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Placements : 6 idées reçues sur les fonds “responsables”

Tel un leitmotiv, l’accusation d’écoblanchiment revient régulièrement lorsque l’on évoque les fonds responsables. D’ailleurs, le législateur et le régulateur, bien conscients de ce risque, travaillent d’arrache-pied pour encadrer la finance durable, produisant un volume de textes considérable. Toutefois, certains débats relèvent parfois de l’incompréhension entre investisseurs et gérants. Décryptage de six d’entre eux.

1. “L’ISR répond à une définition stricte”

L’investissement socialement responsable (ISR) est “une démarche visant à appliquer à l’investissement les principes du développement durable”, indique le site du label ISR. Un cadre on ne peut plus vaste ! Le sigle en lui-même prête à controverse car il résulte d’une (mauvaise) traduction de l’anglais. “Le mot “socialement” fait immédiatement penser à la lutte des classes alors qu’il renvoie à la dimension sociétale de cette forme d’investissement”, souligne Grégoire Cousté, délégué général de l’association Forum pour l’investissement responsable (FIR). Depuis, les anglophones ont adopté le terme sustainable, soit “soutenable” ou “durable”, plus simple à comprendre.

Quel que soit le mot employé, il recouvre une grande variété d’approches et des degrés de durabilité différents. “L’ISR est un concept et recouvre de ce fait un ensemble de supports peu homogènes”, reconnaît Hervé Guez, directeur des gestions actions, taux et solidaire de Mirova. La stratégie la plus répandue consiste à scruter les pratiques des entreprises (traitement des déchets, égalité homme-femme, formation…) pour sélectionner les meilleurs élèves de chaque secteur. Dans ce cas de figure, il est possible d’investir dans des sociétés pétrolières, à condition de privilégier les plus vertueuses d’entre elles.

D’autres produits vont se concentrer sur certaines activités durables, comme les énergies renouvelables. “Les fonds thématiques, en particulier environnementaux, parlent davantage aux épargnants, mais toutes les entreprises qui fabriquent des éoliennes n’ont pas forcément leur place dans un portefeuille ISR car certaines n’adoptent pas un standard minimum de pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG)”, pointe Coline Pavot, responsable de la recherche Investissement responsable à La Financière de l’échiquier.

Pour rendre compte de cette diversité, les gérants d’actifs doivent respecter de nombreuses règles de transparence et indiquer précisément leur méthode aux épargnants. Malgré cela, l’Union européenne envisage de créer des catégories pour mieux classer l’offre et, notamment, distinguer les fonds investissant dans des solutions environnementales et sociales de ceux qui ciblent les entreprises avec des bonnes pratiques ESG, les stratégies d’exclusion ou encore les fonds désireux de financer la transition.

2. “Investir dans des fonds ISR permet de sauver la planète”

“Il existe un décalage entre le marketing des fonds ISR et ce qu’ils financent, regrette Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic. Beaucoup utilisent des images d’espace vierge alors que les fonds ISR ont pour but de financer une économie soutenable et résiliente, pas spécifiquement de préserver la nature.”

Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit qu’en acquérant des parts de fonds actions, vous investissez au capital d’entreprises cotées. C’est-à-dire que votre argent va permettre à d’autres actionnaires de récupérer leurs capitaux. Hormis dans le cas d’introductions en Bourse, il n’y a donc pas de financement supplémentaire apporté aux entreprises.

Deuxièmement, la plupart des fonds sont très fades. “Les gérants devraient davantage se diriger vers des produits différents des grands indices de marché”, affirme Anne-Catherine Husson-Traore. Or, de nombreux véhicules conservent une répartition géographique et sectorielle proche de celle du CAC 40 ou d’Euro Stoxx 50 afin de conserver des résultats proches de ceux des marchés. “Pour répondre aux attentes des épargnants, il faut au contraire proposer des fonds thématiques, même si ces produits comportent un risque sectoriel plus fort, ce qui entraîne de la volatilité, estime Hervé Guez. Le client doit accepter la possibilité d’une sous-performance temporaire.”

Pour augmenter leur portée, certaines sociétés de gestion misent sur “l’engagement actionnarial”. Ce concept regroupe l’ensemble des actions qu’elles mènent pour influencer les pratiques des entreprises. Cela comprend les votes en assemblée générale, ainsi que tous les échanges avec la direction pour l’inciter à améliorer les pratiques de l’entreprise. “Nous communiquons déjà sur nos actions dans notre rapport annuel. La prochaine étape consistera à indiquer nos démarches d’engagement fonds par fonds afin d’amener des éléments tangibles dans les reportings”, indique Matt Christensen, responsable mondial de l’investissement durable et d’impact chez Allianz GI. Les retombées de ces politiques sont toutefois complexes à mesurer, d’autant que “les entreprises rencontrent des difficultés à adapter leurs modèles d’affaires aux enjeux écologiques et sociaux”, estime Anne-Catherine Husson-Traore.

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3. “L’ISR coûte plus cher”

Qui dit analyse extra-financière dit ressources supplémentaires, tant du côté humain avec des spécialistes formés sur ces sujets, que du côté data avec le recours à des fournisseurs de données centrés sur l’ESG. Un surplus de travail qui laisse penser que ces produits supportent des coûts plus élevés. Or une étude publiée en mai 2021 par l’AMF aboutit au constat inverse. Sa conclusion ? “Les parts de fonds prenant en compte des critères extra-financiers tendraient à être significativement moins chères que leurs équivalents sans approche extra-financière.”

