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Roger Chudeau, le futur ministre de l’Education de Bardella ? “Si nous arrivons au pouvoir…”


“Si vous voulez que l’année prochaine on se retrouve, ce qui n’est pas forcément certain, je voudrais que vous vous mettiez au niveau et que vous baissiez d’un ton !” Nous sommes le 20 septembre 2023 à l’Assemblée nationale, et le député Rassemblement national Roger Chudeau se fait péremptoire face aux représentants des syndicats d’enseignants venus participer à une table ronde sur la rentrée scolaire.

Dans un climat très tendu, l’élu d’extrême droite, qui siège ce jour-là aux côtés de ses homologues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, n’hésite pas à taxer les interventions de membres de la FSU ou du Snalc de “ridicules” ou “totalement déplacées”, estimant que “l’aigreur des propos tenus rend inopérante ce type de réunion”. Protestation des intéressés qui quittent la salle, ce qui donne lieu à une suspension de séance. “Cette sortie outrancière a laissé des traces et a entravé le travail parlementaire”, confie une députée Renaissance. Par la suite, les syndicats refuseront d’être auditionnés dans le cadre d’une mission d’information sur le recrutement et la formation des enseignants présidée par Roger Chudeau.

Ce “clash” aura contribué à tendre un peu plus les relations entre les syndicats et le député RN du Loir-et-Cher qui a rejoint les rangs de l’hémicycle en 2022. Cette même année, l’élu à la mèche poivre et sel avait rédigé le programme éducation de Marine Le Pen alors candidate à la présidentielle, ce qui lui vaut, depuis, le surnom de “Monsieur éduc du RN”. C’est également lui qui travaille aujourd’hui sur l’école aux côtés de Jordan Bardella.

“Nous sommes prêts à gouverner”, indiquait le chef de file du Rassemblement national lundi 24 juin avant de dérouler son programme. En ce qui concerne l’école, ce dernier a annoncé un “big bang de l’autorité” dès la rentrée de septembre, prônant l’interdiction des téléphones “dans l’ensemble des établissements scolaires, dont les lycées”, le port de l’uniforme et le vouvoiement des enseignants. Autres mesures annoncées : l’instauration de “sanctions planchers” dans les conseils disciplinaires, la création de centres spécialisés pour “les élèves perturbateurs et harceleurs” ou encore le remplacement du collège unique par un ‘collège modulaire'” afin “d’orienter plus tôt et plus efficacement”.

Approches éducatives “traditionnalistes”

Au sein de la rue de Grenelle, on reconnaît bien là la “patte Chudeau” qui, de son côté, insiste sur l’urgence d’enrayer la baisse de niveau. “50 % des élèves qui entrent en 6ème ne savent pas lire correctement – ce n’est pas moi qui le dis mais le ministère ! –, ce qui prouve bien qu’il y a quelque chose qui pèche dans la transmission des fondamentaux”, insiste ce dernier.

Cet ancien professeur agrégé d’allemand, devenu inspecteur d’académie puis inspecteur général avant d’être nommé directeur de l’encadrement du ministère de l’Education nationale en 2008 connaît bien la maison. “Il faut reconnaître que c’est un homme à la fois compétent et d’un commerce plutôt agréable”, confie cet inspecteur général qui l’a côtoyé au début des années 2000. “C’était aussi quelqu’un de très discret, même s’il ne faisait pas mystère de ses approches éducatives disons ‘traditionnalistes’ et de ses idées déjà très arrêtées que ce soit sur le port de l’uniforme ou sur la disparition du collège unique”, poursuit son ancien collègue de toute autre sensibilité politique.

Entre 2005 et 2007, Roger Chudeau exerce la fonction de conseiller auprès du ministre de l’Education nationale Gilles de Robien. Il rejoint par la suite le cabinet de François Fillon lorsque celui-ci devient Premier ministre. Christian Chevalier, ancien responsable du SE-Unsa qui exerçait alors les fonctions de conseiller technique du syndicat le croise à l’époque dans des réunions de travail ministérielles. “Il avait un côté diplomate, voire passe-muraille. Pas du tout du genre à crisper ou à provoquer, il était plutôt là pour tâter le terrain sans vraiment prendre position ouvertement”, se souvient Christian Chevalier. De son passage à la direction de l’encadrement, d’anciens collaborateurs gardent le souvenir d’un “homme assez abrupt qui ne brillait pas par ses talents de négociateur”.

