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Cybersécurité, finances, transports… Quel bilan tirer des JO de Paris 2024 ?


Est-on capable de sécuriser le pays pendant quinze jours ? Et de lutter contre les hackeurs ? Et de faire fonctionner le métro ? Et de ne pas exploser le budget prévu ? Pendant des mois, les observateurs de bonne foi, L’Express compris, se sont interrogés sur la capacité française à braver les défis de l’organisation de ces Jeux olympiques, ressemblant parfois aux douze travaux d’Hercule. Des dossiers sensibles gérés dans une grande efficacité… à quelques exceptions près. Tour d’horizon.

Sécurité : des terroristes bien jugulés

1er décembre 2023. A l’hôtel Pullman, dans le seizième arrondissement de Paris, Laurent Nunez, le préfet de police de Paris, et Michel Cadot, le délégué interministériel aux Jeux olympiques, passent leur grand oral devant les membres du CIO. Existe-t-il un plan B à la cérémonie d’ouverture ? Quid en cas d’attaques de drones ? Les deux responsables ont réponse à tout, le comité olympique est rassuré.

Pendant des mois, au ministère de l’Intérieur, les réunions et les répétitions s’enchaînent. On adapte le dispositif d’invitations à la cérémonie d’ouverture, on simule des attaques de drones, on épluche les listings des volontaires, des délégations. 770 000 enquêtes administratives sont diligentées, 4 340 accréditations sont refusées, dont 130 pour des personnes fichées S. Et la vigilance paye : grâce à une présence policière massive, comparable à celle observée aux Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, en 2014, la cérémonie d’ouverture s’est déroulée sans le moindre incident de sécurité. Selon des chiffres parcellaires de la préfecture de police de Paris, la délinquance de droit commun est elle aussi en baisse par rapport à celle observée à l’été 2023. Les retours des touristes semblent positifs. Bref, le bilan de Gérald Darmanin et de ses services apparaît largement positif, à l’exception d’un hic notable : l’opération de sabotage organisée dans la nuit du 25 au 26 juillet, qui a paralysé le réseau SNCF pendant 48 heures. C’est la seule fois, pendant cette quinzaine olympique, où les services de sécurité auront paru dépassés. En particulier, la capacité des saboteurs à mener cette opération sur des lieux stratégiques, à la confluence de plusieurs embranchements du réseau SNCF, interroge. A-t-on suffisamment protégé ces emplacements ? Les auteurs ont-ils bénéficié de complicités à l’intérieur de l’entreprise ferroviaire ? L’enquête judiciaire actuellement menée devra répondre à ces questions brûlantes.

Cybersécurité : les hackers n’ont pas gâché la fête

Les experts cyber français ont mouillé le maillot bien avant le début des JO. Ces évènements scrutés par le monde entier attirent trois types d’acteurs malveillants. “D’un côté, les groupes qui portent une idéologie et mènent des attaques de faible intensité mais très visibles pour faire passer un message”, explique Gérôme Billois, associé du cabinet Wavestone. De l’autre, les escrocs armés de rançongiciels. Dernière menace : les Etats hostiles, la Russie en tête. “L’un des scénarios les plus redoutés était une tentative de désorganisation de la cérémonie d’ouverture, comme lors des JO de 2018 en Corée du Sud”, pointe Gérôme Billois.

Celle de Paris s’est heureusement déroulée sans anicroche. Et les attaques tentées pendant la période des Jeux n’ont pas entravé le bon fonctionnement des épreuves, pas même celle dirigée contre le Grand Palais. “La plupart des faits qui nous ont été signalés sont des attaques de basse intensité, en particulier des attaques DDoS [NDLR : qui immobilise temporairement un site en créant un afflux de trafic factice] ou des tentatives de fraude via de faux sites Internet”, confirmait le 8 août à L’Express l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi).

Fin juillet, à mi-étape des JO, les services du gouvernement avaient déjà recensé 68 attaques. Le bilan définitif n’est pas encore public mais, à l’évidence, la stratégie cyber tricolore a fonctionné. Audit et sécurisation des systèmes critiques, sensibilisation du personnel, exercices de simulation, déploiement d’outils de détection… tout avait été méthodiquement préparé. Une digue solide qui a bien tenu.

Bilan sportif : un pari ambitieux mais réussi

Dès le départ, la mission imposée aux Bleus pour ces Jeux olympiques 2024 était très claire : atteindre le top 5 du tableau des médailles. Durant les mois qui ont précédé la compétition, Emmanuel Macron et sa ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra ont répété à l’envi cet objectif très ambitieux, notamment rendu possible par le fameux “home advantage”, la rénovation du modèle sportif français via la stratégie “Ambition Bleue”, ou encore le programme “Gagner en France”, permettant aux athlètes tricolores de bénéficier des meilleures conditions logistiques possibles. La barre était placée très haut, pour une délégation française qui ne s’était hissée qu’à la 8e place du tableau des médailles en 2021 à Tokyo, avec 33 breloques gagnées, dont 10 en or.

