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EXCLUSIF. L’écrivain Dmitry Glukhovsky imagine les JO 2124 à Paris : sa nouvelle inédite

A 45 ans, Dmitry Glukhovsky vit exilé en Europe après avoir été condamné à huit ans de prison par contumace par le régime de Poutine en août 2023. Son tort : avoir ouvertement critiqué l’invasion de l’Ukraine. Ecrivain et journaliste, il a connu un immense succès avec sa trilogie dystopique, Métro, publiée en 2005 et écoulée à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires partout dans le monde. Un livre qui a même inspiré la création d’un jeu vidéo.

En exclusivité pour L’Express, l’écrivain a imaginé une nouvelle au cœur des Jeux olympiques de Paris 2124, où un athlète français tente de défier l’hégémonie d’une nation qui manipule les gênes de ses athlètes…

La Dernière Médaille d’or

“Lève-toi ! Bats-toi !”, criaient-ils. Abdel-Michel restait au sol. Un goût saumâtre dans la bouche, le regard brouillé, l’estomac serré. “Lève-toi, enfoiré !” Il voulut se lever, vraiment, de toutes ses forces ; mais il réussit seulement à se cambrer dans un sens, puis dans l’autre, comme un vermisseau qu’on brûle avec un mégot de cigarette.

“Allez, Yannick, achève-le !” Abdel-Michel aussi était d’avis de se faire tuer. Mourir, c’est ne plus avoir mal. C’est n’en avoir plus rien à faire de s’être fait humilier. Ça lui allait très bien. Il ouvrit les yeux pour voir Yannick prendre de l’élan et lui porter le coup fatal avec le bout coqué en acier de sa botte. Pour que ses frères ne puissent pas dire qu’avant de mourir Abdel-Michel avait baissé les yeux de peur. Yannick le surplombait dans un brouillard rouge, entouré d’une foule mouvante de taches bigarrées. Le coup prenait une éternité à partir. Quelqu’un gloussait bruyamment. Soudain, un filet chaud ruissela sur le visage d’Abdel-Michel, chassant le sang. “Vis, enfoiré. Vis et va te laver !” Yannick lui envoya un crachat au visage, à la verticale.

L’enquêteur voulait savoir pourquoi il s’était fait tabasser. Est-ce qu’il ne se serait pas aventuré hors de son Ve arrondissement du côté du VIe, par hasard ? “T’as quel âge ? – Il a 12 ans, monsieur l’Officier.” Abdel-Michel se contenta de faire non de la tête. Sa mère fondit en larmes, pensant qu’il mentait et qu’il protégeait quelqu’un. Pour Paul, ça avait commencé pareil, et on sait comment ça s’est fini.

“T’as quand même pas voulu venger Paul, si ? !” Paul avait été assassiné la veille de sa majorité. Après la mort du frère, la mère a été sous antidépresseurs pendant deux ans. “Je suis pas con, maman !” La veille, le Ve avait fait tâter de la batte et de la barre à mine au VIe à Saint-Germain. Il y en a deux qui y étaient restés. La marche funéraire s’était transformée en manifestation, et la manifestation, en tsunami de haine. Abdel-Michel avait juste pris la mauvaise rue en rentrant de l’école, c’est tout. Il n’a juste pas eu le temps de s’enfuir. Il n’a juste pas su se défendre. Une mauviette. La voilà l’explication.

“T’es vraiment un sportif en carton”, plaisanta Jonathan. “Tu pourrais être mon entraîneur ?” demanda Abdel-Michel. Jonathan avait été le coach de Paul. Et même si on sait comment ça avait fini, Paul avait été un sportif prometteur. Personne ne l’aurait contesté. Même pas les gars du VIe arrondissement.

Sa mère dit à Abdel-Michel que s’il lui arrivait quelque chose, elle n’y survivrait pas, et que Fatih-François et Gaël-Gamal seraient orphelins par sa faute. Abdel-Michel préféra ne pas la croire.

“Hey, Ab-Mich !” M. Bondieu l’interpelle depuis le coin du tapis. “Tu passes me voir après.” Abdel-Michel tend la main à Luc, étalé dans la surface centrale, bascule sa carcasse sur lui, l’aide à se relever, et finit par une tape dans le dos, comme pour dire “allez, ça ira mieux demain !” Il traverse le tapis en souplesse.

Autour de lui, des dizaines de tapis semblables, des dizaines de carcasses qui s’affairent et suent du sel, dans une étreinte impitoyable, ils grognent en voulant rompre le cou bovin de leur adversaire, ils mugissent et rugissent. Des tonnes de muscles, de la mauvaise carne humaine, qui déchire de l’intérieur ces peaux luisantes, noires, blanches, brunes. Les nez cassés inspirent bruyamment l’air musqué, lourde émulsion de testostérone. Les yeux sont comme des phares blancs dans une ronde folle. C’est une machine à fabriquer de la douleur, et à fabriquer de la bravoure, aussi.