Un virage “plus opportuniste qu’idéologique”

Aujourd’hui, Alain Boissinot, ancien recteur de l’académie de Versailles fait partie de ceux qui craignent la mise en place d’un “fonctionnement autoritaire”” à la lecture du programme RN de 2022. Le texte évoque, entre autres, la possibilité de sanctionner les chefs d’établissement qui ne seraient pas suffisamment vigilants quant au devoir de neutralité politique, idéologique et religieuse des professeurs. Ou encore dans le cas où ils n’appliqueraient pas les nouvelles “sanctions plancher” qui seront instaurées pour les élèves convoqués en conseil de discipline.

“Risqué ! S’il y a bien un corps avec lequel il ne faut pas se fâcher c’est celui des personnels de direction qui ont la capacité de bloquer tout le système”, réagit un autre ancien recteur, selon lequel Roger Chudeau semble plus soucieux d’envoyer des messages à l’opinion publique que de rassurer le corps enseignant historiquement classé à gauche et très hostile aux idées du RN.

Bon nombre d’”experts éduc” qui ont côtoyé Roger Chudeau par le passé s’étonnent du glissement progressif de ce “chiraquien-gaulliste”, tendance “RPR à l’ancienne”, vers le Rassemblement national. Le tournant se serait opéré après l’affaire Fillon survenue pendant la campagne présidentielle de 2017 et dans laquelle il s’était pleinement engagé. Un coup de tonnerre pour Roger Chudeau qui se détourne un temps de la politique pour se retrancher dans son fief de Sologne où il s’adonne à sa passion de chasseur. Membre du conseil scientifique de l’Institut de sciences sociales, économiques et politiques fondé à Lyon par Marion Maréchal en 2018, il se rapprochera ensuite de Marine Le Pen.

“Les idées de Roger ont convergé avec celles du Rassemblement national à partir du moment où ce parti a opéré une opération de “dédiabolisation”, analyse cet ancien inspecteur. Tandis qu’un haut fonctionnaire y voit un virage “plus opportuniste qu’idéologique”. “Quelle autre piste de carrière avait-il à 75 ans ? Devenir le “monsieur éduc du RN” était la seule véritable opportunité qui s’offrait à lui”, assène ce dernier.

“Nous n’obéirons pas”, préviennent certains cadres

Sur sa chaîne YouTube, Roger Chudeau n’hésite pas à attaquer tous azimuts les anciens ministres de l’Education nationale, consacrant une série d’épisodes baptisés “la minute de l’anti Pap” à Pap Ndiaye, représentant Gabriel Attal avec un bonnet d’âne, ou encore se moquant des “fariboles” de Nicole Belloubet (en référence au terme employé par cette dernière lorsqu’elle s’était érigée en 2016 contre la restauration de l’autorité et le port de la blouse). “Roger Chudeau a bien changé et n’hésite plus à monter au créneau quitte à tomber dans certaines outrances et une forme de démagogie destinée à flatter l’opinion”, attaque ce haut fonctionnaire qui ne cache pas son inquiétude quant à la possible accession de l’ancien député au poste de ministre de l’Education nationale.

Plus de 2 700 cadres, chefs d’établissement ou inspecteurs de l’Education nationale ont d’ailleurs signé une pétition “contre l’extrême droite” dans laquelle ils préviennent qu’”ils n’obéiront pas”. “Aucun d’entre nous n’appliquera de mesures qui contreviendraient aux valeurs de la République” si le Rassemblement national arrive au pouvoir le 7 juillet prochain, avancent-ils.

“Le RN a annoncé son intention de modifier une partie des programmes. S’il réécrit ceux d’Histoire en se basant sur des fondements idéologiques et non pas scientifiques, nous nous y opposerons”, avance en guise d’exemple Jean-Charles Ringard, inspecteur général honoraire de l’éducation, du sport et de la recherche à l’initiative de la pétition.

“Une prise de position scandaleuse”, a réagi Roger Chudeau sur BFMTV le 24 juin. “Si nous arrivons au pouvoir et si j’ai quelque chose à voir dans l’éducation, j’écrirai à ces gens-là pour leur dire : “Vous avez une semaine pour vous rétracter. Excusez-vous publiquement car vous avez violé tous les principes et toute la déontologie de votre fonction”, a-t-il prévenu. Avant d’ajouter : “Sinon, vous passerez en conseil de discipline”.




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