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Ukraine : comment la Russie parvient à se fournir aussi “simplement” en technologies américaines


Les règles et les sanctions occidentales contre Moscou se veulent claires depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. En principe, toute exportation d’un certain nombre de biens vers la Russie est devenue strictement interdite depuis le début de la guerre, allant des technologies de pointe aux produits de luxe en passant évidemment par les armes.

Mais ces sanctions en principe fermes font l’objet de nombreux contournements, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Si l’un des plus cruciaux pour la Russie reste sans aucun doute le détournement de l’embargo sur leurs exportations de pétrole et le gaz par le biais d’une flotte fantôme, un autre produit indispensable à l’armée de Vladimir Poutine pour poursuivre sa guerre continue d’arriver abondamment en Russie depuis les Etats-Unis : les fameux semi-conducteurs.

Si ces derniers sont cruciaux pour faire fonctionner une immense quantité de produits électroniques, ils le sont également pour fabriquer des armes. Et faute de les produire en Russie, selon le média américain Bloomberg, l’industrie militaire russe aurait trouvé “un moyen étonnamment simple” de continuer à s’approvisionner directement aux Etats-Unis. Simple, car le processus d’achat se fait directement… sur le site web des compagnies américaines de semi-conducteurs. Et d’une en particulier, auprès de laquelle Bloomberga pu éplucher tant les commandes que les destinataires : Texas Instruments. L’entreprise, parmi les dix plus importants producteurs de semi-conducteurs dans le monde, présente notamment l’avantage de vendre des produits dans de larges volumes, et à des prix bien moins élevés que sa concurrence.

Pays tiers et sociétés écrans

Des distributeurs russes ont réussi à avoir accès à la base de données des stocks et des prix de la boutique en ligne de Texas Instruments. Leurs clients en Russie peuvent ainsi passer directement commande auprès de ces intermédiaires pour leurs besoins en semi-conducteurs. Les composants seront transportés par le biais de pays tiers et de sociétés écrans – notamment à Hong Kong -, avant d’être directement livrés en Russie. Et ce, avec une belle majoration de 40 % aux prix originels des produits, représentant les dépenses de l’ensemble du processus de livraison et de paiement, mais aussi de la plus-value réalisée par ces distributeurs.

Bloombergprend notamment l’exemple d’un distributeur russe qui a traité de janvier à août 2024 près de 4 000 commandes pour des centaines de milliers de produits TI, pour une valeur de près de 6 millions de dollars – dont 4 millions de dollars pour des entreprises militaires russes. Car les semi-conducteurs peuvent avoir un usage très large : ils contribuent à la production de drones, de bombes planantes, de systèmes de communication sophistiqués, et même de missiles courte-moyenne portée Iskander, dont Moscou se sert pour pilonner les villes en Ukraine.

14 % de composants venant de Texas Industries

De son côté, Texas Instruments s’est défendu de tout laxisme, et a rappelé “s’opposer fermement à l’utilisation de ses puces dans les équipements militaires russes. Si l’entreprise dément fournir à des distributeurs russes sa base de données renseignant la disponibilité de ses produits, en bloquant notamment l’accès à son site internet à toute connexion internet provenant de Russie, ces derniers parviennent en réalité assez facilement à esquiver ces restrictions par le biais de VPN ou autres contournements.

Lors de l’audition au Sénat américain en septembre dernier de quatre des plus importants fabricants américains de semi-conducteurs – AMD, Analog Devices, Intel et Texas Instruments -, le sénateur démocrate Richard Blumenthal s’était emporté contre le secteur, affirmant que celui-ci “échouait objectivement et consciemment à empêcher la Russie de bénéficier de l’utilisation de leur technologie”. Parmi ces quatre, TI avait particulièrement été ciblé pour les “contrôles laxistes” des destinataires de ses ventes en ligne.

Leur processus de blocage d’acheteurs potentiellement illicites est notamment bien moins performant que leurs concurrents, affirme Bloomberg. Ainsi, l’acheteur n’a pas à renseigner le destinataire final des produits achetés lors de sa commande, au contraire de la majorité des autres fabricants de semi-conducteurs. De quoi largement faciliter la vente de composants pouvant ensuite être utilisés par l’industrie militaire russe : toujours selon le média américain, l’entreprise Texas Instruments représente ainsi à elle seule près de 14 % des composants électroniques récupérés par les autorités ukrainiennes après des frappes dans leur pays.

Un constat qui pèse forcément en Ukraine, où l’armée russe continue ces derniers mois sa progression territoriale. “Les gouvernements et les entreprises ont fait beaucoup, mais ce n’est pas suffisant. Nous aimerions que nos partenaires soient plus fermes”, a ainsi insisté auprès de BloombergVladyslav Vlasiuk, conseiller de Volodymyr Zelensky auprès des sanctions contre la Russie. Car imposer des restrictions fermes contre Moscou est une chose ; s’assurer qu’elles soient respectées en est une autre. Et sur ce dernier point, bien du chemin reste encore à parcourir.




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