Abdel-Michel passe parmi eux, ennemis et amis, d’un pas chaloupé. Vaincus et vainqueurs, ils s’essuient avec leurs serviettes, assis en rang sur les bancs, hypnotisés par la vue de ceux qui sont toujours à se ceinturer et à s’étrangler dans ces sortes de prés ronds. Il frappe à la porte.

“Entre !” Le bureau de M. Bondieu est tapissé de fanions et de photos de lui, jeune, affûté, agile, l’idole noire de la fédération française. On le voit jeter au tapis des adversaires aux maillots multicolores. Et ses trois médailles : Shanghai 2100, Lima 2096 et Taïpei 2088. Une médaille d’or et deux d’argent. Vingt-quatre ans après sa dernière grande victoire, André Bondieu, bedonnant, affaissé et grisonnant, est toujours une légende vivante. Un quart de siècle que la France n’a pas remporté l’or en lutte libre. Et ce n’est pas près d’arriver.

Abdel-Michel se laisse glisser sur un tabouret. “T’es au courant pour Saïd ? Déchirure du ménisque. Pendant les qualifications. Hier.

– Les gars ne m’ont rien dit. Le pauvre.

– Tu comprends ce que ça veut dire ?

– Qu’est-ce que ça veut dire, monsieur Bondieu ?

– Arrête de faire le con, Ab-Mich.

– Vous pensez qu’il ne pourra pas se remettre à temps ?

– Je ne peux pas prendre le risque.”

M. Bondieu fixe Abdel-Michel, qui sent son pouls s’emballer à 140 sous le regard de Bondieu, comme s’il venait de vaincre Saïd sur le ring et qu’il levait le poing de la victoire. “Tu vas y arriver ?” Seulement, ce n’est pas une victoire à la loyale. Ce n’est pas Abdel-Michel qui a vaincu Saïd, mais un autre. “Vous me proposez de prendre sa place ? Dans l’équipe ? !

– Arrête de gueuler. Oui, Ab-Mich. Je te propose de prendre sa place dans l’équipe olympique.

– Mais il reste très peu de temps avant les Jeux…

– Ecoute-moi bien, fiston. T’es le meilleur poussin de mon incubateur. C’est une situation de merde. Mais si tu te mets à pleurnicher, alors je vais aller chercher quelqu’un de plus confiant, parce que…

– Inutile, monsieur Bondieu !

– Ça fait longtemps que tu t’entraînes chez nous ?

– Onze ans.

– Voilà. Onze ans. Depuis que Jonathan a été tué. Quand il était venu te présenter ici, il m’avait glissé : “Regarde, Henri, c’est un futur champion.” Le vieux croyait en toi. C’est pour ça qu’il t’a sorti de la rue.

– Je sais.

– A l’heure qu’il est, tu moisirais dans une décharge, dépecé dans des sacs, s’il n’avait pas vu en toi un potentiel. Alors ne le déçois pas.

– Entendu, coach.”

M. Bondieu hoche la tête, satisfait, bondit de sa chaise, s’avance vers sa médaille d’or, la prend, souffle dessus et se met à la frotter. “Tu comprends ce que ces Jeux représentent pour nous ? Est-ce que tu sais quand les JO se sont déroulés en France pour la dernière fois ?

– Il y a une centaine d’années ?

– Pas une centaine, mais très exactement un siècle. L’Europe était encore unie à l’époque. Les Etats-Unis dirigeaient le monde. La capitale avait été astiquée à fond, 20 millions de touristes avaient débarqué. La grande classe. La France avait retrouvé sa grandeur pour deux semaines.

– C’est combien de temps avant le déclin de l’Europe ?

– Une quinzaine d’années avant. Suivant comment on compte. Une trentaine d’années avant l’Empire Céleste Mondial. Bref, c’était une autre époque.

– Je vois.

– Tu verras quand je t’aurai raconté toute l’histoire. Depuis cinquante ans, le Comité olympique est contrôlé par tu sais qui. Avant, les Occidentaux laissaient parfois l’organisation des JO au tiers-monde, pour donner aux aborigènes l’illusion de les impliquer.”

Abdel-Michel a le cœur qui bat tellement fort qu’il n’écoute que d’une oreille. Il a du mal à réaliser que lui, le petit Abdel-Michel, habitant du quartier des Gobelins, va participer aux Jeux olympiques ! “Imaginons que tu aies une arrière-grand-mère. Et qu’elle ait un appart dans le Ier arrondissement, disons avec la vue sur le Louvre. La vieille dame est alitée, paralysée. La puanteur dans l’appartement pique les yeux, des cafards plus gros que mon pouce squattent la cuisine, et pourtant elle résiste à la mort. D’après tous les pronostics, l’appart devrait te revenir, mais tu n’as pas de document qui l’atteste. Tu visualises ?

– Ouais.

– Tu n’as aucune raison de l’aimer, d’autant que dans sa jeunesse, elle buvait, menait un mode de vie dissolu et n’hésitait pas à en venir aux mains. En vieillissant, elle s’est mise à radoter et faire la morale. Tyrannique dans la jeunesse comme dans la vieillesse, elle mériterait un coup de pouce à mourir, mais tu serais le suspect idéal aux yeux de la police. Alors il faut attendre. Pire, il faut s’occuper d’elle.

