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Les ministres-députés avaient-ils le droit de voter à l’Assemblée ? Ce que dit la Constitution


20h30, jeudi 18 juillet. Le député du Rassemblement national José Gonzales, doyen de la chambre basse et à ce titre, président de la séance inaugurale, annonce la victoire de Yaël Braun-Pivet au Perchoir. Sur les bancs de l’hémicycle, soulagement de la présidente sortante, passée à 13 voix de ne pas rempiler à cette fonction qui lui avait tant plu ces deux dernières années. Mais comme le soir de la dissolution, certains se voient déjà l’évincer du siège sur lequel elle est assise.

“Elle a gagné un vote, mais ce n’est pas dans l’esprit de la démocratie”, tance sur TF1 l’écologiste Sandrine Rousseau qui annonce : “Nous [NDLR : le Nouveau Front populaire] regarderons les recours juridiques possibles” contre cette élection. Au même moment, le député frontiste Jean-Philippe Tanguy répond aux questions de Franceinfo. Et concède : “Il est vrai, que sans les voix des ministres députés, Mme Braun-Pivet n’aurait pas été élue”.

Une lecture souple de la Constitution

Réprobation, pour ainsi dire, transpartisane, et alimentée par le flou juridique qui entoure le vote des 17 ministres élus députés le 7 juillet dernier. “Ministres-députés”, une formule aux airs d’oxymores. Et pour cause, l’article 23 de la Constitution de 1958 interdit à un membre du gouvernement d’être en même temps député ou sénateur : “Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire […]”. L’opposition au camp présidentiel s’appuie sur ce principe pour dénoncer la participation des ministres à l’élection du président de l’Assemblée nationale, et donc, pour contester la légalité de l’élection de Yaël Braun-Pivet. En raisonnant ainsi, les oppositions à l’ancienne majorité présidentielle font toutefois fi de deux précédents.

Un premier datant de 1967, lorsque la majorité absolue était grandement fragilisée. Le second, de 1988, lorsque les socialistes n’étaient parvenus à faire élire que 275 députés et devaient alors composer avec une majorité relative. Dans les deux cas, les ministres élus dans leur circonscription avaient pu voter pour le candidat de l’Elysée, garantissant ainsi son élection. Ce, pour une raison simple, explique le constitutionnaliste Guillaume Drago : “Le code électoral donne un délai d’un mois avant que le suppléant ne remplace un député nommé au gouvernement”. La pratique part donc du principe que la réciproque est la même pour un ministre élu député. “Les suppléants ne peuvent donc pas prendre la place de ministres démissionnaires ayant exprimé leur souhait de siéger dans l’hémicycle”, explique-t-il.

Pas d’organe de contestation

En outre, précise la constitutionnaliste Anne Levade, en 1967 et 1988, les ministres élus députés étaient membres d’un gouvernement d'”affaires courantes”. Une formule issue de la nomenclature juridico-institutionnelle qui signifie que le chef du gouvernement a au préalable remis sa démission au locataire de l’Elysée, et que celui-ci l’a acceptée. Or, c’est exactement la situation dans laquelle se trouve depuis mardi 17 juillet le gouvernement de Gabriel Attal. Après l’avoir refusé eune première fois au lendemain du second tour des législatives, Emmanuel Macron a effectivement accepté la démission de son premier ministre.

“Dans la mesure où un décret portant cessation des fonctions du gouvernement a été signé par le président de la République avant le vote, et où la pratique est déjà survenue, il n y a pas de raison pour les ministres de ne pas voter le jour de l’élection du président de la chambre basse”, fait valoir Anne Levade, professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et présidente de la Fondation Paris 1 Panthéon-Sorbonne. D’autant que la pratique n’a jamais pas été contestée, abonde-t-elle.

Pour une raison peut-être : il n’existait à l’époque aucune structure devant laquelle la contester. Et la situation ne semble pas avoir changé. “Il ne peut pas y avoir de contentieux, tout simplement parce qu’il n’y a pas de juge pour cela : on ne peut pas saisir le Conseil constitutionnel, car celui-ci s’est déclaré incompétent à deux reprises, notamment en 1986”, décortique Jean-Jacques Urvoas, constitutionnaliste, ancien garde des Sceaux (2016-2017) et député socialiste (2007-2016). Les espoirs du NFP et du RN de convoquer une nouvelle élection au Perchoir sont maigres. Enfin, sourit une huile parlementaire, “jusqu’à la prochaine dissolution”…




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