La Chine est à la pointe en matière de robotaxis, avec AutoX, Baidu Apollo, Didi Chuxing, Pony.ai et WeRide, qui comptent à eux cinq plus de 2000 taxis entièrement automatisés. A Wuhan, la grande agglomération du centre du pays, dont la population – plus de 12 millions d’habitants – équivaut à celle de l’Ile-de-France, les 500, et bientôt 1000, robotaxis de Baidu Apollo couvrent une zone de 3000 km².
Robin Li, le PDG de Baidu, a déclaré en mai que 70 % des trajets de sa flotte étaient intégralement autonomes, et que cette part atteindrait 100 % dans les prochains trimestres, ce qui permettrait à la société d’atteindre le seuil de rentabilité. Ces chiffres ne sont pas si éloignés des prouesses que réalisent les américains Waymo, filiale d’Alphabet, et Cruise, filiale de General Motors. Aujourd’hui, 250 véhicules sillonnent déjà les rues de San Francisco, 150 celles de Phoenix, et une licence pour 50 véhicules à Los Angeles a été accordée.
Les taxis autonomes sont classés dans la catégorie des technologies de niveau 4 : ils se conduisent sans surveillance humaine et sans les restrictions de vitesse qui définissent le niveau 3. Mais ils restent coûteux à fabriquer et à exploiter. Le passage du niveau 2 au niveau 3 sur des véhicules accessibles aux consommateurs est potentiellement plus significatif. Si les constructeurs allemands Mercedes-Benz et BMW commencent à vendre des systèmes de niveau 3 en Allemagne, ils sont très bridés. La Chine semble prête à aller beaucoup plus loin, consciente que l’avance acquise sera difficilement rattrapable. Les mesures officielles s’enchaînent pour ouvrir la porte à toutes sortes d’expérimentations.
Feu vert pour Tesla
En décembre 2023, la première réglementation chinoise sur l’exploitation commerciale des véhicules autonomes est entrée en vigueur. Fin avril, Elon Musk a obtenu l’autorisation du gouvernement pour déployer sur ses Tesla la dernière version de sa technologie Full Self-Driving (FSD), après avoir conclu un accord avec la société chinoise d’intelligence artificielle Baidu pour cartographier le pays. La date du 8 août, le chiffre étant considéré comme porte-bonheur, a été évoquée pour une mise en service effective. Les constructeurs locaux de véhicules électriques commençaient déjà à proposer leurs propres programmes d’assistance à la conduite, pour aider les voitures à naviguer dans les villes. Mais Tesla fait encore figure de référence dans cette jeune industrie, et cette autorisation va stimuler le secteur.
Le 4 juin, le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information a délivré neuf permis pour tester la conduite automatisée de niveau 3 sur la voie publique. En clair, le conducteur humain n’a plus besoin de faire attention, sous réserve de certaines conditions, ce qui transfère la responsabilité au constructeur automobile. Parmi les lauréats, d’éminents fabricants de véhicules électriques comme BYD et Nio, mais aussi des services de covoiturage, des camions de fret ou des bus publics, pour tester la technologie le plus largement possible.
Routes connectées
Plus récemment, le 3 juillet, le gouvernement a dévoilé une liste de 20 villes qui superviseront la construction de routes intelligentes et connectées capables de communiquer en temps réel avec les véhicules autonomes pour les aider à prendre de meilleures décisions. Quelques-unes des métropoles figurant sur la liste ont déjà commencé les travaux. Wuhan, qui fait figure de pionnière en la matière, a récemment budgétisé 2,3 milliards de dollars pour un projet d’infrastructure, après avoir ouvert 3 379 kilomètres de routes à l’expérimentation. L’un des districts de la ville montagneuse de Chongqing, Yongchuan, a autorisé 1 446 kilomètres de routes d’essai à double sens.
Le message est clair. Le gouvernement chinois est prêt à apporter son plein et entier soutien à l’industrie des véhicules autonomes. Quitte à assumer l’impopularité de ce choix auprès des 10 millions de chauffeurs qui transportent des passagers et des 20 millions d’autres qui acheminent des marchandises. Deux corporations qui ne voient pas d’un bon œil le déploiement à grande échelle du pilotage automatique.
Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)
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