– Pff.

– Et voilà qu’elle fête son satané centenaire, elle respire encore, et exige qu’on lui organise une fête d’anniversaire. Que faire ? Tu dois t’y coller. Tu te fais beau, tu payes un extra à l’aide à domicile pour qu’elle lave la mamie, qu’il soit supportable de s’asseoir à côté d’elle ; un beau gâteau, tu allumes 100 bougies, mais, surtout, tu fais un tour de reconnaissance dans ta future demeure. Tu me suis ?

– Euh…

– Pour la France, ces Jeux sont comme ce centenaire, où elle tient le rôle de la doyenne.”

Abdel-Michel reste pensif. Il se concentre. “Mais nous, on représente la France.

– Exact.

– Alors il faut la raconter autrement, cette histoire, monsieur Bondieu.

– Vas-y, raconte-la à ta manière, Ab-Mich.

– Qu’ils viennent parader ici, ces jeunes freluquets qui ne se doutent pas que je suis suivie par un kiné et que je ne suis plus alitée. Je vais les enterrer tous, et je léguerai mon appart à mon aide à domicile. Et puis si j’arrive à rassembler les sous, je ferai de la thérapie génique et mon espérance de vie va s’allonger d’au moins dix ans, et ensuite on verra !

– Bravo ! Quelle niaque !”

Le coach administre à Abdel-Michel quelques tapes dans le dos. “A partir de demain, je m’occupe de toi sérieusement. Au fait, en parlant de génétique… Tu ne touches pas à cette merde de biohacking ?

– Bien sûr que non…

– Parce qu’ils vont nous tester, Ab-Mich. Il ne faudrait pas qu’ils trouvent quelque chose… Tiens, tu vas cracher dans le tube. Je veux être certain que tu es encore un humain naturel.”

Abdel-Michel crache à contrecœur dans le flacon. Dans la sélection, le contrôle de pureté de l’ADN est obligatoire, sinon il y aurait trop de petits malins qui s’injecteraient un upgrade.

On a le résultat en cinq minutes. “Le génome du patient n’a subi aucune modification”, conclut l’appareil de mesure d’une voix mélodieuse.

“Tu ne sais pas ce que tu perds, glisse la toubib avec un clin d’œil. Et ce que tu fais perdre à ta copine.

– Je ne crois pas, non. Abdel-Michel fait non de la tête.

– Un de mes mecs voulait avoir les yeux bleus, il s’est fait injecter un truc frelaté dans une cave et il a perdu la vue.

– Pourquoi acheter cette saloperie ? Quand il y a des revendeurs de produits sous licence chinoise. C’est importé illégalement, mais le produit est le même, tout ce qu’il y a de plus authentique.”

La toubib remet en place sa poitrine imposante. “Avec une ou deux piqûres, tu pourrais grave augmenter ta masse musculaire, glisse-t-elle, aguicheuse. Tu serais tellement beau gosse !

– Je suis sélectionné aux JO, tranche Abdel-Michel. Vous savez bien que le Comité olympique est intraitable sur la question, ils sont sans pitié lors des contrôles.

– Waouh !”

La toubib retrouve son sérieux. “Alors oublie tout ce que je t’ai dit. Toute l’équipe serait disqualifiée et moi, je me ferais arracher la tête. Je te félicite, Ab-Mich !”

Dans le métro, Abdel-Michel observe les passagers, il se demande qui parmi eux fait du biohacking. De l’extérieur, ça ne se voit pas toujours, allez savoir qui a modifié quoi. La plupart du temps, les femmes se laissent tenter par le rajeunissement, mais certaines vont jusqu’à modifier leurs données physiques en s’injectant des échantillons de top model. Les hommes s’injectent des gènes animaux : le gorille pour tripler sa musculature ; les gènes mammifères, ça craint toujours moins que se piquer avec des gènes de scorpion par exemple, comme la racaille des catacombes.

Bien entendu, cette hérésie est interdite sous la Xe République. Si une modification génétique est découverte, tu perds ta couverture santé : va savoir quels effets secondaires présente ton amélioration cosmétique sur le grain de peau ou la taille de tes attributs génitaux. Le cancer est le plus courant : le corps résiste au changement génétique, le système immunitaire panique et devient autodestructeur. Mais ça n’empêche pas les moches de vouloir devenir beaux et les faibles, de devenir forts. Dieu nous a faits imparfaits, on est obligé de faire le taf à sa place.

“Prochain arrêt : Gobelins”, annonce une voix de synthèse. Abdel-Michel se fraie un passage jusqu’à la porte et se trouve nez à nez avec son reflet dans la vitre fumée. La ligne épaisse et irrégulière de son arcade sourcilière, le profil cartilagineux de ses oreilles, boudins de pâte à modeler triturées à la va-vite par le chirurgien, son nez épaté. Sa mère lui a interdit de corriger ses gènes, lui assurant que les filles vont l’adorer tel quel. “Tu es tellement fort, lui répète-t-elle, tu es tellement beau.”

