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“Quitter son pays, c’est un sacrifice” : la détermination de l’équipe des athlètes réfugiés aux JO


Sur le terrain d’athlétisme du complexe sportif de l’Île-des-Vannes, en Seine-Saint-Denis, des maillots de toutes les couleurs se mélangent. A quelques jours du début des Jeux olympiques, les brassières jaunes pétantes des athlètes jamaïcaines croisent les ensembles bleu ciel des Botswanais, tandis qu’un sprinter à la veste floquée “Armenia” s’échauffe à quelques mètres des joggings colorés des sportifs venus de Vanuatu, en Océanie.

Au cœur de la matinée, Dorian Keletela rejoint à son tour le terrain d’entraînement. Mais cet athlète de 25 ans originaire de la République du Congo n’arbore aucun signe distinctif représentant son pays d’origine : il y a près de dix ans, le jeune homme a décidé de fuir le territoire, pour des “raisons politiques et ethniques”, avant de rejoindre le Portugal, puis la France. Vêtu d’une simple veste blanche, il participera aux Jeux olympiques sous la bannière de l’équipe des réfugiés, au logo en forme de cœur.

Cette délégation, créée en 2015 sur l’initiative du Comité international olympique (CIO) face aux différentes crises migratoires, permet aux athlètes réfugiés du monde entier, souvent privés de compétitions internationales, de participer aux Jeux sans représenter une nation spécifique. A Rio, en 2016, 10 athlètes venus d’Ethiopie, du Soudan du Sud, de Syrie ou de la République démocratique du Congo ont ainsi concouru dans l’équipe des réfugiés. Quatre ans plus tard, ses rangs ont presque triplé, accueillant 29 sportifs lors des Jeux de Tokyo.

Pour 2024, 37 athlètes exilés, spécialisés dans 12 disciplines différentes et accueillis par 15 Comités nationaux olympiques (CNO) représenteront les 100 millions de personnes déplacées de force à travers le monde. “Si je gagne une médaille, ce sera sous le drapeau officiel des JO, et avec l’hymne de la compétition. Mais le symbole est plus fort que tout : imaginez le message envoyé aux millions de réfugiés, partout dans le monde. Ça n’a pas de prix, et je n’ai pas vraiment de mot pour qualifier ce que je ressentirais”, confie Dorian Keletela.

Comme le reste de ses coéquipiers, le jeune homme a été soutenu par un programme de bourse géré par l’Olympic Refuge Fondation et financé par la Solidarité Olympique. Les membres de la délégation ont été directement sélectionnés par la commission exécutive du CIO en fonction de différents critères, comme leur niveau dans leurs sports respectifs, la reconnaissance officielle de leur statut de réfugié par les Nations Unies, ou encore la situation personnelle et le parcours sportif de chaque membre. “S’il n’y avait pas eu l’équipe des réfugiés, je ne pense pas que j’aurais pu concourir si vite aux JO”, soulève Dorian Keletela. Alors qu’il était encore mineur, réfugié à Lisbonne, il a été rapidement repéré par le CNO du Portugal, où il a évolué de manière fulgurante dans sa discipline. En 2021, il participe une première fois aux Jeux de Tokyo pour l’équipe des réfugiés, et pulvérise son record personnel sur 100 mètres, en 10’33 secondes.

Depuis installé en France, son parcours n’a pas toujours été de tout repos. “Dorian n’a pas pu participer aux derniers championnats du monde parce qu’il n’a pas pu obtenir son titre de séjour français à temps et s’est retrouvé en difficulté administrative pour toucher sa bourse, malgré l’aide et l’implication du CNO français”, raconte son entraîneur, Elliot Draper. Malgré cet obstacle de taille, qui l’a privé d’une compétition auprès des plus grands champions internationaux, l’athlète continue d’y croire, et se dit désormais prêt à battre son record à Paris. “Je reçois beaucoup de messages de soutien sur les réseaux sociaux, notamment de personnes réfugiées. Je veux leur montrer que tout est possible, ça me pousse encore plus”, martèle-t-il.

