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Guerre en Ukraine : l’exemption hongroise sur le pétrole russe crispe ses partenaires


A la suite du sixième paquet de sanctions contre la Russie, voté en décembre 2022 en raison de la guerre en Ukraine, tous les membres de l’Union européenne (UE) se sont résolus à appliquer un embargo pétrolier contre Moscou. Tous les pays membres ? Non… Trois pays – Slovaquie, République tchèque, Hongrie – en ont été exemptés, en raison de leur situation géographique. Enclavés, il leur est difficile de diversifier leur approvisionnement en énergie, contrairement à d’autres pays disposant d’un accès à la mer. La mesure, arrivée à son terme en décembre dernier, a été prolongée d’un an à l’occasion du 12e paquet de sanctions visant Vladimir Poutine.

Seulement, en juin, l’Ukraine a entrepris une série de sanctions contre la société pétrolière russe Loukoïl, bloquant depuis quelques semaines ses livraisons qui représentent “un tiers des importations hongroises de pétrole”, selon le chef de la diplomatie Peter Szijjarto. Kiev en a les moyens techniques puisque c’est par son territoire que transitent les commandes hongroises, via l’oléoduc Droujba. L’intervention ukrainienne irrite dans la plaine de la Puszta, où l’on estime que la situation n’est pas tenable à “moyen et long terme”. Budapest, soutenu par son allié slovaque, en appelait lundi 22 juillet à l’Union européenne pour régler le litige qui l’oppose au pays agressé. Elle lui demandait de prendre part à “une procédure de consultation”. Pour le président du gouvernement slovaque Robert Fico et le Premier ministre hongrois Viktor Orban, l’initiative ukrainienne relève d’une “violation de l’accord d’association UE-Ukraine”. “Faute d’accord, il pourrait y avoir un recours à un tribunal arbitral”, relate l’AFP.

“Orban doit garantir l’accès à une énergie bon marché car il fait face à une importante crise du pouvoir d’achat”, décrypte Matthieu Boisdron, docteur en histoire de Sorbonne Université, chargé d’enseignement à Nantes Université et rédacteur en chef adjoint du Courrier d’Europe centrale. Le pays magyar a connu une récession en 2023, avec une contraction de -0,5 % de son PIB. Pays enclavé, la Hongrie dispose d’une “très forte dépendance” aux énergies fossiles russes, explique Matthieu Boisdron. Outre sa situation géographique, l’explication de la dépendance hongroise réside dans l’équilibre de son mix énergétique. En 2020, 68 % de l’approvisionnement énergétique hongrois provenait des énergies fossiles, selon l’Agence internationale de l’énergie. En octroyant une exemption sur la question du pétrole, l’UE a réussi à faire accepter à la Hongrie le sixième paquet de sanctions visant la Russie.

Orban à contresens

Quand bien même Viktor Orban flirte avec la dictature poutinienne, la dégradation des relations entre la Hongrie et l’Ukraine remontent à plus loin. “Il y a des tensions autour de la minorité hongroise de Transcarpathie”, une région du sud-ouest de l’Ukraine, évoque Matthieu Boisdron faisant état d’un “jeu de méfiance réciproque entre Orban et Zelensky”. La présence de cette minorité sur le sol ukrainien, tout comme celles vivant en Serbie ou en Roumanie, permet au leader hongrois “d’installer son récit national” et de présenter la Hongrie comme une puissance contrainte par l’Europe, amputée au siècle dernier d’une partie de son territoire et de sa puissance.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2010, Viktor Orban a tranché avec la politique internationale de “médiateur entre l’Est et l’Ouest”, adoptée pendant près de quarante ans par la Hongrie. Le leader du parti Fidesz a voulu “trouver d’autres interlocuteurs et s’est mis à dialoguer avec la Turquie et la Russie”, constate l’universitaire Matthieu Boisdron. A la tête de la présidence tournante du Conseil de l’UE depuis juillet, le Premier ministre hongrois a déjà choqué en allant, le 5 juillet, serrer la main de Vladimir Poutine au Kremlin.

@lexpress

Viktor Orban a rencontré Vladimir Poutine vendredi. On vous explique pourquoi.orban poutine russie moscou sinformersurtiktok#apprendreavectiktok

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L’aventure diplomatique hongroise continue de marginaliser Viktor Orban au sein de l’Union européenne. En réponse à cet affront, Josep Borell – chef de la diplomatie européenne – a annoncé déplacer à Bruxelles la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres, initialement prévue fin août à Budapest. De plus, l’Espagnol a assuré qu’aucun commissaire ne se déplacerait en Hongrie pour les futures réunions, laissant aux hauts fonctionnaires la tâche de représenter l’institution. Ce boycott sera effectif jusqu’à la fin de l’année.

En Europe, Orban ne peut plus compter que sur Robert Fico. Il est son dernier allié depuis que le gouvernement polonais du PiS a été défait lors des législatives de l’automne 2023. “Sans Fico, l’UE aurait pu relancer la procédure de l’article 7” à l’égard de la Hongrie, précise Matthieu Boisredon. Initiée en 2017 à la suite “d’une grave détérioration de l’État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux ces dernières années”, la procédure – qui sanctionne la violation des valeurs européennes – permettrait aux 26 de faire rentrer le 27e dans le rang.





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