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“Ça va tanguer pour elle” : le pari raté de Giorgia Meloni après la défaite du RN


“Vive la République”, s’est exclamé sur X (ex-Twitter) Paolo Gentiloni, le pourtant discret Commissaire européen aux Affaires économiques, à l’issue des élections législatives françaises. Si, à Bruxelles, la défaite du Rassemblement national a suscité des soupirs de soulagement, elle n’en finit pas de faire grincer des dents à Rome. A l’instar du vice-président du Conseil, Matteo Salvini, qui a déploré le résultat de sa “grande amie Marine”. “Macron remporte les élections, mais n’a pas les chiffres pour gouverner”, a réagi le leader de la Ligue, pour qui le “Tous contre un” a réduit le nombre de sièges espérés par le RN au Parlement, mais pas son ancrage auprès des Français.

Mais c’est surtout Giorgia Meloni qui a été secouée par la défaite du RN. La résurrection du “front républicain” et la débâcle moins large qu’annoncée de l’ancienne majorité présidentielle ont en effet réduit à néant la stratégie européenne de la présidente du Conseil italienne. Celle-ci espérait un affaiblissement de son éternel rival, Emmanuel Macron. Une claire victoire du RN lui aurait permis de renforcer sa position à Bruxelles et d’arracher plus de concessions à Ursula von der Leyen, qui se retrouve privée du moteur franco-allemand, en panne. L’Italie vise ainsi un poste de commissaire à l’Industrie, au Marché intérieur ou à la Concurrence – que convoite également la France. Peut-elle l’obtenir ?

“Nous sommes l’unique pays stable parmi les fondateurs de l’UE avec un gouvernement fort dirigé par une personnalité respectée”, plaide un membre de son équipe diplomatique. Face aux difficultés du président français et du chancelier allemand, Giorgia Meloni offre aux marchés financiers, dit-elle, l’image inédite d’une péninsule stable et atlantiste, fortement arrimée au camp occidental.

“Ça va tanguer pour elle”

Mais la dirigeante italienne est-elle si forte ? En réalité, l’actuelle crise politique dans l’Hexagone montre que la bourrasque des droites radicales qui agite l’Europe peut s’essouffler. “Avec la débâcle des conservateurs, Giorgia Meloni a perdu en Grande-Bretagne son allié Rishi Sunak. Et la France prouve que la montée de l’extrême droite n’est pas inexorable. Meloni est maintenant sous pression à Bruxelles. Ça va tanguer pour elle”, estime le politologue Mattia Diletti.

Lundi 8 juillet, le groupe nationaliste et souverainiste Les Patriotes pour l’Europe de Viktor Orbán a été officiellement constitué avec 84 eurodéputés, ce qui en fait le troisième groupe le plus important de l’hémicycle. Il dépasse celui des Conservateurs et Démocrates européens (CRE), dominé par Giorgia Meloni. Suprême humiliation, celle-ci a dû essuyer des trahisons en cascade, à commencer par celle du parti espagnol Vox – frère jumeau de sa propre formation, Fratelli d’Italia -, mais aussi celle de son allié de coalition au pouvoir, Matteo Salvini. Ces derniers jours, le leader de la Ligue était à la manœuvre pour dissoudre l’actuel groupe souverainiste Identité et Démocratie (ID), dans lequel il siégeait avec Marine le Pen, afin de favoriser l’essor du groupe des Patriotes.

Recentrage à la rentrée

“Il y a encore un mois, Giorgia Meloni se rêvait au centre du jeu politique européen, souligne Mattia Diletti. Elle risque désormais d’être marginalisée. Elle avait fait le pari d’être indispensable à Ursula von der Leyen, mais ça ne s’est pas passé comme ça. Elle a été isolée au sein du Conseil européen et risque de l’être demain au Parlement.” Pour se rétablir, Giorgia Meloni pourrait opérer un recentrage à la rentrée, croit savoir ce politologue. “Son second vice-Premier ministre, Antonio Tajani, favorise un rapprochement avec le Parti populaire européen (PPE)”, ajoute-t-il. Cette “normalisation” permettrait à Rome d’arracher un poste important dans la future Commission européenne.

L’automne s’annonçant particulièrement difficile sur le plan budgétaire, mieux vaut avoir quelqu’un dans la place pour défendre les intérêts italiens. L’élaboration du budget européen sera en effet particulièrement ardue avec des finances publiques dégradées et l’ouverture par Bruxelles d’une procédure de déficit excessif pour sept Etats membres… dont l’Italie et la France. “La raison voudrait que Giorgia Meloni opte pour une ligne modérée, conclut Mattia Delitti. Mais il faudra aussi compter avec son instinct combatif, qui peut la pousser à se radicaliser, car elle veut se venger des leaders européens. Elle s’est sentie exclue par ses partenaires [NDLR : lors de l’attribution des postes clés européens, les “top jobs”] et elle pourrait tabler sur une victoire de Donald Trump en novembre prochain, qui pourrait la dissuader de faire des compromis trop rapides.”




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