Désormais, avec sa prime olympique, il pourra lui payer un abonnement pour le Métavers, où elle aime vivre avec toute sa famille dans les environs de Marrakech ; il aura peut-être même assez pour un avatar de son père. Elle sera heureuse désormais.

La Xe République n’a pas les moyens de construire de nouveaux stades, elle se contente donc de chasser les clodos et les migrants des infrastructures du siècle passé. La flamme olympique fume salement.

“C’est pas bon signe.” M. Bondieu fronce les sourcils à la vue de l’épaisse fumée au-dessus de la petite flamme. “J’invite à la tribune madame la Présidente de la Xe République, Salomé Bettencourt !”, lance au-dessus du stade le baryton du maître de la cérémonie.

La présidente Bettencourt arrive au trot. Sur le papier, elle a 80 ans, mais elle ne les fait pas du tout. “Je me la taperais bien”, chuchote Loulou. Les médias prétendent que si la présidente fait quarante ans de moins que son âge, c’est grâce à la pratique régulière du sport, mais qu’est-ce qu’ils pourraient dire d’autre, ces sales vendus ? Ils ne vont quand même pas publier les résultats de son test ADN…

“La ville de Paris a eu l’honneur d’accueillir les Jeux olympiques pour la dernière fois il y a pile un siècle, commence Madame la Présidente. J’aimerais rappeler que la France a été celle qui a renouvelé les traditions olympiques…”

Abdel-Michel se demande si les JO de 2124 ressemblent à ce qu’imaginaient les gens il y a un siècle. Ils pensaient sûrement à des gratte-ciel, des voitures volantes, des vêtements synthétiques moulants, à la téléportation et un monde dirigé par les robots. On peut peut-être trouver ça quelque part, en Chine, mais certainement pas en Europe. Ici, les finances sont à sec. On n’a pas eu de quoi se payer des tours géantes, ni des voitures volantes, ni la conquête de la planète Mars. Plus une thune. Le temps s’est arrêté.

Tout juste eu de quoi redonner un vernis de façade aux Champs-Elysées pour les JO. Et pour un hologramme grandeur nature de la tour Eiffel, écroulée depuis longtemps, projeté sur le smog poisseux de Paris. Bref, pour offrir aux hôtes étrangers une pâle copie du Paris d’il y a cent ans. D’ailleurs, le budget a probablement été bouclé en empruntant à la Chine. “Liberté, égalité, fraternité !”, conclut Mme Bettencourt à la tribune. “Vanité, antiquité, absurdité”, glisse en grimaçant M. Bondieu.

La caméra se détourne enfin de la pimpante présidente et survole les athlètes qui forment une longue cohorte. La caméra passe sur les Britanniques ; voilà les Américains et leurs sourires étincelants – ils sont divisés entre ceux des Etats côtiers et ceux de l’Amérique profonde, baptisée “Heart of America” ; voici les post-Russes qui font un signe de la main, ils forment une dizaine d’équipes, pour tous les Etats issus de la chute de leur immense nation… Mais Abdel-Michel attend de voir une autre nation. Les maîtres du monde. Les Chinois. Il faut absolument qu’il les voie.

“Depuis les origines, les Jeux olympiques ont été l’arène où se sont affrontés les meilleurs !, déclame au pupitre le président du CIO. Les Jeux ne portent-ils pas le nom du mont Olympe car les dieux se seraient inclinés devant la perfection des athlètes olympiques ?” La délégation chinoise apparaît enfin dans le champ de la caméra. Des femmes et des hommes majestueux, parfaits comme des statues antiques. Peau nacrée, cheveux de jais, chaque corps parfaitement dessiné pour le sport auquel il est dédié. Visages souriants. Sans une once d’inquiétude, ils apparaissent calmes, assurés, et presque empathiques.

“Et je veux rappeler une fois encore depuis cette tribune, que les Jeux olympiques doivent rester l’arène d’une compétition juste. Ne doivent s’y affronter que des athlètes au corps en tout point semblable à ceux des premiers Jeux. Et nous n’accueillons dans la compétition que ceux qui n’ont subi aucune modification génétique. Seulement les gens ordinaires. Et que le meilleur gagne !”

La flamme olympique bondit dans un champignon de feu et de fumée comme la déflagration d’une bombe. L’orchestre symphonique entame un crescendo. Le stade explose dans un torrent d’applaudissements. “On va les éclater ! affirme M. Bondieu en se tournant vers sa petite équipe. Pour notre vieille France !”

Cet Ouzbek au nom à rallonge est incroyablement tenace, difficile d’échapper longtemps à son étreinte ; il est plus grand qu’Abdel-Michel et il le tient à distance avec ses bras qui oscillent comme deux serpents prêts à le saisir par la nuque pour l’étrangler. L’Ouzbek tout entier est devenu maintenant un boa qui se penche sur Ab-Mich, guettant le moment où il baisserait la garde, pour l’étourdir d’un geste et s’enrouler autour de lui.

