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Déficit : la Cour des comptes met en garde contre une dépense publique “en roue libre”


C’est désormais une petite musique que l’on connaît bien. La Cour des comptes a mis, jeudi 13 février, la France en garde face à une dépense publique “en roue libre” : la trajectoire de réduction du déficit public doit être respectée au risque sinon de “durablement décrocher” des autres pays européens. Après deux dérapages du déficit public, à 5,5 % du PIB en 2023 et environ 6 % attendus en 2024, le gouvernement souhaite le ramener à 5,4 % cette année et passer sous le plafond maximal européen de 3 % en 2029, avec deux ans de retard sur les prévisions initiales et bien après les autres pays de la zone euro. “Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur”, a martelé la Cour des comptes dans un rapport.

“En dépit de ses faiblesses, il est crucial de respecter cette trajectoire sous peine de voir la France décrocher de ses partenaires européens”, a-t-elle ajouté : “Tout retard supplémentaire rendrait les ajustements indispensables encore plus importants et difficiles”. La réduction du déficit en 2025 “repose exclusivement sur des prélèvements obligatoires plutôt que sur des efforts globaux d’économies, le cœur de la dépense continuant de progresser à un rythme proche de sa tendance d’avant-crise”, a relevé la Cour.

En outre, près de la moitié des hausses de prélèvements prévues dans le budget ont un caractère “temporaire”, comme la surtaxe sur les entreprises. En 2024 déjà, la progression de la dépense publique s’est révélée problématique, selon elle.

Dépense “en roue libre”

Le dérapage du déficit l’an dernier s’explique par des recettes décevantes, mais surtout “une dérive du cœur de la dépense publique”, masquée par l’extinction progressive des soutiens de crise. Cette dépense “en roue libre” a progressé plus vite que la croissance. La situation reste très délicate en 2025. En cas de croissance ou d’ajustement moins favorables que les prévisions gouvernementales, seule la moitié de l’effort de 110 milliards d’euros nécessaire pour réaliser la trajectoire d’assainissement des finances publiques pourrait être mise en œuvre.

En conséquence, le ratio d’endettement s’envolerait au-delà de 125 % du PIB en 2029, et jusqu’à presque 130 % en 2031, loin des objectifs inscrits dans le plan budgétaire et structurel à moyen terme présenté à la Commission européenne (respectivement 115,8 % et 113,5 % du PIB). La charge de la dette, qui grève déjà les finances publiques, doublerait presque à 112 milliards d’euros en 2029, devenant le premier budget de l’Etat “loin devant l’Education nationale”.

Malgré ces prévisions, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a mis en garde mercredi contre la tentation de s’inspirer de la “traque” des fonctionnaires menée par le milliardaire Elon Musk aux Etats-Unis pour diminuer le déficit public. “Nous serions, je crois, déraisonnables de nous inspirer d’un modèle américain récent qui commence à se mettre en œuvre”, a-t-il dit lors d’une conférence de presse à Lyon, en marge de l’audience de rentrée de la Chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes.

Nommé par le président américain Donald Trump à la tête d’une “commission à l’efficacité gouvernementale”(DOGE), Elon Musk, entouré de vingtenaires dévoués, bouleverse depuis quelques semaines l’appareil fédéral au nom d’un meilleur usage des deniers publics. En France, plusieurs responsables de droite et d’extrême droite ont eux aussi attaqué les agences de l’Etat, notamment environnementales (Ademe, Agence du bio…) critiquées pour leur coût. Le président de L’union de la droite républicaine, Eric Ciotti, allié du RN, a même appelé à couper la dépense publique “à la tronçonneuse”, et prôné la “suppression de 100 agences”. Ce à quoi Pierre Moscovici a répondu : “Il y en a beaucoup à réformer, beaucoup à préserver, mais sans doute très peu à supprimer.”




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