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Donald Trump et sa nouvelle équipe : “Quiconque lui résistera sera limogé”


À peine élu, mais déjà bien organisé. Contrairement à 2016, le futur président des Etats-Unis ne s’est pas trouvé dépourvu lors de l’annonce de son élection. Susie Wiles. Thomas Homan. Elise Stefanik. Mike Huckabee. Lee Zeldin. Tant de noms de fidèles républicains figuraient déjà sur sa liste, prêts à être nommés pour rejoindre son administration. Quelques jours seulement après l’élection de Donald Trump, les nominations commençaient ainsi à pleuvoir. Pour Nicole Bacharan, politologue et spécialiste des Etats-Unis, la galaxie Trump n’a pas de temps à perdre pour espérer répondre à ses promesses électorales… quitte à bafouer certaines lois. Gare, donc, à celui qui osera le défier le chantre du MAGA (Make America Great Again).

L’Express : Pourquoi ces annonces ont-elles été aussi rapides ?

Nicole Bacharan : Parce que cette fois-ci, les républicains sont prêts. Cela fait longtemps que les équipes de Donald Trump et les fondations qui ont travaillé sur le fameux “Projet 2025” – qu’il a désavoué mais qu’il prévoit en réalité d’appliquer – ont préparé ces nominations. En 2016, ils ne pensaient jamais gagner donc ils étaient dans une parfaite improvisation. Là, tout est prêt. Tout est en ordre de bataille. Ils foncent. Ils veulent être efficaces et ne pas attendre la confirmation du Sénat. Donald Trump veut imposer sa volonté très vite pour ne pas être entravé. Il est volontairement en train de confondre entre avoir une majorité au Sénat et être à la fois l’exécutif et le législatif. Puisque même s’il possède la majorité au Sénat, certains profils peuvent bloquer comme Elon Musk ou la gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem.

Jusqu’à maintenant, Donald Trump s’est entouré exclusivement de fidèles en les nommant aux postes clés. Est-ce habituel pour un président ?

Cela arrive. Il y a des récompenses à donner, particulièrement à travers les postes d’ambassadeurs. En revanche, la définition de la loyauté selon Donald Trump est particulière. Il a exigé que tous ceux qui souhaitent être qualifiés de loyaux ne reconnaissent pas la victoire de Joe Biden en 2020. Cela ne veut pas dire qu’ils sont tous incompétents pour autant, simplement qu’ils acceptent de s’asseoir, non seulement sur la loi, mais également sur la vérité, et qu’ils sont alignés idéologiquement avec Trump. Ce sont des personnes extrêmement brutales, prêtes à tout pour appliquer les ordres venus du Bureau ovale. Ce qui me choque le plus ce sont les attaques quotidiennes contre l’Etat de droit. La Constitution et la loi ne sont plus des normes à respecter, mais des normes à manipuler pour arriver à ses fins. Donald Trump est un homme qui échappe à la justice et qui veut faire disparaître la notion de conflit d’intérêts, notamment avec le rôle qu’il attribue à Elon Musk.

Le 47e président des Etats-Unis a confié le dossier brûlant de l’immigration à l’ancien policier Thomas Homan. À quoi doit-on s’attendre avec cette nomination ?

À ce qu’ils ont annoncé, c’est-à-dire des expulsions massives. Ils ont besoin de résultats rapides sur la question de l’immigration au vu de la campagne électorale et des nombreuses promesses. Ou du moins, des résultats visibles puisqu’il va être très compliqué d’expulser 11 millions de personnes. Ils vont être à la recherche d’images spectaculaires d’arrestations, de bus, de camps, de renvois dans les pays du Sud… Thomas Homan est celui qui avait dit “je conseille aux illégaux de toujours regarder par-dessus leur épaule” et qui avait inventé la magnifique idée de séparer les familles de migrants pour les décourager de venir aux Etats-Unis. Il est décidé à mettre les immigrés illégaux hors du pays.

