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Postes-clés à l’Assemblée : le nouveau discours du Rassemblement national


L’expérience laisse un goût amer. Le Rassemblement national s’était habitué, ces deux dernières années, à polir chaque jour un peu plus son image, à voir tomber les tabous, à dîner avec des représentants de la majorité ou de la droite, à franchir mois après mois de nouvelles étapes de dédiabolisation. En 2022, après avoir fait élire 89 députés, le parti d’extrême droite avait même obtenu deux vice-présidences à l’Assemblée nationale.

Deux ans plus tard, voici le groupe de Marine Le Pen de nouveau assis sur les bancs de l’hémicycle, passé de 89 à 125 élus (143 avec leurs alliés ciottistes), mais, cette fois, sans réussir à décrocher aucun poste clé, au terme d’une semaine de vote au Palais Bourbon, à la suite d’un accord politique passé entre les membres de la droite républicaine et du camp présidentiel. Une rétrogradation en règle subie par les frontistes, confrontés de nouveau à un cordon sanitaire qu’ils étaient sûrs d’avoir réussi à enterrer.

Mais le score historique du RN aux élections européennes du mois de juin et au premier tour des élections législatives anticipées a agi comme un électrochoc et ressuscité le front républicain pour faire barrage à l’extrême droite. Et resurgit avec lui, dans les discours frontistes, l’argumentaire antisystème. Face à leur score décevant du 7 juillet au soir, et leur incapacité à obtenir des postes stratégiques à l’Assemblée, les marinistes crient au scandale démocratique, dénoncent un manque de respect envers les millions de Français qui ont glissé un bulletin RN dans les urnes, s’insurgent contre une “alliance contre-nature” destinée à leur faire barrage. Une pétition en ligne est même diffusée à destination de l’électorat RN, réclamant “la protection des valeurs démocratiques et des institutions du pays”.

Le retour de l’antisystème

Marine Le Pen, quant à elle, surjoue la carte républicaine. “Je suis peut-être la seule à défendre la démocratie, on ne souhaite pas des postes pour nous-mêmes mais parce que c’est la conséquence du vote des Français, par ailleurs il est normal que le Nouveau Front populaire ait aussi des postes”, déclare-t-elle, le 17 juillet, au micro de BFMTV. Côté majorité, on s’interroge aussi sur la pertinence de cette stratégie d’isolement, et certains craignent qu’elle ne se retourne contre le camp présidentiel. “Il faut faire attention, prévient un interlocuteur du chef de l’Etat. Dix millions d’électeurs ont voté pour eux deux fois de suite, et leur exclusion est contraire à l’article 10 du règlement intérieur de l’Assemblée.” Ce dernier précise que l’élection du Bureau doit s’efforcer de reproduire “la configuration politique de l’Assemblée”.

Renvoyés malgré eux aux marges de la vie politique, les frontistes font désormais mine de se réjouir. La plupart assurent même que le ciblage dont ils feraient l’objet ne pourrait que les servir électoralement. “C’est absolument fascinant de voir à quel point nos adversaires sont incapables de réagir face à nous et nous font des cadeaux”, commente le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy. Place au nouveau récit : le RN, victime de jeux politiciens, préfère désormais se tenir à l’écart d’un système qu’il abhorre. “Vu comment les choses se passent à l’Assemblée, plus on se tient éloignés de ces tambouilles, mieux ce sera pour nous”, assure un proche de Marine Le Pen. Quitte à jouer de ce statut d’infréquentables dont ils tentent pourtant de se départir depuis des années. “Nous ne sommes pas comme les autres, nous ne souhaitons pas ces postes pour nous mais parce qu’ils sont la conséquence du vote des Français”, répètent à tour de bras les dirigeants frontistes.

Miser sur l’après

Voici pour le discours public et les plateaux de télévision. En coulisses, toutefois, le RN a retenu les leçons de ces deux années passées à l’Assemblée, et ne s’est pas privé de se livrer à des jeux tacticiens tout au long de la dernière semaine, échangeant avec des représentants de la droite et du camp présidentiel. Sans succès. L’idée d’un recours devant le Conseil constitutionnel a été brièvement envisagée, puis finalement abandonnée. Trop complexe.

Marine Le Pen et son groupe misent plutôt sur un autre scénario : celui d’une dissolution dans un an. Plutôt que de livrer bataille dans l’hémicycle, ils préfèrent donc tirer des plans sur la comète et se projeter sur le long terme, en envisageant aussi l’option de la démission d’Emmanuel Macron, que Marine Le Pen estime probable. Pour l’heure, à l’Assemblée, le RN et ses alliés de droite, qui avaient rêvé de la majorité, se contenteront d’un rôle d’opposition, et prévoient de ne pas en faire trop, contraints par une marge de manoeuvre restreinte. Comme seul recours, un élu envisage, laconique : “Il nous reste une chose : la politique.”




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