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La rupture avec Attal, les piques de Darmanin, Mélenchon en allié… Macron sur un champ de ruines


Gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge. Le lundi 8 juillet, Emmanuel Macron donne ses consignes aux dirigeants de son parti, Renaissance : “On ne bouge pas au groupe. Il faut laisser Sylvain Maillard président jusqu’en septembre.” Autour de la table élyséenne, personne ne contredit le chef. Mais dès qu’il a pris son avion pour se rendre au sommet de l’Otan à Washington, l’histoire s’accélère. Sans lui. Gabriel Attal passe à l’offensive et cinq jours plus tard, il est élu à la tête du groupe. “A la hussarde”, regrette l’Elysée.

Le vendredi 12, le président est de retour en son palais. Face à lui, Gérald Darmanin l’a un peu mauvaise, qui lui lance : “Ça ne rémunère pas, la loyauté !” Le ministre de l’Intérieur va vite tirer la conclusion de l’épisode : “Ok, on a compris comment ça fonctionne maintenant.” Il faut mesurer l’ampleur du changement.

Pour la première fois depuis 2017, le maître de la Macronie ne s’appelle plus Emmanuel Macron. Chacun pour soi. Le chef de l’Etat voulait à tout prix retarder l’échéance de sa succession. Avec la dissolution, il l’a accélérée. Chaque pas est un combat entre Emmanuel Macron et Gabriel Attal. L’élection de deux vice-présidents estampillés macronistes au groupe Ensemble pour la République est saluée comme une victoire de l’Elysée. “Attal a forcé la présidence du groupe, mais il ne maîtrise pas tout le groupe”, note aussitôt un macroniste.

En face, les enquêtes d’opinion sont convoquées pour montrer que plus rien n’est comme avant. Le champion de la Macronie ne s’appelle plus Emmanuel Macron. Dans le dernier sondage Elabe, Gabriel Attal atteint 5 points de plus que le président auprès de son électorat du premier tour de l’élection présidentielle de 2022 (à 79 %) et jusqu’à 6 points de plus auprès de celui du second tour (à 59 %).

Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont pourtant un point commun : ne pas reconnaître que la majorité a perdu les élections législatives. “Le président a intérêt à montrer que personne n’a gagné, il veut post-rationaliser la dissolution et sait qu’on lui en voudra de nommer un NFP, observe un ministre. Alors il crée du rapport de force. Il a un an avant de retrouver le bouton de la dissolution, donc il gagne du temps. Si on attend la rentrée pour avoir un Premier ministre, ça fera deux mois. Il n’en restera plus que dix.”

“On est très aidé par le Nouveau front populaire”

Nommer un chef de gouvernement ? “Ça peut prendre un certain temps”, confiait Emmanuel Macron à la veille du week-end. “On n’est qu’au tout début. Il faut la conversion des regards”, appuie l’un de ses proches. En marche ? C’est fini. Aujourd’hui l’immobilisme est la mère de toutes les vertus. Délaissé par son propre camp, le président ne retrouve de l’oxygène que grâce à la gauche. “On est très aidé par le Nouveau front populaire, ça donne à Emmanuel Macron des excuses”, constate Gérald Darmanin, qui n’en revient pas. Pour gagner un bras de fer, il est recommandé d’avoir un bras. Pour imposer un nom, il est recommandé d’avoir un nom. Dix jours après le second tour, les alliés du NFP ne sont efficaces que sur un point : abattre chaque figure potentielle pour Matignon.

Gardez-moi vraiment de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge. Vendredi 13 juillet, Pierre Jouvet fait ses valises et rentre à Valence. Avant de quitter la table des négociations, le socialiste s’est tourné vers son homologue insoumis Manuel Bompard : “On ne va pas discuter toute la nuit. On peut rester dans une salle, pendant huit heures, à faire le tour de nos arguments. Je ne vais pas vous convaincre, vous n’allez pas me convaincre.” L’homme de main de Jean-Luc Mélenchon acquiesce.

Voilà le PS et LFI, les deux principales forces du Nouveau front populaire, d’accord sur leurs désaccords. Au milieu du guet, écologistes et communistes volent au vent de leurs filiations, tantôt insoumises, tantôt socialistes… et jamais ne tranchent pour l’un comme pour l’autre. On dit le pays bloqué, c’est surtout la gauche. Les mêmes qui plastronnent d’être parvenus à fabriquer un programme commun de législature en quelques jours ne parviennent pas à s’entendre sur l’essentiel : un nom pour Matignon. Les Insoumis n’en démordent pas : Olivier Faure c’est non. Johanna Rolland, la numéro deux du PS, c’est aussi non. Boris Vallaud, le chef de fil des députés socialistes, c’est encore non. Martine Aubry, Najat Vallaud-Belkacem, non et re-non. Et quand Marine Tondelier propose Cécile Duflot, l’ancienne ministre – écologiste – de François Hollande, les sourcils des Insoumis se lèvent. Toujours non.

