, et qui néanmoins sont prêts à voter pour un dirigeant qui a tenté un coup d’Etat en 2021. Comment justifient-ils ce grand écart ? “Pour se rassurer, ces républicains sérieux, souvent conservateurs et pro business (séduits notamment par les promesses de baisses d’impôts), sont dans un déni total et utilisent la méthode Coué : il ne faut pas croire à la caricature que fait la presse de Trump, le pays a survécu à un premier mandat, il y aura des contre-pouvoirs…, relève l’historienne Françoise Coste. Par patriotisme, ils ont aussi une foi absolue dans la force des institutions américaines, qui pourront à coup sûr résister à une deuxième tempête Trump”. Le parti est à l’unisson de ce discours : “il affirme que son candidat est une figure politique sérieuse, qui va redonner à l’Amérique sa prospérité et sa grandeur, et qu’il ne faut pas prendre tout ce qu’il dit au sérieux. Les démocrates disent exactement l’inverse : c’est à la base du divorce au sein de la société américaine”, renchérit Jérémy Ghez.

Rien ne permet cependant d’affirmer que les scénarios relativisant le danger se réaliseront. Vu de l’extérieur, le pari que font ces républicains traditionnels, qui revient à jouer à la roulette l’avenir démocratique de leur pays, paraît fou. Certes, Trump n’a pas réalisé pendant son mandat tout ce qu’il avait promis – à commencer par son fameux mur à la frontière sud. Et il a obtenu quelques succès, comme les accords d’Abraham, entre des Etats arabes et Israël.

Des conseillers MAGA sans limite

Mais le contexte a changé. Pour commencer, le républicain a eu le temps de se constituer une garde rapprochée sélectionnée avant tout pour sa loyauté et qui partage ses idées. “En 2016, Trump n’était pas prêt. Il a dû s’entourer d’anciens hauts fonctionnaires et de généraux proches du parti républicain. Tous ces grands serviteurs de l’Etat, qui avaient limité les dégâts pendant le premier mandat, ne reviendront pas, beaucoup se montrant très critiques. Ils vont être remplacés par des conseillers “MAGA” souvent très jeunes et qui lui doivent tout, comme son conseiller Stephen Miller ou des célébrités, sans expérience de la politique, comme Elon Musk”. “Il va beaucoup plus loin dans sa rhétorique et ses mensonges que par le passé, et il ne plaisante pas. Il dispose des conseillers nécessaires pour faire ce qu’il veut. Et ils sont aussi extrémistes que lui. Voire plus. Cette fois il n’y aura personne pour l’empêcher, par exemple, de sortir de l’Otan”, renchérit Jacob Heilbrunn, qui dirige la revue de géopolitique The National interest, à Washington.

Ce n’est pas le seul garde-fou qui a sauté. Trump a aussi bousculé les équilibres à la Cour Suprême à son avantage, en nommant des juges conservateurs – depuis, l’institution a supprimé le droit à l’avortement au niveau fédéral et permis, en reconnaissant un certain degré d’immunité à l’ex-président, que son procès fédéral soit repoussé.

Pour ne rien arranger, l’environnement géopolitique est aussi bien plus dangereux et incertain qu’en 2016, avec deux guerres : en Europe et au Moyen-Orient. Concernant le conflit en Ukraine, le colistier de Trump, J.D. Vance estime qu’il “n’est pas dans l’intérêt de l’Amérique de continuer à financer une guerre sans fin”. C’est pourtant la crédibilité de l’Occident qui est en jeu, face à l’armée russe de Vladimir Poutine. Certes, quelques rares figures, comme l’ancien secrétaire d’Etat Mike Pompeo, s’opposent à ce courant isolationniste. Mais rien ne dit qu’elles pourront imposer leurs vues à un Trump galvanisé par sa victoire.

Surtout, Trump a déjà, de façon très concrète, essayé de s’attaquer aux institutions démocratiques, en encourageant l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2021 et en contestant le résultat des élections. Et rien ne permet de penser qu’il ne recommencera pas. Dans ce contexte, faire le pari que l’Amérique s’autorégulera si Trump est élu paraît irresponsable. “En tant que président des Etats-Unis, il a un immense pouvoir de destruction, et il est déterminé et en en colère. S’il est élu, ce sera le chaos, tant aux Etats-Unis qu’en dehors, avec des guerres commerciales et des conflits militaires qui feront penser aux années 1920 et 1930″, s’inquiète Jacob Heilbrunn. Il a déjà prévenu qu’il voulait être un dictateur le premier jour de son mandat. Il dit ce qu’il veut faire : ce n’est pas un homme compliqué”. Les Américains sont prévenus. Ils ignoreront la menace à leurs risques et périls.




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