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Fuites de données, ingérences étrangères… Bruxelles, nid d’espions


Le chiffre est vertigineux. Au mois de mai, 9 000 collaborateurs ont été victimes d’une fuite massive de données personnelles, à l’occasion d’une attaque sur People, le service de ressources humaines du Parlement européen. Des cartes d’identité, des certificats de naissance, des diplômes, mais aussi des dossiers médicaux sont concernés. “Toutes les données personnelles ont été aspirées”, confirme la députée Nathalie Loiseau (Renaissance/Renew), dont deux collaboratrices sur trois ont été touchées par ce vol. Trois mois plus tôt, cette élue, membre de la sous-commission défense du Parlement, avait – déjà – été victime d’espionnage : son portable avait été infecté par le logiciel israélien de surveillance Pegasus.

Les signaux d’alarme se font de plus en plus insistants à Bruxelles. Réunissant des milliers de diplomates, de collaborateurs et de représentants d’intérêt, l’épicentre de l’Union européenne est un théâtre propice à l’espionnage et aux ingérences étrangères. Le Qatargate, scandale de corruption orchestré par le Qatar et le Maroc au Parlement européen, révélé en 2022, a montré les failles des institutions européennes. “Le Parlement européen est traversé par des vulnérabilités structurelles, confirme Arnaud Danjean, député (LR/PPE). Il est exposé à des ingérences et les réponses ne sont pas à la hauteur.”

Des réformes ont pourtant été mises en place pour répondre à l’urgence, comme l’interdiction des groupes d’amitié entre les parlementaires et les pays, ou la publication obligatoire pour tous les parlementaires de leurs réunions avec des lobbys. “C’est un pas vers la transparence, concède Nicholas Aiossa, directeur Europe de l’ONG Transparency International. Mais sans les ressources nécessaires pour vérifier ces registres, comment s’assurer du respect des règles ?” La question est d’autant plus lancinante qu’elle touche à la sécurité européenne. “Les tentatives d’ingérences existent, convient l’eurodéputé Philippe Lamberts (Groupe des Verts/Alliance libre européenne). Celles qui crèvent le plus les yeux viennent des Russes.” En janvier, une enquête menée par le site indépendant russe The Insider révélait ainsi que l’eurodéputée lettone Tatjana Zdanoka aurait travaillé des années pour le FSB, le service de renseignement russe.

Le cœur du réacteur européen

Bruxelles pensait sans doute avoir fait le ménage. Au lendemain de l’invasion russe en Ukraine, une quarantaine d’officiers de renseignement russes sous couverture diplomatique avaient été expulsés de l’UE. Mais combien en reste-t-il ? En 2019, une enquête du journal allemand Welt am Sonntag dénombrait “environ 250 espions et 200 espions russes dans la capitale européenne”. Un nombre colossal, à prendre cependant avec précaution. “Vous pouvez difficilement chiffrer le nombre d’espions, souligne une source proche de la VSSE, le service civil de renseignement belge. Est-ce que vous comptez ceux dans les ambassades ? Les sources qui fournissent des informations sans être employées par un service étranger ?” Tentaculaire, l’espionnage s’infiltre dans chaque strate de la capitale.

Mais les tentatives les plus récurrentes se trouvent souvent dans l’entourage proche des députés européens. En avril, Jian Guo, assistant de l’eurodéputé du parti d’extrême droite allemand AfD Maximilian Krah, était arrêté et suspendu pour des soupçons d’espionnage en faveur de la Chine. Un mois plus tard, à dix jours des élections, le parquet fédéral belge annonçait que des perquisitions avaient été menées au domicile et dans les bureaux bruxellois de Guillaume Pradoura. Le collaborateur parlementaire, lui aussi ancien assistant de l’eurodéputé Krah, est ciblé dans le cadre de l’enquête sur les soupçons d’ingérence russe et de corruption autour du site d’information financé par Moscou, Voice of Europe.

Les assistants parlementaires comme porte d’entrée

“La constante des dernières affaires d’ingérences au sein de l’UE est l’implication d’assistants parlementaires européens, observe notre source proche des services de renseignement. A chaque fois qu’une puissance étrangère veut influencer les élus, leurs collaborateurs sont utilisés comme porte d’entrée.” Ils risquent de toute évidence peu de choses. “Il y a une culture de l’impunité au Parlement européen, reprend Nicholas Aiossa. Si un parlementaire viole le code de conduite, la pire sanction à laquelle il s’expose est une retenue de trente jours sur son indemnité journalière !”

Soupçonnée d’espionnage, Tatjana Zdanoka a finalement été sanctionnée d’une amende de cinq jours sur son indemnité journalière et d’une interdiction d’exercer certaines fonctions de représentation du Parlement. La Lettone, qui doit terminer son mandat en juillet, n’a pas fait appel.




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