Dès l’effondrement du régime de Bachar el-Assad, des chars israéliens pénétraient, depuis la partie annexée, dans la “zone tampon” démilitarisée du plateau du Golan, dans le Sud-Ouest syrien. Officiellement, Tsahal craint que des “groupes armés” syriens ne menacent la sécurité de son peuple. Cette mesure de précaution s’ajoute aux frappes israéliennes récentes contre les principaux sites militaires, mais aussi des dépôts de missiles, de roquettes et d’armes chimiques sur le territoire syrien “afin qu’ils ne tombent pas aux mains d’extrémistes”.
Un peu plus d’un an après les massacres du 7 octobre, les Israéliens redoutent la reproduction de ce scénario cauchemardesque. “Ces attaques préventives traduisent un changement de paradigme, une volonté de tuer dans l’œuf la menace à leur frontière plutôt que d’attendre qu’elle ne se cristallise”, souligne David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès.
Couper les routes d’approvisionnement du Hezbollah
S’il reste vigilant face au risque de chaos et de radicalisation islamiste en Syrie, l’Etat hébreu voit l’horizon se dégager sur le plan géopolitique. Le départ du “boucher de Damas” affaiblit un peu plus “l’axe de la résistance” constitué par l’Iran, son ennemi n°1, qui incluait notamment le Hamas, le Hezbollah et la Syrie. “L’Iran a investi des milliards en Syrie, et tout est parti en fumée”, a insisté le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, pour qui le départ de Bachar el-Assad “est une conséquence directe des coups sévères portés [par Israël] au Hamas, au Hezbollah et à l’Iran”.
Depuis des années, la priorité d’Israël est de couper les routes syriennes permettant à Téhéran d’approvisionner le Hezbollah libanais en armes. “Tel-Aviv voit dans ce basculement politique une opportunité pour éliminer définitivement les acteurs liés à l’Iran qui permettaient cet acheminement”, résume Marc Pierini, ex-ambassadeur de l’UE en Syrie.
Alors qu’il connaissait bien Bachar et opérait presque à sa guise chez son voisin, l’Etat hébreu attend de découvrir le vrai visage du nouvel homme fort syrien, Abou Mohammed al-Joulani, le chef du groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTC). “Les Israéliens sont sceptiques sur la mue de cet ancien djihadiste, qui mène selon eux une opération de communication pour amadouer l’Occident”, reprend David Khalfa, auteur de Israël Palestine Année Zéro : le 7 octobre 2023, une onde de choc mondiale (Ed. Le bord de l’eau). A l’avenir, dans un pays divisé en zones d’influence, la stratégie d’Israël pourrait, d’après cet expert, consister à s’allier avec des minorités régionales (comme les Kurdes et les Druzes) pour essayer d’avancer ses pions.
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