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Triathlon reporté aux JO : “Honnêtement, quand on compare la Seine à la baie de Tokyo en 2021…”


C’est devant leur petit-déjeuner, tôt ce matin du 30 juillet, que les athlètes français ont appris la nouvelle : l’épreuve du triathlon, dont la natation devait se dérouler dans la Seine, a finalement été reportée à ce mercredi 31 juillet pour “raisons sanitaires”. Coup dur pour l’équipe de France, qui entendait depuis plusieurs jours les organisateurs répéter leur “confiance” sur le déroulement de la compétition dans le fleuve ce mardi – malgré l’annulation de deux séances d’entraînement le 28 et le 29 juillet. Alors que d’éventuelles pluies sont attendues ce mardi dans la soirée, et que l’épreuve pourrait être à nouveau reportée au 2 août, voire annulée et transformée en “duathlon”, le directeur technique national (DTN) de la Fédération française de triathlon, Benjamin Maze, confie à L’Express “la déception” et les “émotions très contrariées” des athlètes ce matin, mais assure que son équipe est également “préparée à tous les scénarios”. Entretien.

L’Express : Les triathlètes français ont appris le report de la compétition tôt ce mardi matin. Dans quel état d’esprit étaient-ils après cette annonce ?

Benjamin Maze : Nous avons eu l’information en plein petit-déjeuner, alors que la course était prévue à 8 heures. Il était environ 4 heures du matin, ils s’attendaient à concourir, et ont donc été très déçus de ce report… Il a fallu accueillir des émotions très contrariées, disons. Mais nous sommes habitués à faire face à ce type d’aléas : il faut faire sortir les émotions, laisser la place à la colère si elle est là, prendre cinq ou dix minutes pour bien râler sur la météo, puis une fois que c’est fait, se mettre en mode combat. Ils sont retournés se coucher pour sauver une ou deux heures de sommeil, et ont compris l’enjeu : quand on est un athlète de haut niveau, il n’y a pas de place pour l’irritation et la colère. Il faut vite se remobiliser, pour donner le meilleur de soi-même dès demain. Il faut se dire que cette résilience peut d’ailleurs être un avantage face aux autres athlètes étrangers qui se laisseraient gagner par la contrariété et la frustration.

Le programme de cette journée du 30 juillet a certainement été grandement chamboulé…

Quand nous avons appris la nouvelle, les athlètes ont envoyé un dernier petit texto à leur référent pour la gestion des proches et des familles, afin de ne pas se stresser avec la présence ou non d’une petite copine, d’une maman ou de frères et sœurs dans les tribunes… Certains étaient déjà sur zone, ou en train de se préparer pour y aller, mais on n’y peut rien : ce n’est pas aux athlètes de trouver les solutions à ces aléas. Puis ils sont partis se reposer, et étaient tous présents à l’entraînement de 10h30 ce matin. Ils vont vivre une journée d’entraînement comme n’importe quelle autre.

Dimanche et lundi, les entraînements de reconnaissance dans la Seine ont également été annulés pour raisons sanitaires. Quelles sont les conséquences de ces annulations successives pour les performances sportives des athlètes ?

Pour les triathlètes français, il n’y aura aucun impact, puisque nous avions fait le choix de ne réaliser aucune reconnaissance natation pour ces Jeux sur les derniers jours. La meilleure reconnaissance natation qu’on ait pu faire était il y a un an, sur le World Triathlon Olympic Test Event, où les Français avaient d’ailleurs réalisé de très belles performances. Dans l’intervalle, nous avons des relations très fortes avec la Fédération française de natation et l’Ecole nationale des ponts et chaussées pour connaître les mouvements et les débits de l’eau en temps réel, et nous travaillons également avec la Fédération de voile pour appréhender au mieux les bulletins météo et essayer de se préparer au maximum à ce qui pourrait se passer dans les prochains jours.

Quel est l’impact du report de ce matin pour les conditions mentales des athlètes ?

Une compétition aux JO peut se jouer sur le mental, et nous en sommes bien conscients. Depuis le début de l’entraînement à ces Jeux, nous avons eu une attention particulière sur la préparation psychologique : chaque sportif est suivi par des accompagnateurs mentaux ou des psychologues, qui travaillent justement sur leur capacité à être mobilisé psychologiquement aux moments cruciaux des compétitions. Ils sont préparés aux aléas météorologiques et techniques, et sont conscients des différents scénarios. Vu le niveau des athlètes, on ne peut pas se permettre de se laisser surprendre par ce type d’annonce : ils sont formés pour être agiles et flexibles, et se réadapter en fonction.

En cas de nouveau report, voire d’annulation du triathlon – qui serait alors transformé en “duathlon” – comment réagiraient selon vous les athlètes français ?

Il y a déjà un premier scénario, qui est celui d’un nouveau report. Demain matin, vers 3h30 ou 4 heures, nous aurons la confirmation du maintien de l’épreuve ou non par la Fédération. Si tout va bien, il y aura donc un triathlon femmes à 8 heures, et celui des hommes à 10h45. Sinon, il y aura un nouveau report de la compétition le 2 août – et vu l’investissement pour la baignabilité de la Seine, nous sommes quand même confiants sur la possibilité que le triathlon ait lieu. Aujourd’hui, l’équipe de France ne se concentre pas sur la possibilité d’un duathlon, elle se concentre sur demain et le 2 août, éventuellement.

Personne ne veut d’un “duathlon”, évidemment, et personne ne veut d’un titre de champion olympique de triathlon avec un astérisque, expliquant que c’était en fait un “duathlon”… Même si cela est réglementairement permis, ce n’est pas souhaitable. D’autant que nous avons des triathlètes français très performants sur la partie natation, qui peuvent peser de tout leur poids sur cette épreuve-là pour en tirer les meilleures performances.

Ce report de la compétition et les innombrables polémiques sur la baignabilité de la Seine sont-elles des premières dans l’histoire des JO ?

Un tel report est en effet une première, mais si les épreuves ont lieu demain, cela ne restera qu’un petit détail dans la grande histoire des Jeux. En revanche, sur les sujets de baignabilité, les athlètes ont connu bien pire, et commencent à être frustrés des questions sur le sujet ! Honnêtement, la qualité de l’eau de la Seine fait partie des meilleures conditions de natation en triathlon qu’on ait pu connaître, par rapport aux JO au Japon dans la baie de Tokyo par exemple, ou celle des championnats du monde de Sunderland, au Royaume-Uni en 2023, où une cinquantaine d’athlètes avaient été malades. Aux championnats d’Europe de Madrid, l’année dernière, le triathlon a été transformé en “duathlon” à cause de la qualité des eaux madrilènes… Les athlètes sont donc habitués, et préparés à ces difficultés.




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