“Boycott USA !” : le mot d’ordre prend de l’ampleur ces dernières semaines, du Canada à l’Europe, en réaction à la politique étrangère du président américain Donald Trump. La France n’est pas en reste : deux mois à peine après l’investiture du milliardaire, une enquête Ifop commandée par le site d’information touristique NYC. fr révèle, ce mercredi 26 mars, que la cote de popularité des Etats-Unis auprès des Français est au plus bas depuis 40 ans et que deux sur trois soutiennent le boycott des marques américaines. Fait inédit : ce phénomène “ne serait pas qu’une réaction émotionnelle passagère”, et pourrait perdurer dans le temps – transcendant pour la première fois les clivages politiques et sociologiques.
Le sentiment d’un “gap” culturel qui s’approfondit
Patriotisme économique, désengagement auprès de l’Ukraine, fin des programmes de promotion de l’égalité, attaques contre la communauté scientifique : en quelques semaines, la nouvelle administration semble être parvenue à saper l’image de l’Amérique et de ses entreprises.
En France, la cote de sympathie envers les Etats-Unis tombe à 25 % – contre 65 % en 2010, sous le mandat de Barack Obama. Un niveau historiquement bas et qui est parvenu à dépasser le score sous l’administration George W. Bush (dont l’invasion de l’Irak en 2003 avait provoqué des dissensions au sein des relations franco-américaines).
Cette dégradation de l’image de l’Amérique va de pair avec le sentiment croissant d’un fossé entre les valeurs françaises et américaines, indique l’étude : seul un quart des répondants (26 %) estime que les deux pays sont “proches”, contre près de la moitié il y a une vingtaine d’années.
Phénomène transpartisan
Actuellement, 62 % des Français soutiennent les appels au boycott des entreprises américaines qui se multiplient un peu partout, tandis qu’un sur trois boycotte effectivement au moins l’une de ces marques. Si la tendance paraît plus prononcée chez les électeurs de gauche (72 % de soutien), le boycott des produits américains séduit aussi une large majorité d’électeurs du centre-droit (65 %). Seuls les électeurs du Rassemblement national apparaissent en retrait (49 % de soutiens seulement).
“Ce boycott est tiré par l’anti-trumpisme – 62 % des boycotteurs expliquent leur geste par l’opposition à la politique de Trump – mais relève aussi d’autres motivations” comme le patriotisme économique à droite (soutien à l’emploi français), ou la défense du progressisme sociétal à gauche (remise en cause du modèle de consommation américain, sensibilité écologiste), explique l’étude.
Les marques ambassadrices sont les plus visées
Parmi les enseignes ciblées par ces boycotts, on retrouve des symboles incontournables du mode de vie américain. Coca-Cola (48 %) est aujourd’hui la marque la plus boycottée, devant des enseignes de restauration rapide : MacDonald (44 %), Starbucks (15 %) KFC (12 %).
Les autres marques ciblées sont celles considérées comme proches de l’administration, en particulier celles appartenant à Elon Musk : Tesla (19 %) et X (10 %). Des données qui corroborent la chute des ventes de voitures Tesla en Europe (moins 45 % en janvier 2025 par rapport à l’année précédente), au moment même ou le marché des voitures électriques est, au contraire, en croissance.
“Tous les secteurs américains sont potentiellement touchés par ce boycott, mais avec des intensités qui dépendent principalement de deux facteurs : la visibilité américaine de la marque et l’existence d’alternatives crédibles”, explique l’Ifop, comme dans l’alimentaire ou l’automobile, par exemple. Les voitures européennes ou asiatiques pourront ainsi aisément remplacer les modèles américains. On ne peut en revanche pas en dire autant des réseaux sociaux : “les Français sont beaucoup moins motivés à l’idée d’abandonner leurs habitudes avec les géants américains des nouvelles technologies, auxquels ils sont souvent très dépendants”.
Une tendance qui pourrait durer
Fait inédit soulevé par l’Ifop : ce mouvement de boycott touche de larges catégories sociologiques, ce qui pourrait le rendre durable. Contrairement aux mouvements de boycott traditionnels, “souvent portés par des jeunes, mais limités dans le temps”, celui-ci a la particularité de toucher “une base de soutien qui transcende les clivages politiques, [avec] une diversité de motivations et une mobilisation forte des seniors et des catégories aisées”, remarque François Kraus, directeur du pôle politique et actualités de l’Ifop. “Cela laisse présager que ce mouvement ne sera pas qu’un feu de paille dans le paysage de la consommation française”.
“Si l’arme du boycott a longtemps eu un faible ancrage dans le répertoire d’action politique français […] elle semble s’être quelque peu institutionnalisée en France comme une forme légitime d’expression citoyenne”, fait également remarquer l’étude.
Un mouvement international
L’arme de contestation envers la politique américaine paraît aujourd’hui se concentrer sur le rejet des marques et symboles de l’american way of life, comme le remarque une journaliste du New York Times. “La dynamique la plus forte derrière une telle action des consommateurs semble se situer dans les pays que Donald Trump a directement contrariés, comme le Danemark […] et le Canada. Mais alors que Donald Trump s’allie au président russe Vladimir Poutine et impose des droits de douane sur les produits européens, des groupes voués au boycott des produits américains ont fait leur apparition dans plusieurs pays européens.”
Selon un récent sondage réalisé en février par l’institut Angus Reid auprès de 3 310 Canadiens, “85 % d’entre eux ont déclaré qu’ils prévoyaient de remplacer ou avaient déjà remplacé des produits américains lors de leurs achats”, cite encore le média américain Newsweek.
Ce mode d’action n’est pas nouveau, et tend à se renforcer à mesure que l’image des Etats-Unis se dégrade sur la scène internationale. Sous le mandat de Joe Biden déjà, des marques américaines comme Coca-Cola faisaient l’objet de boycott au Moyen-Orient et dans les pays musulmans, afin de dénoncer le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël.
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