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Questeur de l’Assemblée nationale : les dessous d’une fonction méconnue mais influente


Le perchoir n’étant plus vacant depuis jeudi soir, et la réélection de Yaël Braun-Pivet, place désormais à la distribution des postes clefs. Ce vendredi 19 juillet, les 577 députés éliront les membres du bureau de l’Assemblée nationale, la plus haute instance du Palais Bourbon, composée de vingt-deux parlementaires.

Parmi les fonctions qui font l’objet de nombreux tractages en coulisses : la questure. C’est à elle que revient la charge de la bonne gestion des services financiers et administratifs de la chambre basse.

Les places y sont chères. Seuls trois députés pourront accéder à ce poste vieux de plus de deux siècles, un héritage de la période napoléonienne, que se partagent majorité et opposition. En effet, depuis 1973, le troisième siège est dévolu à un membre issu du groupe minoritaire. “Ce qui lui permet de veiller à ce que les deux questeurs de la majorité ne fassent pas n’importe quoi”, sourit Florian Bachelier, premier questeur sous le premier mandat d’Emmanuel Macron (2017-2022).

Thierry Solère, Eric Ciotti… Le couac de 2017

Jusqu’en 2017, les questeurs n’étaient pas élus en séance plénière : chaque groupe désignait en interne le ou les députés qu’il souhaitait voir entrer à la questure. Mais l’éclatement du clivage droite-gauche à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron a bouleversé les usages et a contraint les députés à voter pour désigner les trois membres de la questure. Aussi, à l’époque, le chef de file des députés LREM de l’époque aurait omis de préciser qu’un des trois sièges revenait à l’opposition. “Il faut dire qu’avec l’arrivée de 284 primo élus, l’amateurisme était roi”, raille Jean-Jacques Urvoas, constitutionnaliste et ancien député du Finistère.

Le troisième siège était ainsi revenu à un député macroniste, un certain Thierry Solère, laissant Eric Ciotti sur le carreau. Mais face à la levée de boucliers des Républicains, l’élu des Alpes-Maritimes a finalement récupéré, en janvier 2018, le poste et les nombreuses responsabilités qui en découlent. Au premier rang desquelles veiller au bon usage des deniers du Palais Bourbon.

Le gardien des finances du Palais Bourbon

Les trois questeurs filtrent ainsi les moindres dépenses de l’institution, et sont les seuls à être en capacité d’engager directement des frais. Par ailleurs, chaque dépense doit être soumise à leur “avis préalable”, selon la formule de l’article 15 du règlement de l’Assemblée nationale. Ils ont, de plus, la lourde tâche de préparer le budget de l’Assemblée nationale.

“Six mois avant le début de la nouvelle année, les services confectionnent un projet de budget que l’on examine dans le cadre d’un Collège des questeurs”, explique Florian Bachelier, qui attire l’attention sur l’importance “des rapports humains” pour le bon fonctionnement de la questure. “Avec Laurianne (Rossi, deuxième questeur de la majorité) on s’entendait très bien avec Eric Ciotti, qui est vrai bosseur et excellent technicien, donc le travail était efficace”, assure-t-il.

L’administratif et les ressources humaines

Lors de l’élaboration du budget, des arbitrages peuvent être faits, et des points sont parfois retravaillés avant que le projet final ne soit présenté par le premier questeur au bureau de l’Assemblée nationale. Ce dernier, mené par le président de l’Assemblé, vote ensuite le texte. Mais les relations peuvent s’avérer parfois compliquées entre les deux responsables. “En général, le premier questeur trouve le président de l’Assemblée nationale mou, et le président de l’Assemblée nationale trouve le premier questeur turbulent”, résume l’ex-député d’Ille-et-Vilaine.

En plus de cette charge budgétaire s’ajoutent le pilotage administratif et la gestion des ressources humaines. Un travail qui se cumule bien sûr avec celui de député classique, et qui occupe en moyenne une journée par semaine. “C’est quand même un peu de boulot : ça demande d’arriver un peu plus tôt, de finir un peu plus tard, de rogner parfois sur son temps en circonscription”, souligne Florian Bachelier, qui tente de déconstruire les idées préconçues sur cette fonction.

Indemnités, voiture de fonction…

Car la questure n’accorde pas, selon lui, tous les privilèges qu’on lui prétend. “On ne gagne pas 10 000 euros par mois, contrairement à ce que j’entends souvent : comme n’importe quel autre député, on touche un peu plus de 5 000 euros net “, assure-t-il. En effet, d’après le site de l’Assemblée nationale, les indemnités mensuelles brutes d’un député sont de 7 637,39 €. Un montant qui comprend l’indemnité de base (5 931,95 €), l’indemnité de résidence (177,96 €) et l’indemnité de fonction (1 527,48 €).

Mais en plus de leurs indemnités d’élu, les trois questeurs bénéficient d’une enveloppe d'”indemnités spéciales”. La plus élevée après celle du président de l’Assemblée nationale. Cette dotation de 5 300,36 euros sert à payer l’organisation de réceptions par les parlementaires. “Le questeur est en quelque sorte le responsable de la salle des fêtes à l’exception près qu’il ne s’agit pas de fêtes mais de réunions”, schématise Florian Bachelier.

Ce dernier précise toutefois qu’il avait en son temps, avec son binôme Laurianne Rossi, renoncé à des privilèges qu’il considérait désuets. Comme celui d’une voiture de fonction avec chauffeur. Et l’ancien député macroniste de sourire : “J’avais fait la remarque à Eric Ciotti que le seul questeur qui a été réélu en 2022 est celui qui a gardé sa voiture et son chauffeur.”




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