Selon les auteurs, plusieurs facteurs expliquent ce résultat contre-intuitif, en particulier le fait que ces supports constitueraient des produits d’appel pour les sociétés de gestion. “Celles-ci se battent pour lever des capitaux sur leurs fonds ISR. Elles ne peuvent donc pas se permettre de répercuter le coût additionnel”, confirme Coline Pavot. De plus, avec la diffusion de l’ESG, la plupart des fonds bénéficient d’une façon ou d’une autre de cette analyse. “Nous avons une offre de gestion active globale et nos ressources profitent à tous nos produits, relate Matt Christensen. L’analyse est créée sur un système centralisé pour l’ensemble de nos fonds.” Son coût est donc lissé sur toute la gamme de supports.

4. “L’ISR est réservé aux fonds actions”

Si l’analyse ESG s’est d’abord développée sur des supports investis en actions, les fonds obligataires et monétaires se sont ensuite emparés du sujet. En 2021, le cabinet Axylia le soulignait : les fonds monétaires, qui investissent dans des titres de créance à très court terme, pesaient pour 60 % des encours parmi les véhicules de droit français détenteurs du label ISR. Ce n’était que 31 % en 2020 et encore bien moins avant.

Or, “c’est dans les fonds actions que l’ISR s’exprime le mieux”, estime Grégoire Cousté du FIR. Ce sont en effet les seuls à investir à long terme et à pouvoir mettre en œuvre un engagement actionnarial fort. “Nous avions d’ailleurs proposé, lors de la refonte du label ISR, de créer différents niveaux de labellisation, du moins au plus exigeant. Le monétaire se serait retrouvé en bas de l’échelle”, poursuit Grégoire Cousté

Les supports obligataires supportent les mêmes limites que les monétaires mais ils investissent à plus long terme. En effet, vous n’êtes toujours pas propriétaire d’une partie de l’entreprise, seulement créancier. “En revanche, il existe des obligations durables finançant des projets verts ou bien liées à l’atteinte d’indicateurs ESG précis, qui sont intéressantes en termes d’impact car elles permettent de flécher le financement”, commente Coline Pavot.

5. “L’ISR exclut nécessairement les énergies fossiles”

Après des mois de débat, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a finalement tranché : pas d’énergies fossiles pour les fonds désireux d’obtenir le label ISR ! Une exigence qui permet une certaine cohérence entre les attentes des épargnants et les produits qui leur sont proposés. “C’est une avancée pour la crédibilité du label et le financement d’une économie plus durable, estime Anne-Catherine Husson-Traore. La présence de pétroliers dans les fonds ISR était aussi une source de controverses et d’incompréhension pour les épargnants.”

Pourtant, de nombreux acteurs rechignent à écarter ce pan de l’économie. Ainsi, TotalEnergies est la cinquième entreprise la plus représentée dans les portefeuilles des fonds labellisés sous l’ancien référentiel. Ceux-là devront faire le ménage d’ici à la fin de l’année prochaine ou renoncer au label.

6. “Le label ISR est le seul existant”

L’obtention du label repose sur une démarche volontaire de la part des sociétés de gestion. Généralement, ces dernières n’y recourent que pour leurs produits commercialisés auprès du grand public car ce sceau représente un gage de confiance pour les particuliers. Elles doivent alors respecter un cahier des charges très précis et soumettre un dossier complet à un organisme indépendant qui va vérifier le respect des critères fixés. Plus de 1 200 fonds sont certifiés à date.

A noter toutefois que le label ISR est franco-français : les établissements opérant sur plusieurs pays peuvent choisir d’autres marques, dont le Towards Sustainability belge, le FNG-Siegel allemand ou encore le LuxFLAG ESG luxembourgeois.

Certains fonds peuvent en outre privilégier le label Greenfin, relevant du ministère de la Transition écologique et certifiant les produits d’épargne verts. Très exigeant, il n’est à ce jour octroyé qu’à une centaine de fonds cotés et non cotés.

Une réglementation européenne complexe !

La finance durable est le bras armé de l’Union européenne pour financer la transition écologique. Lancé fin 2019, le Pacte vert pour l’Europe regroupe un ensemble de mesures visant à assurer une nouvelle ère de croissance tout en atteignant la neutralité climatique à l’horizon 2050. Pour financer ce projet, Bruxelles a mis en œuvre un arsenal réglementaire afin de diriger l’épargne des Européens vers les activités vertes et durables.

Trois textes principaux structurent le secteur. A commencer par le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui vise à fournir davantage d’informations aux investisseurs afin de leur permettre de mieux comparer les différents placements durables. Il a notamment introduit une classification des fonds selon leur degré de prise en compte de l’ESG.

Le règlement Taxonomie définit, lui, la liste des activités économiques vertes. Il repose sur six objectifs environnementaux, dont la prévention et la réduction de la pollution ou l’atténuation du changement climatique.

Enfin, la refonte de la directive MIF 2 (Marché d’instruments financiers) impose aux conseillers d’interroger les épargnants sur leurs préférences en matière d’ESG et de leur proposer des produits adaptés.

Un article du dossier spécial “Placements responsables”, paru dans L’Express du 30 mai.




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