Une traîtrise, un affront. Pire, un déni de démocratie… Voici quelques-unes des déclarations à l’emporte-pièce prononcées par une grande partie de la classe politique française à l’intention d’Ursula von der Leyen, depuis la signature vendredi 6 décembre de l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Du théâtre politique. D’abord parce que la présidente de la Commission avait annoncé de longue date sa volonté de mettre un terme au marathon des négociations avant la fin de l’année, alors même que le président brésilien Lula lui avait mis la pression lors du dernier G20 sur le thème “C’est maintenant ou nous allons voir la Chine”. Ensuite, parce que tout reste à faire.
Cette “signature” est en réalité très symbolique puisque le texte doit désormais être voté au Conseil des ministres européens chargé du sujet, puis au Parlement européen. Avant, un long parcours attend cet accord qui doit être transformé en un règlement juridique traduit en 27 langues. Une course de fond qui durera quasiment tout le premier semestre 2025, d’après les pronostics d’un fin connaisseur des arcanes de Bruxelles. Pas de vote, donc, au Conseil ni au Parlement avant l’été prochain, pour une application au mieux à l’hiver 2026.
Une minorité de blocage
D‘ici là, la politique va reprendre ses droits. Pour faire capoter l’accord, la France doit réunir derrière elle une minorité de blocage composée au minimum de quatre pays représentant 35 % de la population européenne. Pour l’heure, seules l’Autriche et l’Irlande se sont montrées franchement hostiles. Le compte n’y est donc pas et tous les regards se tournent vers l’Italie et la Pologne. Deux pays qui ont entretenu l’ambiguïté ces dernières semaines. De quel côté tombera la pièce ?
A Rome, Forza Italia, l’une des composantes de la coalition baroque de Giorgia Meloni, y est favorable, contrairement à la Ligue de Matteo Salvini qui a largement pris la défense du principal syndicat agricole emmené par un éleveur bovin, l’un de secteurs les plus sensibles. La position de la Dame de fer italienne pourrait donc dépendre, in fine, du montant des compensations financières que recevront les agriculteurs transalpins.
En Pologne, les tergiversations du Premier ministre Donald Tusk s’expliquent avant tout par la proximité des élections présidentielles de mai prochain, et par la renégociation en cours de l’accord de libre-échange avec l’Ukraine, le vrai chiffon rouge polonais. En attendant, dans ce bourbier politique, les vrais intérêts économiques de l’Europe passent – hélas – au second plan.
Source