Mais les sportifs français ont été à la hauteur du défi. En quinze jours, ils ont raflé 64 médailles, dont 16 en or, 26 en argent et 22 en bronze, atteignant ainsi la dernière place du tant convoité “top 5”, derrière les indétrônables Etats-Unis, en tête du classement, devant la Chine, le Japon et l’Australie. Par ce palmarès, la France pulvérise à la fois son record du nombre total de médailles décrochées – établi en 2008 à Pékin, avec 43 décorations -, et celui du nombre de médailles d’or gagnées – établi à Atlanta en 1996, avec 15 titres de champion olympique. La délégation française doit beaucoup au nageur Léon Marchand, détenteur, à lui seul, de quatre médailles d’or en individuel et d’une médaille de bronze en relais, ainsi qu’à l’équipe de France de judo, qui a décroché six médailles en quelques jours, dont deux en or. Quelques victoires historiques sont également à saluer, comme la médaille d’or d’Althéa Laurin en taekwondo, qui décroche ainsi le premier titre olympique de l’histoire de ce sport en France, ou celle des volleyeurs français qui ont été sacrés pour la deuxième fois consécutive.

Transports : à la bonne heure

Durant cette quinzaine olympique, s’il existait un “Bison futé” donnant en direct l’état de l’ensemble de tous les moyens de transport, tous les voyants seraient au vert comme jamais dans l’histoire de l’Ile-de-France. C’était un atout du dossier de la candidature française : la priorité donnée aux transports en commun, pour acheminer les spectateurs comme les athlètes.

Contredisant l’alerte de la maire de Paris fin 2023 (“On ne va pas être prêts”), le pari est réussi. Selon les chiffres d’Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’organisme de référence, 4 millions de personnes ont été transportées chaque jour, un demi-million de voyageurs s’ajoutant aux 3,5 millions de Franciliens. Avec un taux de ponctualité très élevé de 94,5 % pour les RER et Transilien et 96,5 % pour le métro. Afin de parer à tout incident, “nous avions imaginé 125 plans B, a indiqué la présidente d’IDFM, Valérie Pécresse, lors d’un bilan dressé le 9 août. Cet apprentissage va nous permettre d’être beaucoup plus résilients à l’avenir”. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice : la SNCF dit avoir mobilisé 50 000 cheminots partout en France et 4 500 trains supplémentaires ont été ajoutés durant la période olympique. Idem côté RATP grâce à 30 000 agents qui ont parfois reporté leurs vacances, au prolongement de certaines lignes dans les temps, à commencer par la 14, ce qui a considérablement délesté la 13 pour atteindre le Stade de France (et en repartir). Ou encore ADP, avec la mobilisation de près de 1 500 personnes pour l’accueil dans ses aéroports ou la gestion des bagages.

Enfin, sur les routes, on n’a jamais aussi bien roulé puisque les indicateurs – le nombre de kilomètres d’embouteillages, la vitesse moyenne (51 kilomètres/heure pour la société Coyote le dimanche 4 août) ou les temps de parcours (- 15 % selon les données de TomTom) – ont drastiquement chuté. A cela deux explications : les banlieusards ont laissé leur voiture au garage et le télétravail a été la règle. Signe de cette étonnante fluidité, les taxis et les chauffeurs VTC ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer.

Finances : dérapage contrôlé… à confirmer

Entre les starting-blocks et la ligne d’arrivée, il est habituel de voir les écarts se creuser. Le budget de Paris 2024 ne fera pas exception. Dans des proportions limitées, affirme la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra dans une interview accordée à L’Express : “Le dépassement va se limiter à 15 % pour le budget du comité d’organisation et à 2 % hors inflation pour celui de la Solideo, la structure qui a piloté la construction des ouvrages olympiques et paralympiques”.

La Fondation Ifrap, dans une étude publiée quelques jours avant la cérémonie d’ouverture, se montrait moins optimiste. Alors que le dossier de candidature parisien de 2017 prévoyait une facture totale de 6,2 milliards d’euros, l’addition pourrait se révéler presque deux fois plus lourde. “Aujourd’hui le budget officiel pour les JO de Paris 2024 mise sur 9 milliards d’euros dont 2,3 milliards de financement public, détaille l’auteur. Mais quand on y ajoute les coûts indirects (dépollution de la Seine, sécurisation de la cérémonie d’ouverture, primes pour les agents publics et les salariés des transports, etc.), le coût total des JO monte déjà à 11 milliards d’euros… Dont 4,6 milliards de financement public.”

Ce dernier chiffre se situe dans le haut de la fourchette de trois à cinq milliards d’euros d’argent public avancée fin mars par le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur France Inter. Les magistrats veilleront au grain… Une équipe dédiée se consacre au sujet pour évaluer, d’ici la fin de l’année, le coût de ces JO pour les Français.




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