Les gradins sont aux deux tiers vides : pratiquement tous les spectateurs sont français, car les Ouzbeks ne sont pas autorisés à quitter leur émirat. Les sièges premier prix du fond sont occupés par les gars des ghettos des centres-villes. Aux premiers rangs, les places sont réservées aux nobles issus des patriciats corporatistes de la Xe République sur dix générations.

Pour les premiers comme pour les seconds, Abdel-Michel, dont ils ignoraient jusqu’à l’existence encore hier, est désormais leur champion, leur alter ego. L’Ouzbek peut compter sur sa force extraordinaire, sur son jeu de mains hypnotisant et sur son palmarès. Abdel-Michel, quant à lui, ne peut compter que sur la France.

Dès son premier point, les Français sont tombés amoureux d’Ab-Mich, ils ont cru en lui, et ses muscles se sont remplis de cet amour et de leur foi en lui… Mais cet amour pourrait se transformer en peste, en poison, si l’Ouzbek gagnait ce combat. Un rugissement continu s’élève des tribunes, et Abdel-Michel se nourrit de ce cri. Comme si ses muscles étaient pris d’un spasme, non pas de douleur ni de paralysie, mais un spasme de rage. Acculé au bord de la zone de combat, il exécute une flexion en avant avec une force qu’il ne se connaissait pas, il retourne l’Ouzbek, désorienté, et le plaque au sol. Il n’en fallait pas plus.

Une vague brûlante d’extase monte du public et manque de l’emporter à son tour. M. Bondieu sourit à son Ab-Mich et le serre dans ses bras très fort, comme l’aurait fait son père s’il avait pu ressusciter.

Abdel-Michel rentre en métro, et des inconnus l’abordent pour lui dire merci. Ils veulent lui serrer la main, se prendre en photo avec lui. Ils lui donnent de l’amour, et en une heure de trajet il récupère toutes ses forces, nourri par le soutien des Parisiens des souterrains. A la maison, on l’accueille avec son gâteau préféré et plein de bisous.

Il se pose pour regarder les JO. Tout le monde ne fait que ça, regarder les JO. Et dans toutes les disciplines, la Chine rafle tout. Les cyclistes chinois distancent leurs adversaires de plusieurs longues minutes. Les haltérophiles chinois soulèvent des masses de fonte qui font trois fois leur poids. Les coureurs chinois ne sont rattrapés que par leur propre ombre. Les nageurs chinois fendent la matière comme des torpilles, comme si l’eau renonçait à leur opposer toute forme de résistance. De l’or, de l’or, de l’or.

“Ils sont modifiés”, chuchote Abdel-Michel. Ce qui n’était qu’un soupçon au départ devient une certitude à mesure que les médailles chinoises s’accumulent. “Félicitations pour votre victoire bien méritée !”, articulent en souriant les champions défaits en récompensant les nouveaux, tout aussi souriants et imperturbables, jamais essoufflés, embrassant les tribunes d’un regard plein d’une supériorité tranquille. C’est ainsi que sourient aux mortels les surhommes.

“Ils sont génétiquement modifiés !” Abdel-Michel se tourne vers sa mère, ses frères. “Ils ont passé tous les tests”, tempère sa mère en se détournant à contrecœur de son paradis virtuel. “C’est impossible pour un humain ordinaire ! “Ils en auraient parlé aux infos !” objectent ses frères. “Quelle perfection !”, s’extasient les commentateurs sportifs. “C’est impossible !”, argumente Abdel-Michel lorsqu’un lutteur chinois, sans même mouiller son tricot rouge, soulève sans effort le pauvre Loulou et le jette au tapis.

“Ne discute surtout pas avec l’arbitre”, lui souffle M. Bondieu. “Mais on n’a aucune chance !, s’insurge Abdel-Michel. Il y a vraiment que moi qui le vois ?

– Ecoute, gamin, l’interrompt le vieux à côté de lui. Ton connecteur fonctionne sur abonnement, mon métasystème est sur abonnement, les mondes virtuels où on passe notre temps, nos robots médicaux, nos véhicules autonomes et l’hélicoptère personnel de cette vieille mégère de Bettencourt, tout fonctionne sur abonnement. Nous vivons sur abonnement parce que nous sommes trop pauvres pour autre chose. Toute notre vie, à part le pain et le fromage, est fabriquée hors de France. Et tu sais où ?

– En Chine.

– Exact, gamin. Tu crois que la Chine hésiterait à fermer nos abonnements ?

– Arrêtez, monsieur Chaales, ils n’ont jamais désabonné personne.

– Attends, attends ! Et les Russes il y a vingt ans, quand ils commençaient à trop exagérer ? Comment ça a fini ?

