Donald Trump égraine, depuis le 13 novembre, les nominations pour les postes clés au sein de son gouvernement. Climatosceptique, antivaccin, ultra-conservateur accusé de trafic sexuel, pro russe, star de télévision pro arme… Le casting explosif du président élu pour sa future administration confirme son intention de bousculer l’establishment américain.
Elon Musk pour “l’efficacité gouvernementale”
C’est une alliance dont on a encore du mal à mesurer la portée idéologique, économique, géopolitique et même militaire. Le 13 novembre, le président élu Donald Trump a confirmé, à l’issue d’une série de nominations fracassantes, sa promesse de campagne : il nomme l’homme le plus riche de la planète, Elon Musk, à la tête d’un nouveau ministère, celui de l'”efficacité gouvernementale”, qu’il dirigera conjointement avec l’homme d’affaires républicain Vivek Ramaswamy. Cette commission sera chargée de la réduction de la dépense publique et de dérégulation.
Elon Musk a annoncé ensuite sur X, réseau social qu’il possède, que les actions du ministère seraient listées en ligne “pour une transparence maximale”, accompagnée d’un “classement des dépenses les plus terriblement stupides”. “Nous ne ferons pas les choses en douceur”, a de son côté prévenu Vivek Ramaswamy, qui a proposé par le passé une série de réformes radicales, dont la suppression du Federal Bureau of Investigation (FBI).
Après avoir investi son temps et plus de 200 millions de dollars dans la campagne du républicain, signant des apparitions parfois hystériques, Elon Musk prend désormais part, selon le New York Times, à nombre de décisions. Il a dernièrement rencontré l’ambassadeur de l’Iran à l’ONU pour “apaiser les tensions” entre Téhéran et les Etats-Unis – ce que dément l’Iran.
Pete Hegseth : une star de Fox News au Pentagone
Il est “sans aucun doute le candidat le moins qualifié pour le poste de secrétaire à la Défense de l’histoire américaine”, s’est ému Paul Rieckhoff, fondateur de l’association des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, qui a côtoyé le nouveau ministre de la Défense. Si Donald Trump avait choisi en 2016 l’un des généraux les plus capés des États-Unis pour diriger le Pentagone, en 2024, c’est Pete Hegeth, vétéran de 44 ans et animateur vedette sur Fox News, qui a été choisi par le président élu pour occuper le poste stratégique de secrétaire à la Défense.
Membre des forces de réserve et déployé en Irak et en Afghanistan, il est depuis dix ans commentateur et présentateur sur la chaîne américaine très conservatrice Fox News. Une plateforme qui lui a permis de largement s’attaquer durant la campagne à la candidate démocrate Kamala Harris, de combattre le “wokisme” en s’en prenant aux minorités LGBTQ au sein des armées et de défendre fermement le droit à détenir une arme, jusqu’à certains fusils d’assaut.
Robert Kennedy Jr : un antivax à la Santé
Un antivax notoire va prendre le contrôle des agences de santé et d’alimentation aux États-Unis. Et il compte bien s’y attaquer. Le neveu de John F. Kennedy, Robert Kennedy Jr, a annoncé dès sa nomination sa volonté de “nettoyer la corruption” ces agences nationales, alors que les Américains sont, selon Trump lui-même, “écrasés par le complexe agroalimentaire et les laboratoires pharmaceutiques qui se sont livrés à la tromperie et à la désinformation en matière de santé publique”.
Admiré pendant 20 ans pour son engagement dans le combat écologiste – il est avocat spécialisé dans l’environnement de profession, et a mené le combat contre Monsanto et son herbicide Roundup -, ce fervent combattant des multinationales s’est passablement éloigné de la science avec le temps et la pandémie de Covid-19. Sa réputation a récemment été ternie par l’affirmation, allant contre tout fondement scientifique, que la vaccination pourrait être à l’origine de cas d’autisme chez les enfants. Robert Kennedy Jr a néanmoins affirmé après sa nomination qu’il ne “va retirer les vaccins de personne”. Il entend réformer la Food and Drug Administration (FDA), dont le service de nutrition ne protège pas, selon lui, les jeunes américains “d’un millier d’additifs qui sont illégaux en Europe” et responsables de maladies chroniques.
