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Législatives : ceux qui vivent en ville ne décideront pas du résultat, par Arnaud Lacheret


Les élections législatives françaises à venir sont uniques à bien des égards. Il s’agit d’abord du fruit d’une dissolution, donc un phénomène rare et incertain. ll s’agit également de la première fois qu’un bloc, classé à “l’extrême droite”, même si ce terme est sans doute peu approprié, peut gagner et gouverner la France.

Mais le plus important, c’est que pour la première fois de l’histoire, ceux qui commentent cette élection dans les médias, ceux qui tiennent les leviers du pouvoir, ceux qui vivent dans les villes, ne décideront pas du résultat, ou alors de manière très marginale.

Les résultats des élections européennes ont porté le RN en tête dans 94 % des communes, mais la liste de Jordan Bardella n’est en tête que dans trois villes. Elle devance de justesse celle de Manon Aubry à Marseille et à Saint-Etienne, et fait un score conforme à la moyenne nationale à Nice. Partout ailleurs, dans les villes et Métropoles de France, le RN est devancé, parfois très largement comme à Paris, Lyon et dans des communes de l’ouest de la France.

Le Lot ou l’Eure plus importants que Paris

Autrement dit, il y a de fortes chances que les populations des grandes villes, de la capitale en particulier, n’aient absolument pas leur mot à dire dans les urnes, puisque les seconds tours des législatives verront souvent s’opposer des candidats de gauche et des candidats centristes. Le RN a en effet très peu de chances de remporter la moindre circonscription urbaine. Au niveau des départements, Jordan Bardella est en tête partout sauf à Paris, dans les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Autrement dit, il est en tête en province et son électorat se soucie peu de ce qu’il se passe en Ile-de-France.

Dans toutes les circonscriptions périurbaines, rurales, de la France périphérique, soit près de 500 sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale, la liste RN arrive en tête. C’est donc un électorat rural, périurbain, de villes moyennes, qui va seul ou presque décider de l’avenir du pays. La voix d’un électeur parisien pèsera bien peu face à celle d’un électeur du Lot ou de l’Eure. Le premier aura probablement le choix entre un candidat de la majorité présidentielle, un candidat de gauche et parfois même un des rares survivants de LR, quand le second aura le choix entre un candidat RN en ballottage favorable et un autre candidat.

Cette revanche de la France périphérique est une conséquence, sans doute inattendue, de la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale. Ceux qui parlent dans les médias, ceux qui enseignent dans les universités, ceux qui sont les dirigeants économiques du pays vont sans doute donner leur point de vue, mais ceux qui décideront sont les Français de la province, de la ruralité. Cela n’était jamais arrivé à ce point : ceux qui ont fleuri les ronds-points il y a quelques années se retrouvent en position de décider seuls de l’avenir du pays.

“Pour de vrai”

Ils l’avaient déjà fait lors du référendum sur le traité constitutionnel européen dont le résultat avait été contourné par la suite, mais cette fois-ci, c’est “pour de vrai”. De leur vote dépend réellement l’avenir du pays et personne à Paris ne sait comment leur parler, personne ne sait s’adresser à eux car, pour des raisons qui ont été expliquées par de nombreux sociologues, géographes, politologues, ils ont été écartés du chemin de modernité de notre pays.

Ceux qui voteront regardent avec amusement le lycée Henri IV à Paris bloqué par ses élèves, ils regardent avec amusement les places parisiennes envahies : ce sont des lieux qui ne les concernent pas. Cette situation paradoxale fait que l’auteur de ces lignes, mais également une bonne partie de ceux qui les liront, ne seront sans doute pas concernés directement par le choix des 30 juin et 7 juillet prochains.

Au-delà du résultat de ces législatives, il sera désormais impossible d’ignorer cette “France des circonscriptions” puisqu’en définitive, c’est elle qui détient les clés du pouvoir législatif et de la composition de ce gouvernement, mais aussi de ceux qui viendront ultérieurement car il y a peu de chances que cette France ne profite pas un peu de ce pouvoir qu’elle n’attendait absolument pas.

*Arnaud Lacheret est professeur à Skema Business School. Il a notamment publié Les intégrés et La femme est l’avenir du Golfe aux éditions Bord de l’eau.




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