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De Ioulia Navalnaïa à “The Moscow Times”, Poutine accroît sa répression sur l’opposition russe


La mort d’Alexeï Navalny, le 16 février dernier, aura été un véritable choc aux yeux du monde. Le principal opposant à Vladimir Poutine, décédé durant son incarcération sibérienne, aura rappelé que le Kremlin était bien déterminé à poursuivre sa dérive ultra-autoritaire.

Et de fait, depuis février, les principales autres figures d’opposition en Russie subissent une répression accrue de la part du pouvoir. Cette semaine fut tout particulièrement violente pour nombre d’entre eux, de Ioulia Navalnaïa au prix Nobel de la Paix Oleg Orlov, en passant par Vladimir Kara-Mourza ou le journal indépendant The Moscow Times. Tour d’horizon.

Mandat d’arrêt, “terroriste”… Ioulia Navalnaïa, cible numéro 1 du Kremlin ?

Elle a juré de poursuivre l’héritage de son mari Alexeï Navalny. Un message que semble prendre au sérieux le Kremlin, qui a placé ce jeudi 11 juillet Ioulia Navalnaïa sur la liste des “terroristes et extrémistes”. Deux jours plus tôt déjà, ce mardi 9 juillet, la justice russe avait annoncé que l’opposante était visée par un mandat d’arrêt pour “participation à un groupe extrémiste”. Son placement en détention provisoire avait même été prononcé en son absence, par un tribunal moscovite.

En exil loin de la Russie, ce mandat d’arrêt et cette inscription à la liste des “terroristes” n’auront pas d’impact sur son quotidien. Mais le message est clair : si elle venait à faire son retour sur le sol russe, son arrestation serait immédiate. A l’image d’Alexeï Navalny, arrêté à l’aéroport de Moscou dès son retour en Russie le 17 janvier 2021.

Pas de quoi effrayer la veuve d’Alexeï Navalny, qui a réagi avec son habituel ton caustique. “Mon Dieu, je n’ai pas regardé mon téléphone pendant une heure, et pendant cette heure, je suis déjà devenue une terroriste”, s’est ainsi moquée Ioulia Navalnaïa sur le réseau social X. “Il tue le mari et il inscrit la femme chez les terroristes. Typique de Poutine”, a-t-elle ajouté. “Quelle rapidité ! […] S’ils s’appliquent à ce point, c’est que Ioulia Navalnaïa fait tout comme il faut”, a également ironisé sur X l’ancienne porte-parole d’Alexeï Navalny, Kira Iarmych, elle aussi en exil.

La diplomatie française a dénoncé dans un communiqué cette “étape supplémentaire dans la dérive autoritaire du régime russe”, et une “décision cynique et révoltante […] qui démontre la détermination du régime russe à entraver la reprise par Ioulia Navalnaïa du combat d’Alexeï Navalny”. Le chancelier allemand Olaf Scholz, de son côté, a condamné un “mandat d’arrêt contre le désir de liberté et de démocratie”.

La peine de prison du prix Nobel de la Paix Oleg Orlov confirmée

Oleg Orlov foulera-t-il de nouveau un jour le sol russe en liberté ? Rien n’est moins sûr. Militant des droits humains âgé de 71 ans, notamment reconnu pour avoir cofondé l’ONG Memorial, co-lauréate du prix Nobel de la Paix 2022, celui-ci a vu sa peine de prison confirmée ce jeudi 11 juillet. Deux ans et demi derrière les barreaux… ou sûrement plus, lorsque l’on connaît les méthodes de répression en Russie.

Contrairement à de très nombreux opposants au Kremlin, Oleg Orlov avait fait le choix de rester en Russie afin de “continuer le combat” contre Vladimir Poutine. Mais en février dernier, ses critiques acerbes et répétées de l’invasion de l’Ukraine lui avaient finalement valu d’être incarcéré. Une condamnation confirmée ce jeudi en appel, malgré un état de santé “fragile”, comme l’a rappelé la diplomatie française. Le Quai d’Orsay a dénoncé “un procès au cours duquel les droits de la défense ont été systématiquement bafoués” et un “nouvel exemple de la dérive autoritaire de la Russie”.

Oleg Orlov, participant par visioconférence depuis sa cellule à plus de 900 km de Moscou, a tenu à apparaître combatif et sans dévier de ses positions. “Je ne regrette rien et ne me repens de rien”, a-t-il répété quelques minutes avant le début de l’audience, avant de “refuser” de répondre aux questions de la cour, qu’il a qualifiée d'”inique”.