FDA’s war on public health is about to end. This includes its aggressive suppression of psychedelics, peptides, stem cells, raw milk, hyperbaric therapies, chelating compounds, ivermectin, hydroxychloroquine, vitamins, clean foods, sunshine, exercise, nutraceuticals and anything…
— Robert F. Kennedy Jr (@RobertKennedyJr) October 25, 2024
Matt Gaetz : le ministre de la Justice empêtré dans les affaires
À l’image du président élu, l’élu de Floride Matt Gaetz, nommé procureur général des Etats-Unis, a plusieurs affaires judiciaires à son actif, dont une implication présumée dans le trafic sexuel. Ensemble, Donald Trump et Matt Gaetz “feront du ministère de la Justice une arme pour se protéger et protéger leurs alliés”, a réagit l’équipe de campagne de Kamala Harris à l’annonce de sa nomination. Adepte de la théorie du grand remplacement, climatosceptique, pro armes et opposant au droit à l’avortement… Matt Gaetz, pour certains, est même plus trumpiste que Donald Trump.
Jusque dans son camp, l’élu à l’idéologie extrémiste est considéré comme “une personne de turpitude morale”, selon les mots de John Bolton, ancien conseiller républicain à la sécurité nationale. Le futur ministre de la Justice est très familier du système : ces dernières années, il a fait l’objet de plusieurs investigations par des procureurs fédéraux et le FBI concernant son implication présumée dans le trafic sexuel d’une jeune fille de 17 ans (l’affaire est encore en cours), mais aussi pour un potentiel détournement de fonds publics ou une conduite en état d’ivresse.
Des climatosceptiques à la tête de la politique environnementale
Climatosceptique et soutenu par les compagnies pétrolières américaines : Chris Wright, PDG de l’entreprise Liberty Energy, spécialisée dans la fracturation hydraulique, une méthode polluante d’extraction d’hydrocarbures, a été nommé au poste de secrétaire à l’Energie par Donald Trump. Chris Wright jugeait, il y a à peine une année, qu'”il n’y a pas de crise climatique et nous ne sommes pas non plus en pleine transition énergétique”.
Sa feuille de route : la dérégulation du secteur. “Chris sera un leader clef, stimulant l’innovation, réduisant les barrières administratives et inaugurant un nouvel âge d’or de la prospérité américaine et de la paix mondiale”, a ainsi promis Donald Trump.Chris Wright sera également membre du tout nouveau Conseil national de l’énergie (CNE), dont la mission sera de “superviser le chemin vers la domination énergétique des Etats-Unis”. Il aura Doug Burgum pour l’accompagner. Le gouverneur de Dakota du Nord, lui aussi proche des industries pétrolières et gazières, a été nommé à la tête du CNE et aussi ministre de l’Intérieur chargé de la gestion des parcs nationaux.
Marc Rubbio, Tulsi Gabbard, Tom Homan…
D’autres nominations ont été annoncées pendant la semaine. Comme celle de l’influent sénateur Marco Rubio au poste de secrétaire d’Etat. Avec le nouveau conseiller à la sécurité nationale, Mike Walt, ils deviendront les principaux architectes de la politique étrangère de Donald Trump, qui a promis de mettre fin aux guerres en Ukraine et au Proche-Orient, sans jamais expliquer comment. Tulsi Gabbard a, elle, été fléchée à la direction nationale du renseignement. Les prises de position favorables à la Russie de cette ancienne militaire, et transfuge du Parti démocrate, font polémique.
Pour représenter les États-Unis auprès des Nations unies, Elise Stefanik, une représentante de l’Etat de New York âgée de 40 ans, a été choisie après avoir refusé de certifier la présidentielle remportée en 2020 par Joe Biden. Donald Trump a également annoncé confier le dossier brûlant du contrôle de l’immigration aux frontières à Tom Homan, un tenant de la ligne dure et connu comme “le tsar des frontières”, qui sera chargé de mettre en application la promesse du candidat de réaliser la plus grande opération d’expulsion de migrants illégaux de l’histoire des Etats-Unis. Seule exception par sa discrétion dans la formation de ce nouveau gouvernement : la cheffe de cabinet du nouveau président élu, Susie Wiles. Elle sera, à 67 ans, la première femme à occuper ce poste.
Les neuf secrétaires d’Etats nommés par Donald Trump devront tout de même être entérinés par le Sénat – dont la majorité est républicaine – avant de pouvoir prendre leur poste.
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