Macron-Mélenchon, même combat ?

Tout ce qui est proche de près ou de loin à une rose reçoit le veto des négociateurs de LFI. Ou pire. À mesure que l’hypothèse Laurence Tubiana se précise, que la société civile, syndicale ou écologiste, applaudit des deux mains, les Insoumis se retrouvent isolés et se cabrent. A Sophia Chikirou d’envoyer le signal sur les réseaux sociaux. Elle reproche à Tubiana d’être une affidée de François Hollande. “Le hollandisme c’est comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout…” L’armada d’anonymes insoumis sur les réseaux sociaux lui emboîte le pas pour dénigrer la candidate à Matignon qui plait tant au reste de la gauche.

“Notre plus gros problème avec les Insoumis, c’est qu’ils n’aiment l’union que lorsqu’elle se fait derrière eux”, soupire une huile du PS après plus d’une semaine de tergiversations nocturnes. Veulent-ils vraiment gouverner ? Le “vieux”, comme ils appellent tous désormais Jean-Luc Mélenchon, ne joue-t-il pas autre chose ? Toujours les mêmes questions qui taraudent le reste du Nouveau Front populaire. Le doute, constant. “Il y a une communauté d’intérêts entre Emmanuel Macron et lui”, déplore d’une même voix communistes et socialistes.

Samedi soir, veille de fête nationale, Jean-Luc Mélenchon s’invite à un petit conciliabule entre les chefs de partis. Une première. On discute encore d’Huguette Bello pour Matignon, la plus insoumise des communistes. Il ne pipe mot, écoute Manuel Bompard réciter la prière : de toute façon, ça ne peut pas être un socialiste puisque LFI est la force majoritaire de la coalition à l’Assemblée nationale. Le temps n’en finit plus et l’horizon de Matignon s’éloigne pour la gauche. Le temps, ami d’Emmanuel Macron. Et si son pari initial, celui d’une gauche incapable de s’unir, était le bon ?

Macron vers une démission ?

Le blocage appelle un recours, veut croire le président. “Tout le monde se tournera vers l’arbitre, le garant, espère un conseiller. Il y a plein d’outils institutionnels, de la nomination d’un gouvernement à la reconduction quasi-automatique du budget reconduit”.

Mais le blocage est aussi un risque, il s’appelle la démission du président. L’Elysée a commencé par pousser un soupir de soulagement au soir du second tour. “On redoutait qu’il y ait plus d’appels au départ de Macron, finalement seul Jean-Luc Mélenchon l’a évoqué”, se réjouit un conseiller de l’Elysée. Le sujet n’a pas disparu pour autant. Le lendemain, le président de Renaissance, Stéphane Séjourné, prévient le chef de l’Etat : “Je suis contre une motion de censure tout de suite pour faire tomber le gouvernement, il faut qu’on lui laisse démontrer son incompétence. Sinon on va créer de l’instabilité et ils vont réclamer votre démission.”

Démission du président ? “Qui sait”, lâche le député LFI Paul Vannier. Être prêt à tout, ne laisser aucun scénario de côté, “s’armer pour tous les combats”, dixit un autre fidèle de Mélenchon. Dès le 8 juillet, au lendemain des législatives, les mêmes partagent allègrement un sondage sur les intentions de votes du premier tour de l’élection présidentielle de 2027 : 4 % pour Marine Tondelier ou Fabien Roussel, 5 % pour Olivier Faure ; 17 % pour Jean-Luc Mélenchon. Preuve, disent-ils, qu’il reste le meilleur à gauche, que la présidentielle se joue demain ou dans trois ans, qu’il y ait une, deux ou trois dissolutions d’ici là. Confidence d’un négociateur insoumis à une socialiste au cœur d’une nuit de négociation : “Ce n’est pas Matignon qui se joue mais les législatives dans un an.”

Le blocage ne sera pas que politique. En fonction des équilibres politiques qui seront trouvés d’ici la rentrée, les facultés et les lycées pourraient réagir. “Et que feront les policiers si LFI est au gouvernement ? Est-ce qu’ils déposent les armes ?”, s’interroge un responsable de Beauvau.

“On n’est mort que dans la tombe” : Gérald Darmanin n’est pas de ceux qui enterrent Emmanuel Macron. Autour du président, il se trouve même des proches qui croient connaître la fin du film. Un gouvernement de gauche qui tombe vite, remplacé par un gouvernement de droite qui ne dure pas plus longtemps et ensuite les raisonnables qui se mettent autour de la table. “Tu sais qu’à la fin, Macron va gagner !”, lançait il y a peu un ex du Château à un nouveau député. A l’Elysée, un précédent est appelé à la rescousse: le gouvernement Waldeck-Rousseau, composé de républicains de droite et de gauche face aux antidreyfusards, et qui eut la bonne idée de durer presque trente-six mois. C’était il y a seulement 125 ans…




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