Le nom de Marco Rubio circule et a même été annoncé par la presse américaine comme le futur chef de la diplomatie. Pourquoi Donald Trump ferait-il ce choix qui est loin d’être le plus isolationniste ?

Parce que Marco Rubio est un opportuniste. Il a complètement changé d’orientation. Il s’est totalement soumis à Donald Trump en refusant de reconnaître les résultats de l’élection de 2020. Il est passé de néoconservateur à “America first” version Trump. En revanche, ce n’est pas un aventurier. La politique étrangère n’est pas un dossier qui lui est étranger donc il ne devrait pas faire de choses complètement absurdes. Il aura une ligne très dure avec la Chine mais il n’y aura pas de grande surprise puisque les démocrates l’avaient aussi. Donald Trump lui fait confiance.

… confiance jusqu’à accepter ses positions sur la guerre en Ukraine ?

Il est vrai que Marco Rubio a fait partie de ceux qui, immédiatement, ont affirmé leur soutien à l’Ukraine. Maintenant, s’il représente Donald Trump, il représentera les négociations pour un deal avec Vladimir Poutine, dont les contours semblaient clairs : on vous donne le Donbass, on vous donne la Crimée, on neutralise l’Ukraine et on pousse, petit à petit, Volodymyr Zelensky dehors. Mais ce n’est pas complètement sûr que cela se déroulera de cette façon parce que Donald Trump n’est pas fiable. En tout cas, sa vision prédominera.

Le fameux plan de Donald Trump pour régler la guerre en Ukraine est-il réaliste au vu de ces nominations ?

Le plan est déjà tombé à l’eau parce qu’il avait dit 24 heures à partir de son élection le 5 novembre, ce qui, par ailleurs, était complètement illégal puisqu’il n’est pas président. Et puis, même s’il y a de nombreux coups de téléphone, certains confirmés, certains démentis, ils ne se sont pas encore mis d’accord. Une chose est certaine : ils veulent que la guerre s’arrête le plus rapidement possible.

Le républicain veut également mettre fin au conflit au Proche-Orient. Quelles conclusions peut-on tirer de la nomination d’Elise Stefanik en tant qu’ambassadrice auprès de l’ONU et de celle de Mike Huckabee comme ambassadeur à Jérusalem ?

Une alliance complète avec la droite et l’extrême droite israélienne. Quelques mois après le 7 octobre, Donald Trump a dit que les images de Gaza étaient catastrophiques, qu’Israël devait finir le job, et le finir vite. De quelle manière ? En lançant une bombe nucléaire ? Avec un cessez-le-feu unilatéral ? Il ne l’a jamais dit.

Concernant l’écologie, Donald Trump a eu la langue bien plus pendue en affirmant que le futur directeur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), Lee Zeldin, s’assurera “d’une prise de décisions rapides et justes de déréglementation”. Quelle position ce dernier défendra-t-il sur les questions climatiques ou énergétiques ?

Aux yeux de Donald Trump, le climat n’existe pas. Le directeur de l’EPA a pour mission de démanteler toutes les réglementations de protection de l’environnement et d’inciter au maximum à la production des hydrocarbures. Après, sortir ou ne pas sortir de l’Accord de Paris est encore différent, parce qu’il y a une autre réalité, celle des grands pétroliers et des grandes entreprises qui ne sont pas d’accord. Je pense notamment à Exxon et Occidental Petroleum qui veulent garder le programme que Joe Biden avait mis dans son “Inflation Reduction Act”. Ils pensent à l’avenir. Ils travaillent sur les technologies du futur, sur les prochaines énergies renouvelables et ils ont besoin de temps et de subventions. Donc certains industriels influenceront cette politique anti-environnement de Donald Trump.

En parlant d’avenir, combien de temps cette nouvelle équipe pourra-t-elle durer ?

Pour connaître la réponse, il faudra voir qui osera défier Donald Trump et, surtout, de quelle manière. Quiconque lui résistera à la Maison-Blanche sera limogé. Immédiatement. Il n’y a qu’un seul chef maintenant.




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