Dimanche 11 août, 21 heures. La chanteuse Zaho de Sagazan, sa grâce et ses “r” roulés ouvrent le bal avec une reprise du “Ciel de Paris”. Une chanson interprétée pour la première fois par Edith Piaf et Yves Montand en 1954. Tout un symbole. Ainsi débute la cérémonie de clôture de la 33e olympiade de l’ère moderne. Et après 17 jours d’effervescence qui ont succédé à des mois d’inquiétudes, force est de constater que tout s’est bien passé. Le réseau de transports francilien n’a pas été saturé, les touristes ont afflué en masse et, bien que les services de Beauvau restent vigilants jusqu’à la dernière seconde, aucune attaque terroriste n’est à déplorer. “Les scénarios apocalyptiques prédits par beaucoup avant les Jeux ne se sont pas produits”, admet le quotidien économique Financial Times.
Le même qui salue la décision d’avoir organisé “la plupart des événements dans les monuments historiques”, alors même que cette idée était “considérée comme un pari risqué il y a quelques semaines seulement”. Preuve, selon nos confrères américains, du “panache” et de “la créativité” française. De concert avec la Tribune de Genève, émerveillée de voir Paris s’être “parée de ses plus beaux atours pour séduire les grincheux”.
Outre-Manche, le Guardian loue des JO qui “ont été un merveilleux spectacle, intelligemment organisé et magnifiquement mis en scène”. Tandis que leurs confrères du New York Times s’enthousiasment, voyant les rues de “la Ville Lumière” colorées de maillots de football et de drapeaux de toutes nationalités, et animées par les “fan zones”. A l’instar de celle de la Villette, qui “fait vibrer toutes les nuits un public de jeunes célébrant les médaillés français”, résume encore le Financial Times.
Une atmosphère “bon enfant”
Braquées sur Paris, les caméras du monde entier ne manquent pas une miette de l’esprit d’allégresse et de légèreté qui semble flotter depuis le 26 juillet dernier et la fulgurante cérémonie d’ouverture des Jeux. Ainsi, le Corriere della Sera constate “l’enthousiasme, le plaisir, l’étonnement des Parisiens, des Français et des millions de touristes qui se réjouissent ensemble de ces Jeux”. Ce, aussi bien dans les stades que dans les rames du métro parisien, et même dans “les files d’attente sur le trottoir”.
Et le quotidien transalpin de reprendre une expression bien française, celle de l’atmosphère “bon enfant” qui règne dans la capitale. Il faut dire que les images des deux prêtres jouant au volley avec des passants, ou encore des policiers recevant des leçons de skateboard ou se dandinant sur leur moto en escortant le bus des athlètes ont de quoi amuser. L’occasion, pour nos confrères suisses du Temps, de constater que “la police française peut être sympa”. Et peut profiter avec locaux et visiteurs du “rituel quotidien de l’allumage de la flamme olympique et de l’envolée de la montgolfière” qui flotte au-dessus du jardin des Tuileries, ajoute le quotidien espagnol El Mundo.
En somme, ces Jeux olympiques ont fait de Paris une véritable fête à ciel ouvert. La formule, née et popularisée sous la plume de l’écrivain américain Ernest Hemingway, est d’ailleurs reprise par bon nombre de nos confrères à l’étranger. “Paris est redevenue une fête”, se réjouit par exemple le Corriere della Sera. Plus encore, une “fête” que “rien ne semble pouvoir gâcher”, ajoute la Tribune de Genève. A tel point qu’il est difficile de croire, comme le relève le Financial Times, “qu’il y a un mois à peine, le pays était au bord d’une élection éclair et conflictuelle déclenchée par Macron”.
Une parenthèse enchantée qui s’apprête à se refermer
Preuve que la trêve olympique appelée de ses vœux par le président de la République “s’impose de facto”, concède le quotidien belge Le Soir. Et la France a beau être “coincée entre deux premiers ministres”, note le Guardian, rien n’y fait : la politique nationale semble comme figée au lendemain du second tour des élections législatives, reléguée au bas de l’échelle des préoccupations des Français. Le Financial Times cite même le sondeur hexagonal Frédéric Dabi, qui a constaté que le mot “fierté” s’était imposé parmi les Français depuis le début des JO, alors qu’en juillet, “inquiétude” et “indifférence” ressortaient chez près des deux tiers des interrogés.
