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Encensées par Mélenchon, soutenues par Macron et la droite… La résurrection des hydroliennes

“Les petits ruisseaux font les grandes rivières”, parole de Jean-Luc Mélenchon. Le chef insoumis n’a rien d’un don Quichotte en guerre contre les moulins à vent. Au contraire : il aimerait en voir “des milliers d’autres” dans le pays. “Je parle souvent des moulins. Leur nom moderne est ‘hydroliennes’. Peu importe. L’énergie tirée de la force de l’eau reste une énergie illimitée”, écrivait-il sur son blog en 2021. Discours, débat, interviews… Le triple candidat à la présidentielle n’a cessé, ces dernières années, de défendre les énergies renouvelables marines, et particulièrement les hydroliennes, ces éoliennes immergées qui utilisent les courants marins pour produire de l’électricité. Rien d’étonnant, donc, à les voir inscrites noir sur blanc dans le programme du Nouveau Front populaire : “Faire de la France le leader européen des énergies marines avec l’éolien en mer et le développement des énergies hydroliennes.”

Dans cette période d’instabilité et de coalitions qui se dessinent à l’Assemblée nationale, les sujets qui rassemblent entre formations politiques peinent à émerger clairement. L’hydrolien peut se féliciter d’en être un. Outre La France insoumise, et la gauche dans son ensemble, le secteur a retrouvé la confiance du gouvernement, qui le mentionne – c’est une première – dans son Plan national intégré énergie-climat (Pniec), finalement transmis début juillet à la Commission européenne. Le groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) à l’Assemblée et les Républicains (LR) au Sénat ont également, dans plusieurs travaux récents pré-dissolution, soutenu son déploiement.

“C’est devenu transpartisan”, apprécie Guillaume Gréau, le directeur du développement d’HydroQuest, qui porte l’un des principaux projets français. Seul le Rassemblement national, historiquement contre l’énergie éolienne, s’y oppose. “Les trucs sous l’eau ? Pour moi, cela ne vaut rien”, a balayé le député RN Jean-Philippe Tanguy auprès de l’AFP.

Le va-et-vient de l’Etat

Pas de quoi refroidir une filière qui revient de loin. D’un quasi-crash, en 2018. A l’époque, Naval Group, un acteur clef du secteur et détenu en majorité par l’Etat français, décide de couper ses investissements dans l’hydrolien en raison “d’absence de perspectives commerciales”. Dans la même période, un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) émet de fortes réserves sur son développement. “Ça nous a fait très mal, se souvient Marc Lafosse, du Syndicat des énergies renouvelables (SER). On l’a traduit comme un message demandant à l’Etat d’arrêter l’hydrolien. On a dû effectuer un gros travail pour rassurer tout le monde, et surtout le gouvernement.” Dans cette traversée du désert, le salut est venu… de l’Europe. Notamment des 48,4 millions d’euros alloués au projet Tiger, lancé en 2019 et visant à stimuler la croissance énergétique de l’hydrolien marin en France et au Royaume-Uni.

Ce financement a permis de poursuivre la recherche et développement de chaque côté de la Manche. Grâce à deux années de test entre 2019 et 2021 en Bretagne, “on a pu montrer aux services de l’Etat que notre technologie fonctionnait”, retrace Guillaume Gréau, d’HydroQuest. L’entreprise porte, avec Qair et CMN Naval, le projet le plus avancé du pays. Nommé FloWatt, il a reçu, en 2023, près de 65 millions d’euros d’un gouvernement finalement prêt à “repartir sur la bataille de l’hydrolien” – promesse d’Emmanuel Macron. Le creux de la vague est passé. Les autorisations administratives ont été délivrées en fin d’année dernière pour le site du raz Blanchard (Manche), entre la pointe la Hague et l’île anglo-normande d’Aurigny, un passage où circule l’un des courants de marée les plus puissants d’Europe. HydroQuest attend désormais, d’ici la fin 2024, une validation par la Commission européenne du tarif de rachat de l’électricité, avant le début de la construction des sept turbines, prévu l’an prochain. La mise en service du parc, d’une capacité de 17 mégawatts (MW), est espérée en 2027. Même horizon pour Normandie Hydroliennes, un autre projet pilote de 12 MW au raz Blanchard.

Visuel en 3D de la future ferme FloWatt d’HydroQuest.

PPE et appels d’offres

Dans la course aux courants marins, les années d’attentisme en France ont permis au Royaume-Uni, certes doté d’un meilleur potentiel (10 GW contre 5 pour l’Hexagone), de prendre quelques longueurs d’avances. Plusieurs appels d’offres commerciaux y ont déjà été lancés. “On est aussi prêt à franchir cette étape”, assure Marlène Kiersnowski, directrice des sites hydroliens à la Fondation OPEN-C. Elle réclame des objectifs chiffrés et gravés dans le marbre de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), texte repoussé à de nombreuses reprises, ainsi que de premiers appels d’offres. “C’est nécessaire pour garder les gens qui y croient et les investissements”, insiste Marc Lafosse. L’entreprise bretonne Sabella, qui exploitait une hydrolienne à Ouessant (Finistère), la première à avoir injecté de l’électricité sur le réseau, en a fait les frais. Elle a été liquidée en janvier dernier faute de modèle rentable. “Le dommage collatéral d’une PPE qui aurait dû sortir il y a un an et demi”, regrette le président de la commission énergies marines du SER.

L’hydrolien, source d’énergie prédictible et plutôt bien acceptée par les populations, car invisible, manque encore “de gros projets pour garantir une compétitivité”, analyse Damien Callet, chargé d’études économiques à Xerfi. “De 200 à 300 euros par MWh actuellement pour un projet de ferme pilote, le prix baissera sous les 100 euros par MWh une fois le premier gigawatt installé dans l’eau. On se rapprochera alors de l’éolien et de perspectives commerciales intéressantes”, détaille Marlène Kiersnowski. Les différents acteurs du secteur vantent aussi la perspective d’une chaîne de valeur 100 % française, et l’utilisation de technologies déjà existantes, permettant d’encore abaisser les coûts. A l’image des sous-stations électriques reliant les futures hydroliennes à la terre, les mêmes que pour l’éolien en mer.

Désigné “champion bleu” par la Banque européenne d’investissement (BEI) en mai dernier, HydroQuest “commence à être sollicité par des énergéticiens étrangers, ce qui est souvent bon signe”, convient Guillaume Gréau. Si l’hydrolien restera, en termes de gisement, un petit ruisseau de la production d’électricité, il est prêt à gagner sa place dans la grande rivière de la transition en France, et dans le monde.




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