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Le nucléaire, cette réussite française que l’Europe veut miner en 2025, par Arnaud Lacheret


C’est un atout unique au monde, un savoir-faire industriel et scientifique exceptionnel, un avantage écologique et énergétique qui devrait être le socle d’une France attractive et prospère.

Le nucléaire français est bien plus qu’une simple source d’énergie : il incarne une filière d’excellence, fruit de plusieurs décennies d’investissements et d’innovations. En 1945, le général de Gaulle charge deux éminents scientifiques, Raoul Dautry et Frédéric Joliot, de créer une organisation capable d’établir la prééminence française dans la science atomique. Ainsi naît, cette même année, le Commissariat à l’énergie atomique.

Depuis cette date, la France a su développer un modèle unique. Un choix devenu incontournable avec la crise pétrolière de 1973, qui avait mis en lumière la vulnérabilité des économies occidentales face à leur dépendance aux énergies fossiles. Sous l’impulsion de politiques publiques ambitieuses, portées notamment par Valéry Giscard d’Estaing et son ministre de l’Industrie Pierre Fourcade, notre pays a construit en quelques décennies un parc nucléaire capable de répondre à la fois aux besoins énergétiques et aux exigences environnementales, de la France et même d’une partie du continent.

Aujourd’hui, près de 70 % de notre électricité provient de cette énergie propre et fiable, plaçant la France en leader mondial, malgré les nombreuses tentatives de Bruxelles et de Berlin de saper cet atout stratégique, bien aidés par les abandons et les lâchetés de nos responsables politiques.

Car l’Union européenne, influencée par des choix politiques et économiques contestables, a plusieurs fois favorisé les énergies renouvelables, malgré leurs intermittences et leurs coûts. Sous l’impulsion de l’Allemagne, qui a abandonné le nucléaire en 2011 après l’accident de Fukushima, le nucléaire français a subi des attaques répétées. Des pressions qui ont affaibli une industrie pourtant essentielle pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe.

Géraldine Woessner et Ervan Seznec, dans leur récent livre Les Illusionnistes, ont d’ailleurs démontré que ces choix délétères au niveau européen étaient fortement influencés par les mouvements écologistes qui, se détournant de la science pour adopter une sorte de croyance quasi religieuse, sont littéralement obsédés par l’idée de priver la France de la source d’énergie émettant le moins de gaz à effet de serre.

Une année décisive

Les prochains mois seront cruciaux pour le nucléaire français. Bruxelles, travaillée depuis des décennies par un lobby antinucléaire qui agit tout simplement contre les intérêts de la planète, prépare plusieurs décisions qui pourraient gravement compromettre l’avenir de cette filière.

Dès le 26 février, le commissaire à l’énergie Dan Jorgensen présentera le Pacte européen pour une industrie propre. Une feuille de route dont les objectifs chiffrés semblent déjà donner une place très importante aux énergies renouvelables, en particulier à l’éolien et au photovoltaïque, au détriment de l’énergie nucléaire. Une politique qui nous éloigne de l’indispensable “neutralité technologique” qui devrait pourtant guider les politiques climatiques bruxelloises : laisser les Etats membres atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans leur imposer un type d’énergie ou une filière en particulier. Une approche pragmatique qui aurait le mérite de rendre au nucléaire sa place incontournable dans le mix énergétique européen.

Le Pacte européen pour une industrie propre menace sérieusement la filière nucléaire, pourtant principal atout de la France et de l’Europe. Et le péril d’autant plus grand que les prochains trains de sanctions économiques prévus par l’UE contre la Russie après son agression de l’Ukraine pourrait aussi pénaliser, par ricochet, notre filière atomique : depuis plusieurs années, une partie des combustibles utilisés dans nos centrales sont de l’uranium de retraitement (URT). Une pratique d’économie circulaire, où nos déchets sont retraités à la Hague en Normandie, puis recyclés par Rosatom en Sibérie, avant d’être renvoyée par navires en France, pour donner une seconde vie au combustible. Jusqu’ici, la France avait défendu à Bruxelles le maintien de cette chaîne logistique impliquant navires et assureur spécialisés. Mais sous la pression des ONG antinucléaire, le prochain pack de sanctions européennes prévu en février pourrait bien aussi pénaliser ce circuit de l’URT. Autant de bâtons dans les roues d’un nucléaire français, déjà privé de financements européens sous la pression de Berlin.

Il est à noter que ces mouvements écologistes ne prennent pas cette position contre la Russie, mais contre le nucléaire. lls ont en effet tout fait pour rendre l’Europe dépendante du gaz russe en présentant cette énergie fossile comme une énergie propre et naturelle alors que l’empreinte carbone du gaz dit naturel est particulièrement élevée. Les lobbys écologistes, bien aidés il est vrai par des institutions françaises et européennes particulièrement naïves, sont parvenus à jouer contre la planète et à rendre l’Europe dépendante énergétiquement.

Souveraineté de l’Europe

Pourquoi punir une énergie qui, depuis des décennies, offre un avantage industriel unique à la France ? Alors que les énergies renouvelables, bien que prometteuses, restent difficilement pilotables, le nucléaire est la seule énergie propre capable de répondre durablement à nos besoins. Depuis plusieurs mois, les Gafam eux-mêmes s’intéressent de près au nucléaire. Les géants des nouvelles technologies, conscients des besoins colossaux en énergie pour alimenter les intelligences artificielles, investissent massivement dans cette énergie pilotable et non carbonée. Cette réalité laisse un goût amer : la France aurait pu être cet eldorado énergétique capable d’attirer tous ces investissements stratégiques.

Le nouveau gouvernement aura la dure tâche de défendre férocement le dernier pilier de la puissance industrielle, économique et énergétique française. Mais la crise politique que connaissent – aussi ! – nos voisins allemands est peut-être l’occasion pour Paris de reprendre la main sur ce dossier à Bruxelles, pour défendre nos intérêts et la souveraineté du continent.

*Arnaud Lacheret est professeur à Skema Business School.




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