“Ils ont conscience du symbole qu’ils représentent”

A la sortie du déjeuner très officiel de la Session du CIO, le 23 juillet dernier, le judoka d’origine afghane Sibghatullah Arab fait part de la même détermination. Contraint de quitter son pays d’origine à l’arrivée au pouvoir des talibans, en août 2021, ce jeune homme de 22 ans a rejoint l’Allemagne en 2022, au terme d’un long périple. Entraîné par le club allemand de Mönchengladbach, le sportif a décroché la septième place à l’Open européen de Madrid en 2023 – et ne cache pas sa fierté en évoquant son parcours.

“Il faut se rendre compte de ce que c’est pour un athlète de devoir tout recommencer à zéro, dans un pays que l’on ne connaît pas, dont on ne maîtrise pas la langue… Et d’en arriver là, à participer aux JO de Paris !”, explique-t-il en souriant. Sibghatullah Arab préfère évoquer le fourmillement du Village olympique, qu’il vient de découvrir, ses rencontres avec des champions du monde de judo sur le terrain, ou ses semaines d’entraînement à Bayeux, en Normandie, avec le reste de l’équipe des réfugiés, plutôt que de s’attarder sur la politique afghane, les problèmes de sécurité rencontrés au pays, ou les difficultés à pratiquer son sport sous le régime des talibans.

“Certains athlètes que nous accompagnons ont encore de la famille dans leur pays d’origine, et préfèrent ne pas commenter la politique… Comme tous les activistes, à partir du moment où ils se mettent dans la lumière, ils s’exposent à des réactions plus ou moins négatives ou positives, partout dans le monde”, décrypte Olivier Niamkey, directeur associé de la Solidarité olympique et chef de mission adjoint de l’équipe des réfugiés. L’homme rappelle que ses athlètes bénéficient, comme toutes les autres délégations, du système de sécurité mis en place par les autorités françaises et le CIO. “C’est probablement ici qu’ils risquent le moins. Et ils ont tout à fait conscience du symbole qu’ils représentent : cela dépasse la simple participation sportive. Leur présence permet de parler, pour une fois, des réfugiés de manière positive… Et peut-être d’éveiller certaines consciences sur le sujet”, souligne-t-il.

Ramiro Mora Romero, haltérophile originaire de Cuba, se dit ainsi “très fier de représenter les 100 millions de personnes déplacées” à travers sa participation aux Jeux olympiques. “Quitter son pays, c’est un sacrifice que personne ne peut comprendre tant qu’il ne l’a pas vécu. Je veux faire passer un message d’espoir, montrer qu’il ne faut pas abandonner, quoi qu’il arrive. Et surtout, continuer de travailler dur”, explique-t-il. Le jeune homme de 26 ans sait de quoi il parle. Après avoir quitté son île pour des raisons politiques, il rejoint le Royaume-Uni en 2019, et travaille dans un cirque en tant qu’acrobate avant de demander l’asile. Pendant cette période, il songe plusieurs fois à abandonner son sport, avant de rencontrer un entraîneur britannique qui lui redonne le goût de la compétition. En 2022 et 2023, il brille aux concours nationaux, et remporte le record britannique dans les catégories de poids 89 kg et 96 kg.

Vendredi 26 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture des JO, le jeune Cubain prendra place sur le deuxième bateau du défilé sur la Seine, juste derrière la délégation grecque. Sa coéquipière Cindy Ngamba, boxeuse originaire du Cameroun et triple championne d’Angleterre dans sa discipline, ainsi que Yahya Ghotany, taekwondoïste originaire de Syrie et passé par le camp de réfugiés d’Azraq, en Jordanie, y porteront des drapeaux neutres, à l’effigie des anneaux olympiques.




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