Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a assuré vendredi 21 mars que la Turquie ne céderait pas à la “terreur de la rue”, au troisième jour de manifestations déclenchées par l’arrestation du maire d’opposition d’Istanbul Ekrem Imamoglu, détenu pour “terrorisme” et “corruption”. “La Turquie ne sera pas livrée à la terreur de la rue”, a déclaré le chef de l’Etat, affirmant que les manifestations à l’appel de l’opposition mèneraient à une “impasse”. Özgür Özel, le leader du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force d’opposition à laquelle appartient M. Imamoglu, a exhorté les Turcs à descendre dans les rues à 20H30, après le repas de rupture du jeûne du ramadan, malgré les avertissements des autorités.
“Désormais, personne ne doit s’attendre à ce que le CHP fasse de la politique dans des salles ou des bâtiments. Désormais, nous sommes dans la rue et sur les places”, a prévenu jeudi soir M. Özel devant la municipalité d’Istanbul, où des milliers de manifestants étaient réunis pour le deuxième soir d’affilée en soutien au maire de la ville, principal opposant au président Erdogan.
Deux ponts et plusieurs grandes routes menant au siège de la municipalité d’Istanbul ont été fermés à la circulation vendredi pendant vingt-quatre heures. Selon un décompte de l’AFP, des manifestations ont eu lieu depuis mercredi dans au moins 32 des 81 provinces turques. Le ministre de la Justice, Yilmaz Tunç, a qualifié d'”illégaux et inacceptables” les appels répétés de l’opposition à manifester. Cette vague de contestation est sans précédent depuis les grandes manifestations de 2013, qui avaient débuté sur la place Taksim.
“Spectacles de l’opposition”
A Istanbul, où les rassemblements ont été interdits jusqu’à dimanche, la situation s’est intensifiée jeudi soir. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour empêcher des manifestants de se rendre sur la place Taksim depuis l’hôtel de ville. A Ankara, des journalistes de l’AFP ont rapporté l’usage de canons à eau et de balles en caoutchouc par les forces de l’ordre. Selon les autorités, 53 personnes ont été interpellées et 16 policiers blessés lors des affrontements avec les manifestants. Les autorités ont également interdit tout rassemblement jusqu’à mardi soir à Ankara et à Izmir, la troisième ville du pays, favorable à l’opposition.
Ekrem Imamoglu, qui a été auditionné par les enquêteurs vendredi après-midi, devait être investi dimanche comme candidat du CHP à la prochaine élection présidentielle. Cependant, son diplôme universitaire, obtenu après sa réélection triomphale l’année dernière, avait été annulé mardi soir, quelques heures avant son arrestation. Cette décision constitue un obstacle supplémentaire pour lui, car la Constitution turque exige que tout candidat à la présidence dispose d’un diplôme d’enseignement supérieur.
“Ni voleur, ni terroriste”
Les charges pesant contre lui, en particulier celle de “soutien au terrorisme”, font redouter à ses partisans qu’il puisse être incarcéré à l’issue de sa garde à vue dimanche et remplacé par un administrateur nommé par l’Etat. “Le maire n’est ni corrompu, ni voleur, ni terroriste”, a lancé jeudi soir le chef du CHP à la foule réunie devant l’hôtel de ville d’Istanbul, promettant de “ne pas abandonner la lutte jusqu’à ce qu’Imamoglu et les autres maires emprisonnés soient libérés”.
Au total, 90 personnes, arrêtées pour la plupart en même temps que le maire, étaient toujours en garde à vue vendredi, selon la presse turque. Cette contestation intervient un an après la débâcle subie par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan lors d’élections municipales, dans un contexte de crise économique. Les évènements ont pesé vendredi sur la Bourse d’Istanbul : peu avant 17 heures, son indice vedette chutait de près de 8 %. Face à ce dévissage, les cotations ont été suspendues à deux reprises dans la matinée.
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