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Les “accélérationnistes européens”, ce mouvement tech qui veut combattre le déclinisme


De l’investisseur Marc Andreessen qui poste une photo de billets d’euros en demandant sarcastiquement de quel jeu de société ils proviennent, à cette entrepreneure avertissant qu’une offre d’emploi pour un fast-food affiche un salaire trois fois supérieur à celui d’un ingénieur nucléaire britannique, il est devenu de bon ton, dans la communauté tech américaine, de se moquer de l’Europe. Leurs piques s’appuient sur les récents débats autour du décrochage économique européen face aux Etats-Unis. “Europoors”, “Europlebs”, les qualificatifs se multiplient pour décrire des niveaux de vie qui ont pris des trajectoires radicalement différentes.

Face à cela, la réaction de plusieurs figures de la tech européenne a été de lancer le hashtag eu/acc, pour european accelerationism. Un mouvement qui fait écho à l’accélérationnisme efficace, abrégé e/acc, cette sous-culture de la Silicon Valley, technophile et libertarienne, évoquée dans ces colonnes il y a quelques mois. L’accélérationnisme européen a cependant un objectif spécifique. Il s’agit avant tout de ne pas gober la propagande américaine à l’égard des Européens, de leur supposée aversion au risque, de leur présumée réticence à travailler dur ou de leur manque de détermination.

New Palo Alto, un concept prometteur

Si les Américains adorent parler de leur travail acharné, la réalité est bien différente. Le volume horaire dans les métiers de la tech se situe, des deux côtés de l’Atlantique, autour de 50 à 55 heures par semaine. C’est d’ailleurs avec effroi que les Américains ont découvert la culture chinoise du 996, pour six journées par semaine de 9 heures du matin à 9 heures du soir. Par ailleurs, 55 % des licornes américaines comptent au moins un fondateur né à l’étranger. Et l’Europe – sans la Russie et l’Ukraine – en est la principale région d’origine (90), devant les Indiens (66) et les Israéliens (54). Les récits que les Américains aiment faire de la douceur de vie en Europe qui, selon eux, ne pousserait pas les gens à se dépasser, sont tout aussi fallacieux. Les Etats-Unis mettent en scène l’élévation sociale de leurs entrepreneurs à succès, mais la réalité est bien différente. Plus de 60 % de ces créateurs sont passés par les universités les plus prestigieuses du pays.

Il est donc urgent de combattre le déclinisme en Europe. Et parce que les symboles ont de l’importance, le concept de New Palo Alto mérite d’être cité. Mentionné dans le célèbre rapport sur l’état de la tech européenne d’Atomico, il est également utilisé par Dealroom. New Palo Alto correspond à la zone accessible en train, en moins de quatre heures, depuis Londres, englobant donc Oxford-Cambridge, la région Ile-de-France et Amsterdam. Cela permet de le positionner comme le deuxième écosystème tech et d’enseignement supérieur du monde, avec 22 établissements classés dans le top 100 mondial. On y retrouverait, selon les chiffres de Saul Klein, célèbre capital-risqueur britannique, 900 entreprises de croissance affichant chacune plus de 25 millions de dollars de chiffres d’affaires.

Le statut de “société européenne” en question

L’occasion de rappeler que le premier problème à régler demeure celui de l’harmonisation des droits en Europe. Isabel Schnabel, de la Banque centrale européenne, soulignait, il y a peu, que les géants américains de la tech n’ont aucune difficulté à prospérer dans cet environnement byzantin. C’est exact, mais c’est bien parce qu’ils sont des géants qu’ils franchissent sans encombre la barrière à l’entrée que représente la multiplicité des droits domestiques. Nous allons souffler les 20 ans du statut de société européenne. Grâce à lui, une société peut exercer ses activités dans tous les Etats membres de l’Union européenne sous une forme juridique régie par le droit communautaire et donc commune aux différents Etats.

La confidentialité de ce statut montre bien qu’il est insuffisant. Il faut désormais envisager sa version 2.0, comme le réclamait l’investisseur Andreas Klinger. Une refonte qui permettrait d’avoir la même protection juridique pour l’investisseur, du Portugal à la Lituanie, et qui favoriserait l’émergence de pratiques de marché. Aux Etats-Unis, le Simple Agreement for Future Equity (Safe) règle, en un document, toutes les questions liées au financement des jeunes entreprises en phase de pré-amorçage.

*Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).





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