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Le programme économique du RN est un cocktail indigeste, par Nicolas Bouzou


De fait, on ne peut pas dire que, depuis 2017, les finances publiques de la France ont été gérées avec une grande rigueur. Alors que la pandémie de Covid est derrière nous et que les aides pour faire face à la crise énergétique de 2022-2023 s’éteignent, notre situation budgétaire ne s’améliore pas. Pire : elle s’aggrave.

D’après les chiffres transmis par Bercy, le déficit de l’Etat entre janvier et avril 2024 monte déjà à 92 milliards d’euros, soit une hausse de 10 % par rapport à la même période l’année dernière. Il y a dix jours, la Cour des comptes a annoncé un dérapage du déficit de l’assurance-maladie cette année, alors que le Conseil d’orientation des retraites nous explique cette semaine que l’allongement de l’âge de départ à 64 ans ne suffira pas à équilibrer le système.

Il faut regarder la situation avec lucidité, ce que le Rassemblement national ne semble pas capable de faire : notre Etat et notre sécurité sociale sont surdimensionnés par rapport à la taille de notre économie. L'”Etat protecteur” est un produit de luxe que nous n’avons plus les moyens de nous payer. Nos déficits ne pourront donc diminuer qu’à la condition de soigner notre incontinence dépensière. Là serait le véritable changement.

Revenir sur l’âge de départ à la retraite ? Une folie absolue

Il est piquant de constater que nombre des électeurs du RN critiquent la gestion macroniste des finances publiques – on peut les comprendre – mais sans voir que la lecture du programme du RN nous propose d’accélérer joyeusement vers le fond de l’impasse. La mesure qui traduit le mieux cet état d’esprit est sans aucun doute l’abaissement de l’âge de départ à la retraite de 64 à 60 ou 62 ans – selon les situations – qui coûterait une dizaine de milliards d’euros.

Cette folie absolue ferait, pour ainsi dire, coup double, en ajoutant des milliards à notre déficit tout en diminuant mécaniquement le taux d’emploi, et donc la croissance potentielle de notre pays. Comme le RN prévoit, plus classiquement, d’autres hausses de budgets, notamment dans l’armée et la sécurité intérieure, il faudrait, pour que ce programme soit crédible, une solide trajectoire de diminution de dépenses publiques. Or, que voit-on ? L’inverse évidemment.

Le RN annonce une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité – là encore, c’est une dizaine de milliards d’euros qui sont en jeu -, des exonérations d’impôts pour les jeunes, une baisse de la fiscalité sur l’héritage ou une suppression d’impôt sur les sociétés pour les jeunes entrepreneurs. Marine Le Pen évoque 16 milliards d’euros d’économies liées à la baisse des flux migratoires : moins de dépenses liées à l’accueil des étrangers, moins de prestations sociales, moins de charges pour la police et la justice. A supposer que ce raisonnement soit juste, et on peut sérieusement en discuter, on peine à voir comment elle arrive à cette somme colossale. Somme qui, de toute façon, ne couvre pas les dépenses qu’elle annonce.

La TVA est l’impôt le moins nocif pour l’économie

À moins que ce ne soit la hausse des prélèvements obligatoires qui boucle le financement. Le RN est favorable au rétablissement de l’ISF et à l’instauration d’une taxe sur les superprofits, deux non-sens économiques qui vont à l’encontre de la nécessité de muscler notre économie productive. Car s’il est une stratégie qui a fonctionné depuis 2017, c’est celle qui a consisté à alléger la fiscalité sur le capital et sur les entreprises, et qui a redonné à notre pays l’attractivité qui lui manquait.

Travailler moins longtemps, baisser la TVA qui est l’impôt le moins nocif pour l’économie, augmenter la fiscalité sur le capital : voilà un cocktail indigeste qui n’apportera aucun gain économique durable à nos concitoyens et qui dégradera encore plus nos finances publiques. Le choix du RN est économiquement contre-productif et financièrement aventureux. Qu’Eric Ciotti, premier contempteur de la gestion macroniste de la dette, s’allie avec le RN, montre à quel point LR a perdu toute boussole programmatique.




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