– C’était il y a vingt ans ! C’est de l’histoire ancienne…

– C’est ça, tu n’étais pas encore de ce monde, mais moi j’y étais, gamin. Je m’en souviens très bien. Et je ne suis pas le seul. Le soft power, comme ils disent. Et encore, c’est sans parler de leur conglomérat spatial…”

Dans son duel contre le Grec, Abdel-Michel accomplit des miracles. Il est enragé et sa rage le rend plus fort. Ses mains étranglent le Grec comme si elles étaient possédées ; et même lorsque le Grec s’incline et l’arbitre valide la victoire incontestable d’Abdel-Michel, il ne peut desserrer son étreinte, comme un bull-terrier dont la mâchoire s’est refermée sur sa proie.

Il ne peut plus prendre le métro, où il est systématiquement pris dans une masse humaine extatique qui le colle tellement qu’il ne peut même pas faire un pas. Désormais, Abdel-Michel dort au centre sportif.

Pendant que les Chinois raflent l’or partout, au sprint, et même dans les cybersports, ils surpassent tous leurs adversaires par leur rapidité. Ils sont les meilleurs en escrime, et même au lancer de marteau. “Mais ils sont génétiquement modifiés ! Regarde-les, Loulou !”, supplie Abdel-Michel. Depuis son combat contre un Chinois, Loulou a les côtes en compote, mais il se contente de hausser les épaules. “T’as pas intérêt à balancer ça aux journalistes !, le prévient M. Bondieu en détachant bien chaque mot. Le Comité olympique te boufferait, et nous avec. Ce sont des accusations très sérieuses !”

Abdel-Michel continue sa progression. Le prochain lutteur dans sa catégorie, poids superlourd : le Tunisien Khaled Dahmani. L’avant-dernière marche de la pyramide. Au-dessus, il ne reste que le sommet, l’or.

Cette victoire lui tombe dessus comme un miracle : Khaled a été blessé dans son combat précédent mais s’est tout de même présenté au tapis. Une victoire à la loyale, donc. Abdel-Michel, le gamin des Gobelins, un gars du ghetto, métis et orphelin du Ve arrondissement, devient une star française de la lutte. Un héros national.

“Ils n’ont vraiment pas peur des conséquences ?, marmonne Abdel-Michel en regardant les juges passer des médailles en or au cou de Chinois au water-polo, au basketball… Ils seront rongés par le cancer dans moins de dix ans !” “Ils ne le font pas pour eux mais pour leur pays !”, siffle M. Chaales. “Personne ne leur a rien demandé.”

Saut en longueur, boxe, gymnastique rythmique. Chine, Chine, Chine. “Ça leur sert à quoi tout cet or ?

– Ils peuvent en avoir autant qu’ils veulent, Ab-Mich !

– Personne ne voit qu’ils sont tous génétiquement modifiés ? ! Et les tests de conformité génétique ?

– Les Chinois contrôlent le CIO. Ouvre les yeux.”

Badminton, plongeon, tir à l’arc. Ils raflent tout. “Le triomphe de la Chine !”, titrent les médias du monde entier. Les éternels Pères de la Nation agitent leurs petites paumes depuis le mausolée de Mao, affichant un sourire satisfait. C’est ainsi que sourient aux mortels les surhommes.

“Ne pensez-vous pas que la Chine pratiquerait la modification génétique sur ses sportifs ?”, demande un journaliste à Abdel-Michel. Le lendemain, tous les médias français s’exclament : “Un lutteur français accuse la Chine !” Abdel-Michel est jeté en pâture, on veut le mettre en examen, on prépare son exclusion, mais, en attendant, il va combattre. Les Chinois s’imposent à la lutte libre, ils ont gagné tous leurs combats jusqu’à présent. Poids plume, moyen, lourd… Il ne leur reste plus qu’à vaincre Abdel-Michel.

Son dernier combat approche. Son adversaire s’appelle Gao Liu, il a 25 ans, il a plié un post-Russe, un Nigérian, un Vénézuélien et un Daghestanais. La Chine ferme les yeux sur ses accusations. Le CIO publie les résultats des tests de compatibilité humaine de tous les sportifs chinois en compétition, ils sont nickel.

“Tu sais pourquoi ils font ça ?, hurle Abdel-Michel en oubliant de vouvoyer son coach. Ils doivent absolument mettre au pas le monde entier ! L’unique raison de ces Jeux, c’est de montrer qui est le plus fort, à tout le monde, par tous les moyens, jusque dans le connecteur de chaque habitant de la planète, jusque dans les toilettes ! Parce que le plus fort gagne. Ils veulent nous humilier ! Nous rabaisser ! Quel rapport avec le sport ?

– Ecoute, Ab-Mich. Quel rapport entre les Jeux olympiques et le sport ? Est-ce qu’il en a jamais été autrement ? A Munich ? A Salt Lake City ? A Pékin ? A Sotchi ?

– Tu dois nous protéger ! Nous ne luttons pas pour nous. Mais pour la France, putain ! C’est toi qui m’as raconté l’histoire de la vieille et de son appart, et maintenant ?

– Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Tu t’es mis dedans, tu ne t’en sortiras pas, gamin. Et tu voudrais m’entraîner dans ta merde ? Il n’y a pas de sport, et il n’y en a jamais eu, il y a que l’argent et la politique.”

Il va se faire défoncer. Gao Liu va lui rompre la colonne vertébrale, dans sa flaque de pisse au milieu du tapis. Il sera la risée du monde. Sur toute la planète, il n’aura nulle part où échapper à son humiliation, par un recoin où on croira à son histoire. Il ne peut pas perdre ce combat. Plutôt mourir. Plutôt choper un cancer.

Abdel-Michel ne peut pas aller voir la toubib de l’équipe de France : elle serait sûrement la première à le dénoncer à l’agence antidopage du CIO. Il doit donc trouver un labo clandestin par ses propres moyens. De dealers en proxo, il arrive jusqu’à ceux qui font dans les affaires les plus troubles.

L’entrée du cabinet médical se fait par un resto de nouilles assez douteux avec un genre de mollusque dessiné sur la devanture. Dans la salle d’attente : des pauvres filles qui rêvent de tromper Dieu lui-même et quelque mec crédule, des chauves bedonnants en quête de leur jeunesse perdue, des cybergothiques qui veulent se faire pousser des ailes. Abdel-Michel garde son masque, capuche baissée sur les yeux. Il ne faut surtout pas qu’on le reconnaisse. On lui fait signe, c’est enfin son tour. Il est accueilli par deux molosses. Ils lui posent plein de questions sur le type d’upgrade qu’il veut, lorsque soudain… “Abdel-Michel ?” Il sursaute. Pourquoi ce visage lui est tellement familier ? “Tu ne me reconnais pas ? Je me souviens bien de toi.” Ab-Mich a le tournis, il a chaud. Comment s’appelle ce gars, déjà ? Brouillard rouge, un coup de botte avec la coque en acier…

“Yannick. Je m’appelle Yannick.” Le gars lui arrive à peine à la poitrine, maintenant. Sans aucune modification génétique, Abdel-Michel, c’est 120 kilos de muscles d’acier, il pourrait lui tordre le cou en une seconde. Il n’envisage même pas de nier, il arrache son masque et prend une grande inspiration. Ça fait combien d’années ? En fait, il a attendu ce moment toute sa vie. Ce moment précis. Davantage que son duel avec Gao Liu… “Je suis fan, Abdel-Michel.

– Quoi ? !

– Ce que tu fais, frère… Ce que tu fais pour nous… Pour la France… Ça paraît con, je sais… Mais je me suis senti fier de mon pays, pour la première fois depuis… Bref… Ces trucs de gosse… Je voulais… Je voulais m’excuser. Si tu peux…

Ces excuses valent de l’or. Ab-Mich, frémit comme quand il s’avance sur le tapis, et fait oui de la tête. “De quoi tu as besoin, frère ?

– J’ai besoin d’un upgrade. Pour la force. Qui agit vite.”

Yannick échange un regard avec son second. “On vient de rentrer un truc. De la contrebande chinoise. Toute leur équipe en prend. Par contre, on ne connaît pas les effets à long terme…

– Toute leur équipe en prend ?

– Carrément. Crois-en mon expérience. Pourquoi, ça t’étonne ? Tu n’es pourtant pas né d’hier !

– Allez, vas-y, envoie !”, tranche Abdel-Michel.

Ce qu’il lui faut, c’est avoir les mêmes chances que les Chinois. Tout ce qu’il veut, c’est s’éviter une mise à mort humiliante. Comme ça, le combat sera loyal, même s’il perd.

“Votre salive, s’il vous plaît.” Abdel-Michel crache avec un air de mépris dans le flacon. Yannick lui a assuré que les appareils d’analyse du CIO ne savent pas encore déceler ce produit parce que les Chinois auraient interdit les investigations en ce sens. L’appareil émet un petit bruit, le regard du médecin glisse furtivement sur Abdel-Michel. “Tout est OK. Vous êtes admis à la compétition.” Abdel-Michel n’en revient pas, il sort d’un pas incertain devant une foule de journalistes. Aucune autre épreuve, aucune autre finale n’avait jamais attiré autant de médias.

“Abdel-Michel ! Vous continuez de penser que l’équipe chinoise a triché en faisant appel au biohacking ?” “Selon vous, Abdel-Michel, ce combat sera-t-il loyal ?” “Regardez la caméra, Abdel-Michel ! Par ici, par ici !” “Vous êtes devenu le symbole de la lutte contre le biohacking dans le sport, en avez-vous conscience ?” “Il est temps de mettre un terme à la domination chinoise !”, hurle quelqu’un dans le fond. “Justice !”, enchaîne un autre. “Justice !”, reprend en chœur la foule qui se masse autour du tapis de lutte.

Est-ce qu’il se considère comme un héros ? Non. Est-ce qu’il se considère comme un tricheur ? Non. Juste un gladiateur qui a refusé de mourir aujourd’hui. Demain est un autre jour.

