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Les filles et les maths : ces études qui démontent les idées reçues


Depuis la réforme du lycée et du bac, en 2019, les jeunes filles se détourneraient toujours plus des mathématiques. C’est du moins ce qui est ressorti de nombreux articles ou tribunes ces derniers mois. Mais, à en croire les statistiques tirées d’une enquête de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Education nationale, le bilan serait bien plus nuancé. S’appuyant sur ces nouvelles données, les penseurs de la réforme, mise en place par l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer, sortent du silence. “Dans ce débat, beaucoup de personnes, par méconnaissance ou militantisme, ont tourné le dos à la rationalité, au débat objectif et à la sincérité”, dénonce Charles Torossian, auteur avec Cédric Villani d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques en France, en 2018. Cet ex-inspecteur général de l’éducation nationale a élaboré avec le principal architecte du nouveau bac, Pierre Mathiot, une note très détaillée dans laquelle il revient sur certaines idées reçues.

Les auteurs prennent le parti de ne pas concentrer leur analyse seulement sur les mathématiques, mais sur l’ensemble des disciplines scientifiques. Dans leur texte, que L’Express a pu consulter, ils rappellent qu’à la rentrée 2023, la triplette de spécialités maths, physique-chimie et sciences de la vie et de la terre (équivalent de l’ancien bac S) a été choisie en classe de première par 89 000 élèves, dont 38 000 garçons et 51 000 filles. Ces dernières, qui représentent 57,3 % des effectifs, sont donc majoritaires ! Pour autant, “faire croire que les profils scientifiques se résument à cette triplette est un non-sens puisque la variété des choix a explosé”, insiste Charles Torossian qui dénombre 43 combinaisons majoritairement scientifiques possibles en deuxième année de lycée, c’est-à-dire avec au moins deux matières scientifiques sur trois spécialités. “Nous sommes passés d’une première S imposée à une liberté assumée de choix de différentes disciplines”, poursuit-il.

Autre information tirée de l’étude de la Depp et qui va à l’encontre de certaines idées reçues : les mathématiques représentent aujourd’hui le deuxième enseignement de spécialité le plus choisi par les filles (33 %), juste après les sciences économiques et sociales (37 %). Depuis 2021, on note une forte croissance des effectifs pour la spécialité maths chez les filles, qui sont 14 000 de plus à la choisir. En dernière année de lycée, les élèves ont aussi la possibilité de renforcer encore leur expertise en prenant l’option Maths expertes en plus de cette spécialité maths. Ce qui représente 9 heures de mathématiques par semaine. Sur la totalité des 60 000 élèves qui choisissent ce parcours très poussé, on compte 20 000 filles, soit un tiers des effectifs.

Une déception ? “Non car en 2021 elles n’étaient que 15 000 à opter pour les maths expertes donc on peut parler de progrès. Et, en termes de volumétrie, nous n’avons jamais eu autant de filles aussi bien formées aux mathématiques”, répond Charles Torossian.

“Casser le mythe de l’élite médicale chez les filles”

Selon les statistiques de l’Education nationale, 203 000 lycéens ont choisi une triplette à dominante scientifique (c’est-à-dire avec deux enseignements de spécialité scientifiques), dont 91 200 filles (45 % des effectifs) et 112 000 garçons (55 %). Ensuite, dans l’enseignement supérieur, les statistiques montrent une sous-représentation des jeunes femmes dans les études scientifiques, mais le fossé tend à se réduire (un peu). Selon l’enquête “Repères et références statistiques 2023”, plus de deux étudiants en formation scientifique sur cinq sont des femmes (ce qui représente +2,5 points en dix ans).

Très présentes dans les formations de santé à l’université (66,5 %) elles restent minoritaires en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, dans les écoles d’ingénieurs hors université et encore davantage dans les instituts universitaires de technologie (IUT) et les sections de techniciens supérieurs (STS). “Il nous paraît important de casser un peu le mythe de l’élite médicale et de montrer d’autres voies d’épanouissement en lien avec les métiers de demain. On aura besoin de femmes scientifiques dans le cadre de la réindustrialisation, de la redynamisation, des enjeux de transition écologique ou du numérique”, insiste le ministère de l’Education nationale.

La question de l’information et de l’orientation apparaît plus essentielle que jamais. Pour qu’elle porte véritablement ses fruits, la réforme se doit d’être pilotée au plus près du terrain. “Aux établissements de conseiller, d’informer, d’éclairer les jeunes filles quitte à élaborer des stratégies et à se donner des objectifs chiffrés pour les amener à se tourner davantage vers les parcours scientifiques”, explique l’entourage de la ministre Nicole Belloubet.

Et Charles Torossian d’attirer l’attention sur une autre problématique peu souvent abordée : la sur-représentation des garçons en mathématiques en classe de première. “On met toujours en avant le déficit de filles mais le fait que 75 % des garçons de 1ère générale et technologique se sentent obligés de prendre cet enseignement de spécialité est assez révélateur de la persistance des stéréotypes”, estime-t-il. Selon les experts, beaucoup de parents auraient tendance à pousser leurs fils vers l’enseignement de spécialité mathématiques même si ce dernier n’a qu’un niveau faible en seconde. A l’inverse, le manque de confiance en soi détournerait un trop grand nombre de filles, pourtant dotées d’un fort potentiel, des matières scientifiques.

A noter que ces dernières présentent des profils beaucoup plus “mixtes” que les garçons, n’hésitant pas à combiner enseignements de spécialités scientifiques et histoire-géographie, sciences économiques et sociales, humanités, littérature, philosophie, ou encore langues, littératures et cultures étrangères… Las, le supérieur ne propose pas toujours de diplômes correspondant à ces profils spécifiques. “Aux licences de s’adapter pour mieux accueillir ces nouveaux profils mixtes qui seront essentiels pour certains métiers d’avenir”, insiste Charles Torossian.




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