Les têtes tombent. Au moins cinq généraux ou responsables de l’armée ont été arrêtés en Russie depuis fin avril, tandis que d’autres ont été remplacés par surprise, dans le cadre de ce ressemble bien à une purge au sein du commandement russe, sous fond de soupçons de corruption.

Après le remplacement surprise du ministre de la Défense, le 12 mai, deux responsables ont quant à eux été arrêtés, ont annoncé jeudi 23 mai les enquêteurs. Le premier, Vadim Chamarine, un haut gradé, est soupçonné de corruption, tandis que le second, un militaire en charge des commandes publiques de la Défense, Vladimir Verteletski, a été arrêté pour “abus de pouvoir”.

“Abus de pouvoir”

Le général Vadim Chamarine, chef-adjoint de l’état-major en charge des communications, a été placé en détention par un tribunal militaire, mercredi 22 mai, accusé d’avoir “accepté un pot-de-vin particulièrement important”, a indiqué sur Telegram le Comité d’enquête, chargé en Russie des affaires criminelles importantes. Il encourt jusqu’à quinze ans de prison s’il est reconnu coupable.

En début de soirée, le Comité d’enquêté a également annoncé l’arrestation et le placement en détention préventive d’un responsable “d’un service du département des commandes publiques du ministère russe de la Défense, Vladimir Verteletski” pour abus de pouvoir”, a indiqué cette source, assurant qu’il avait accepté en 2022 des “travaux non terminés” dans le cadre d’une commande publique, causant un préjudice de plus de 70 millions de roubles (710 000 euros au taux actuel).

Arrestations en cascade

Le secteur stratégique de la Défense est miné par les scandales de corruption depuis de nombreuses années. Mais depuis fin avril, les arrestations se multiplient, touchant aussi bien le ministère que le commandement militaire. Mardi 21 mai, un autre général russe, Ivan Popov, ancien commandant de la 58e armée combattant en Ukraine, a été arrêté pour “fraude” et risque, selon le Code pénal russe, jusqu’à 10 ans de prison.

Son arrestation a suscité de nombreuses réactions en Russie parmi les experts militaires, dont il avait gagné le respect à l’été 2023 après avoir révélé les difficultés auxquelles les troupes russes faisaient face sur le front, ce qui lui avait valu d’être limogé. Selon un post de la chaîne Telegram Dva Maïora (“Les deux commandants”), écrit par un blogueur ultranationaliste russe, repéré par Courrier International, Ivan Popov aurait été arrêté le 17 mai et emprisonné pour une durée de deux mois, soupçonné d’avoir détourné l’équivalent de 1,2 million d’euros.

Alexandre Sladkov, correspondant de guerre de la télévision publique russe, s’est ainsi insurgé sur son compte Telegram. “On pardonne aux imbéciles les mensonges et les pertes, on peut pardonner à d’autres, je pense, l’impitoyable vérité”. “Il a eu le courage de dire à ses supérieurs ce que d’autres préféraient taire en se voilant la face”, a critiqué pour sa part Iouri Podolyak, un autre célèbre blogueur russe et “c’est pour cette raison qu’il a été chassé de l’armée”.

“Pas de purges” dit Moscou

Avant lui, le vice-ministre de la Défense Timour Ivanov et Iouri Kouznetsov, chargé des ressources humaines au sein du ministère, ont également été arrêtés pour corruption. Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a lui-même été remplacé par un économiste, Andreï Belooussov. Ce changement a été justifié par le président Vladimir Poutine par la nécessité d'”optimiser” les dépenses militaires, celles-ci ayant explosé avec l’assaut contre l’Ukraine, une campagne qui se voulait éclair mais qui dure depuis plus de deux ans.

Le Kremlin a démenti jeudi toute campagne de purges, assurant qu’il s’agissait d’une opération anti-corruption assez classique. “La lutte contre la corruption est un travail en continu, ce n’est pas une campagne” de purges, a assuré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. “Cela fait partie de l’action de nos forces de l’ordre.”

La corruption au sein des hauts échelons de l’armée russe était l’une des critiques bruyamment formulées par le patron du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, à l’origine d’une rébellion avortée en juin 2023 et décédé dans un crash d’avion.