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“Le macronisme est un narcissisme” : Emmanuel Macron, l’oreille fracturée et la parole débridée


Emmanuel Macron n’est plus. La table de travail se dresse toujours au milieu de la pièce, quelques affaires éparses, des livres, et ces lampes à gros abat-jour. Mais de lui aucune trace. Voilà le seul endroit en France où peuvent se dépêcher ceux qui ne veulent ni voir ni entendre le président : en plein cœur de Paris, au musée Grévin. La statue de cire du chef de l’Etat, debout, mains à mi-hauteur comme pour s’adresser aux Français, “est en réparation”. Motif ? Emmanuel Macron est devenu sourd, “une oreille fracturée”. Ironie de la réalité. Le faux a perdu l’ouïe, le vrai sature celle des Français. Conférence de presse, confidences à la presse régionale, lettre aux Français, podcast de 1h45… Et pour ceux qui entendraient mal : les photographies, en noir et blanc, semées comme autant de petits cailloux sur le chemin du “retour au peuple” par sa photographe officielle, Soazig de La Moissonnière.

Quand L’Express a raconté que le président, aux ministres réunis le dimanche 9 juin, avait annoncé : “Je ferai trois interventions par semaine jusqu’aux législatives”, l’Elysée s’est empressé de démentir. Un président bavard, quelle horreur ! Deux semaines, six interventions. Cherchez l’erreur… En cette fin d’année scolaire, il se peut que les notions de calcul mental doivent encore être consolidées rue du Faubourg Saint-Honoré.

Le président parle, donc. Alors même qu’autour de lui, on s’accorde pour réclamer le silence. Il y a ceux qui osent, appelant devant lui à une “démacronisation” de la campagne, comme François Bayrou, selon les infos de Politico. Ou ce compagnon de route des débuts qui, souvent, lui a intimé : “Tais-toi ! C’est déjà un métier surexposé et, deuxièmement, il y a un danger rationnel, factuel : plus on skie, plus on a une chance de se péter la gueule.” Pensez-vous que le président l’a contredit ? “Il dit oui, il dit souvent oui !” s’écrie encore ébaubi celui qui ne peut que constater “un problème de discipline” chez ce chef de l’Etat exalté.

Ainsi enflent autour de ce dernier les rangs des innombrables qui assurent avoir renoncé, après avoir bataillé. “Il y a longtemps que j’ai cessé de lui donner quelque conseil que ce soit, avoue un intime des premières heures. Ce garçon est profondément fatigant.” Il se murmure même qu’Alexis Kohler, en personne, a plaidé pour une parole plus rare. Avec le succès que l’on connaît. Question d’un ami : “Pourquoi diable a-t-il autant besoin de parler ?” La seule qui vaille. Car c’est bien là une affaire de besoin, personnel, intime, ontologique, quand on prend la plume pour assurer que “la manière de gouverner doit changer profondément”. Quelle est l’urgence ? Quel est le message ? Nicolas Sarkozy, en son temps, promettait déjà tous les mois : “J’ai changé”, Pierre Mauroy en 1982, écrivait dans Le Monde une tribune intitulée “Gouverner autrement”…

Heureusement, l’heure est aussi à la libération de la parole ministérielle. Ainsi, un ministre très haut placé dans l’ordre protocolaire ne se prive plus d’avancer une hypothèse : “Le macronisme est un narcissisme, ça explique tout.” Il y a chez Emmanuel Macron, comme chez Nicolas Sarkozy avant lui, cette certitude qu’il est le seul capable. Que les Français, pour une bonne partie, lui tiennent rigueur d’une décision l’affecte, l’inquiète, mais ne provoque pas sa mise en retrait. Au contraire, il faut leur dire, leur prouver, leur faire accepter que c’est par lui que viendra le salut.

“L’amour ne meurt jamais de besoin mais d’indigestion”, le temps n’est-il pas venu pour le président de relire Ninon de Lenclos ? “Il est mû par un besoin de convaincre perpétuel, dit un proche. Mais surtout, il pense que ne pas parler, c’est disparaître, et il ne veut pas disparaître…” Triste sire. Dans quelques jours, la statue d’Emmanuel Macron reprendra sa place au musée Grévin. Triste cire ? Elle sera réparée, un sort enviable pour le chef de l’Etat. Réparée et muette.




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