Il s’avance sur le tapis, empli d’une rage sourde, il a du mal à se contenir, il aimerait cracher aux pieds du Chinois. Gao Liu est serein, tout en retenue, cordial. Il envoie à Abdel-Michel un sourire plein de morgue et d’assurance. Le sourire d’un dieu de l’Olympe qui condescend à un duel avec un mortel, certes le plus fort d’entre eux, mais un mortel quand même.

Seulement, Abdel-Michel n’est plus un simple mortel, lui non plus. Le sang de Zeus coule dans ses veines. Lui, le métis des Gobelins, traîné dans la boue, issu des moins que rien, le dernier espoir de la France, un tricheur, déterminé à se battre jusqu’à la fin ; il sent ses muscles déchirés de l’intérieur par une force insoupçonnée, le monde autour de lui ralentit à mesure que lui gagne en vitesse.

Alors, s’il peut maîtriser le temps, s’il peut ralentir la rotation de la Terre, pourquoi ne pourrait-il pas vaincre ce petit dieu de pacotille ? Une jambe, bascule, clef de tête. Ceinture à rebours, arraché, bascule. Gao Liu est particulièrement agile et d’une force indescriptible, mais Abdel-Michel est son égal, aucun des deux ne surpasse l’autre en force. Le public hurle, les tribunes sont pleines à craquer – un cas rare pour de la lutte libre. Et ce n’est pas seulement cette salle qui les regarde, c’est le monde entier qui a les yeux rivés sur le tapis. Les Jeux touchent à leur fin, presque toutes les médailles d’or ont été distribuées, et elles sont toutes pour la Chine. “Pour la France ! La France ! Justice !”, scande le public. Même M. Bondieu, au bord du tapis, crie comme un dingue ! “Justice !!! Pour la France !!!” Le monde entier demande la justice.

Ab-Mich et Gao Liu s’empoignent avec rage, ils s’étreignent comme deux frères, comme deux amants, désespérément, comme deux cerfs aux bois mêlés, deux ennemis dans un duel sans vainqueur, encore debout malgré leurs poignards plantés jusqu’à la garde. Le chrono tourne, 5 points pourraient déterminer la victoire. Gao Liu parvient à se libérer, tire Abdel-Michel par la jambe et l’amène au sol. L’arbitre s’apprête à siffler la fin et donner la victoire au Chinois, pour une 300e médaille, presque trop pour son pays grandiose ; lorsque Abdel-Michel parvient à exécuter un retournement, rugit et le plaque au tapis.

Gao Liu se ramollit soudain, comme s’il n’était pas un être vivant mais un androïde qu’on aurait déconnecté. Il n’essaie pas de se libérer, il laisse Abdel-Michel l’enfourcher, comme résigné à sa défaite avant même qu’elle ne soit prononcée. L’arbitre s’empresse de décompter les secondes, comme soucieux lui aussi de la victoire d’Abdel-Michel, puis le tire par le bras dans la lumière, vers la gloire internationale, vers sa médaille, sa revanche, sa rédemption. Abdel-Michel, sonné, la vue troublée, hagard, pantelant, tente d’esquisser un sourire, mais il n’en a plus la force.

On applaudit le vainqueur. On applaudit le vaincu, aussi. Abdel-Michel le regarde, incrédule, à travers le brouillard rouge, lui sourire, de son sourire tranquille, doux, conquérant.

Personne ne met en doute la victoire de la France, même si Abdel-Michel s’attend à tout moment à recevoir un appel du CIO. Sa victoire est incontestable, l’unique médaille d’or française aux JO, l’unique médaille d’or européenne. Abdel-Michel, béatifié de son vivant parmi les sportifs, à 25 ans à peine, il a déjà sa piaule au Panthéon ; le sauveur de la France, et même de toute l’Europe. Il est celui qui aura donné aux peuples le courage d’exiger la justice, qui aura réussi lui-même à rétablir la justice, soulevant un tsunami de courage dans le monde entier. Un tsunami qui lui aura léché les pieds sur le podium olympique avant de déferler jusqu’aux tréfonds des masses populaires, rassasiées et apaisées.

La Chine, qui aurait pu se transformer, à cause d’Abdel-Michel, en une hégémonie honnie, est considérée à nouveau comme une autorité légitime – grâce à lui. Elle se contente de l’or gagné. Tout l’or du monde, moins une médaille française en lutte libre catégorie superlourd. Lors de la remise des médailles par le président du CIO, le Tunisien à la 3e place, Gao Liu la 2e et Abdel-Michel en haut du podium, le Chinois lui tend la main. Abdel-Michel la broie avec la force d’une presse hydraulique, mais le Chinois sourit et ne surenchérit pas. “Merci !”, dit-il.

Gao Liu félicite Abdel-Michel dans une accolade. Avec plus de force qu’il n’en a mis dans son combat. “Pourquoi ?, chuchote Abdel-Michel à son oreille cabossée. Pourquoi merci ?

– Savoure ta victoire. Parce que c’est fini pour vous.”




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