Il a ensuite comparé le système judiciaire russe à celui de l’Allemagne nazie, citant les propos de l’avocat américain Telford Taylor lors du procès de Nuremberg après la Deuxième Guerre mondiale. “Ils ont déformé, perverti et finalement réalisé la destruction totale de la justice et de la loi”, a-t-il répété, des mots à ses yeux “remarquablement adaptés pour caractériser l’état actuel” de la justice russe.

L’hospitalisation inquiétante de Vladimir Kara-Mourza

Sa situation rappelle forcément la fin tragique d’Alexeï Navalny : Vladimir Kara-Mourza, l’une des figures éminentes de l’opposition russe, a été hospitalisé il y a quelques jours dans un établissement de soins pénitentiaire. De quoi susciter des craintes, alors que l’homme de 42 ans a gardé d’importances séquelles de deux empoisonnements dont il a été victime en 2015 et 2017.

Vladimir Kara-Mourza, honoré par le jury du prix Pulitzer en mai dernier pour “ses articles passionnés écrits au péril de sa vie depuis sa cellule de prison”, est l’une des principales victimes du durcissement toujours plus violent du système répressif du Kremlin. Il fut ainsi condamné en avril 2023 à vingt-cinq ans de prison pour “trahison” et diffusion de “fausses informations” sur le conflit en Ukraine, une peine particulièrement lourde, même dans le contexte de répression accrue en Russie. Son lieu d’incarcération : la colonie pénitentiaire d’Orsk, en Sibérie, dont les conditions rappelant là aussi le traitement réservé à Alexeï Navalny.

A la suite de son hospitalisation, ses proches se sont alarmés toute cette semaine de se voir refuser la possibilité de lui rendre visite, exprimant une grande inquiétude pour son état de santé. Son avocat Sergueï Safronov a enfin pu le rencontrer ce mercredi 10 juillet, a indiqué sur Facebook son collègue, l’avocat Vadim Prokhorov, constatant un état “relativement stable” de leur client. “Pendant six jours, les avocats n’avaient pas accès à Vladimir”, a-t-il écrit. Estimant qu'”actuellement, son état de santé est relativement stable”, celui-ci a également rappelé que son client souffrait de polyneuropathie, “une maladie chronique grave”.

La veille, le même Vadim Prokhorov, cité par la chaîne Telegram antiguerre Reforum Journal, reprise par le canal des proches de l’opposant, avait estimé que son client était “en grand danger”. “L’état de santé de Vladimir se détériore depuis février 2023. Le 2 juillet, il se sentait comme d’habitude en rencontrant son avocat, mais tout peut changer très vite”, avait-il encore souligné, citant l’exemple de Navalny, mort en prison en février dans des circonstances troubles.

Le pouvoir russe, de son côté, n’a fait que nier être responsable de la situation, et a affirmé ne rien pouvoir faire pour l’opposant russe “Malheureusement, nous n’avons pas la possibilité de suivre cette situation”, a affirmé cette semaine le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov lors d’un point de presse, affirmant qu’il ne s’agissait “pas d’une prérogative” du Kremlin.

Le journal d’opposition The Moscow Times classé “indésirable”

Les personnalités phares de l’opposition ne sont pas les seules victimes de cette semaine d’intense répression. Le média indépendant The Moscow Times a été classé ce mercredi “indésirable” en Russie, et donc interdit, a indiqué le bureau du procureur général russe. Lancé en 1992, peu après l’effondrement de l’URSS, le média, qui publie en langues anglaise et russe, avait déjà été désigné “agent de l’étranger” en novembre 2023, poussant la plupart de ses collaborateurs à quitter le pays.

Cependant, le statut d'”organisation indésirable” est plus infamant encore, et rend ses collaborateurs passibles de poursuites au pénal en Russie. Ses journalistes… mais aussi ses lecteurs : selon le site d’information Mediazona, spécialisé dans les affaires judiciaires et la répression, des personnes ont été mises à l’amende simplement pour avoir partagé des liens ou des articles publiés par des organisations classées “indésirables”.

Reporters sans Frontières a très vite réagi à cette annonce, et s’est dite “indignée par l’étiquetage du Moscow Times comme ‘organisation indésirable’, qui interdit toute activité dans le pays et expose son personnel à la prison. Il s’agit du 21e média stigmatisé par ce ‘statut’, en raison de leur couverture de la guerre en Ukraine”, a fustigé l’ONG. “Bien entendu, nous poursuivrons notre travail comme d’habitude : le journalisme indépendant. C’est un crime dans la Russie de Poutine”, a quant à lui assuré le fondateur du Moscow Times, Derk Sauer, dans un message publié sur X.




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