Pour nos confrères britanniques, rien de surprenant, toutefois : “Les Jeux olympiques sont conçus pour créer de l’émotion. […] D’énormes sommes d’argent ont été dépensées pour engendrer ce sentiment spontané de bien-être”. Mais le Financial Times prévient : “L’idylle ne durera probablement pas, tout comme l’effet de halo qui a fait croître la popularité du président Jacques Chirac après que la France eut remporté la Coupe du monde en 1998.” L’analogie entre Emmanuel Macron et le dernier de ses prédécesseurs à avoir dissous l’Assemblée nationale revient notamment régulièrement dans la presse étrangère.
Ainsi, “Profitons ! Profitons !”, enjoignait Le Soir à l’issue de la première semaine des Jeux olympiques, qui, comme d’autres, assimile l’événement à une “parenthèse dorée”. Sorte de moment suspendu, qui ferait presque oublier que le Moyen-Orient s’embrase et qu’une guerre court toujours aux portes du Vieux continent. Ou encore que certains à Paris ne sont pas dans la situation matérielle de profiter de cette “belle et chic” fête, selon la formule employée par le Guardian.
Entre polémiques et controverses, la main du Kremlin
Nos confrères d’El País rappellent en effet que tout le monde, à Paris, “ne célèbre pas les Jeux olympiques” : “Il y a des endroits, comme un camp de migrants à la Bastille, où personne ne se soucie trop des victoires de Léon Marchand, du record de Mondo Duplantis ou encore de savoir si la Seine est suffisamment propre pour s’y baigner”. Une référence directe aux réticences de plusieurs athlètes à l’idée de nager dans la Seine. Le 8 août dernier, l’ONG Surfrider Foundation a notamment réclamé davantage de transparence sur les données de la qualité de l’eau.
De quoi nourrir les controverses autour de la baignabilité du fleuve, dont les plus farouches détracteurs des Jeux n’ont pas manqué de se saisir. “Les organisateurs n’ont pas hésité à mettre en danger la santé des athlètes pour appliquer strictement leur propre protocole !”, fulmine ainsi Ethnos, un média grec détenu par Ivan Savvidis, qui n’est autre qu’un oligarque russe, ancien député de la Douma et proche du Vladimir Poutine.
Or, nul n’est sans savoir que lorsqu’il s’agit de décrédibiliser l’Occident, le Kremlin fait feu de tout bois. Quoi de mieux dès lors qu’une controverse sur la notion de genre ? Ainsi, La Repubblica titre : “Derrière le battage social sur l’affaire de la boxeuse italienne, il y a la guerre hybride de Moscou.” Une citation extraite d’un entretien avec la directrice de la rédaction de l’hebdomadaire français Franc-Tireur, qui décrypte pour nos confrères italiens les nombreuses incursions russes dans les Jeux.
Lits inconfortables, absence de clim… Ces couacs qui font tache
Les critiques n’émanent évidemment pas uniquement du pays des tsars. En Angleterre, The Spectator égraine par exemple plusieurs hic dans les conditions d’accueil des athlètes. L’absence d’air conditionné, ou encore le manque de protéines animales dans les aliments proposés aux sportifs. “Certaines équipes, dont celle de la Grande-Bretagne, ont dû faire appel à leurs propres fournisseurs de nourriture et à leurs propres chefs”, fait notamment valoir The Spectator, qui déplore que les organisateurs aient “suivi un agenda imposé par les activistes du monde riche”.
Moins abrasif, El Mundo nuance les carences logistiques, saluant notamment les efforts réalisés au cours des Jeux par l’organisation pour remédier aux dysfonctionnements. Après les retours de plusieurs délégations “les quantités de viande et d’œufs ont été augmentées”, insiste le journal espagnol, qui se délecte par ailleurs des détails donnés par les sportifs sur leur quotidien à l’intérieur du village olympique : ateliers peinture, espaces bien-être avec possibilité de faire du yoga, ou encore salon de coiffure… De quoi contrebalancer peut-être avec les matelas jugés par d’aucuns “inconfortables”, ou encore les longues files d’attente à l’heure du déjeuner…
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