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Nouvelle épidémie de Mpox : “On sait ce qu’est une pandémie, et on n’en veut pas”


Faut-il s’inquiéter de l’épidémie du nouveau variant de Mpox, aussi appelé “variole du singe” ? Détectée en République démocratique du Congo (RDC) en septembre 2023, la maladie se propage depuis dans plusieurs pays voisins. L’agence de santé de l’Union africaine, Africa CDC (Centres de contrôle et de prévention des maladies du continent), a déjà tiré la sonnette d’alarme face à la récente diffusion du virus. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle, a annoncé ce samedi 10 août qu’elle réunira son comité d’urgence mercredi 14 août. “Elle déclarera probablement une urgence de santé publique de portée internationale la semaine prochaine”, prédit Yazdan Yazdanpanah, professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat et directeur de l’ANRS maladies infectieuses. Il s’agirait, alors, de la plus haute alerte que l’OMS peut déclencher.

La Mpox n’est pas une maladie nouvelle. Elle a été découverte pour la première fois chez des humains en 1970, dans l’actuelle RDC. La première forme de cette pathologie s’est longtemps limitée aux pays de l’ouest et du centre de l’Afrique. Le virus est transmis par des animaux, probablement un écureuil qui vit en Afrique centrale et de l’Ouest. Les symptômes cliniques sont la fièvre, le gonflement des ganglions, ainsi que des éruptions cutanées qui provoquent des lésions ressemblant parfois à des formes modérées de la varicelle. Cette forme classique africaine se transmet le plus souvent à des enfants, puis aux familles par contact rapproché, donnant lieu à de petits foyers d’infections sporadiques. Le R0 de la maladie, qui indique le nombre moyen de nouveaux cas qu’une personne infectée et contagieuse va générer en moyenne, est de 0,5 à 0,6. Ce qui explique qu’il n’y a jamais eu d’épidémie de grande ampleur.

Deux variants du virus existent, le premier, appelé clade 1 est présent en Afrique centrale. Le second, clade 2, présent en Afrique de l’Ouest. “Ils sont tous les deux responsables de formes classiques de la maladie”, précise Antoine Gessain professeur à l’Institut Pasteur et spécialiste de cette maladie.

Mais en 2017, des chercheurs ont découvert une nouvelle forme de la maladie au Nigeria. Elle s’est propagée en touchant quasi exclusivement les populations homosexuelles masculines. Lors de cette diffusion, le virus a muté et un nouveau variant, appelé clade 2-B, est apparu. Il s’est ensuite diffusé dans de nombreux pays du monde en 2022, dont la France. Cette fois, le R0 était plus élevé, entre 1 et 2. Près de 90 000 cas ont été recensés et 150 à 200 personnes en sont décédées, principalement chez des patients ayant une sévère immunodépression liée au VIH. Mais la pandémie s’est arrêtée, notamment grâce à des campagnes de prévention, la distribution du médicament tecovirimat, ainsi que la vaccination des populations à risque avec le vaccin de la variole. “Il y a une réactivité croisée : même s’il s’agit de deux maladies différentes, le vaccin contre la variole a environ 80 % d’efficacité contre la Mpox”, indique le Pr. Antoine Gessain. L’urgence sanitaire a donc été levée en mai 2023.

Un taux de létalité compris entre 5 à 10 % ?

Aujourd’hui, la maladie a pris une forme inédite en Afrique centrale. “Ce à quoi nous faisons face est lié à un variant viral appelé clade 1-B”, précise le Pr. Gessain. Cette nouvelle souche a d’abord été détectée en septembre 2023 dans un important foyer dans le Sud-Kivu, une région minière située dans l’est de la RDC. “Une étude scientifique publiée dans Nature medicine en juin dernier fait état de plusieurs centaines de cas et précise qu’il s’agit d’un virus qui se transmet avant tout par voie sexuelle dans les populations à risque, en particulier les travailleurs du sexe locaux”, note le Pr. Gessain.

Le clade 1-B semble, en tout cas, s’être adapté à l’homme, à la manière du clade 2-B qui avait provoqué l’épidémie de 2022. Ce nouveau variant a déjà contaminé a minima plusieurs centaines de personnes à l’est de la RDC et s’est propagé à des provinces qui n’étaient pas touchées auparavant. Surtout, elle a récemment touché quatre pays voisins. “Il y a eu une cinquantaine de cas détectés au Rwanda, au Burundi, au Kenya et en Ouganda. Le clade 1-B a été séquencé dans trois de ces quatre pays, ce qui a été à l’origine de l’alerte actuelle de l’OMS”, indique le Pr. Yazdan Yazdanpanah. Inquiétant, d’autant que la nouvelle souche pourrait avoir un taux de mortalité atteignant 5 % chez les adultes et 10 % chez les enfants.

En parallèle à cette épidémie de clade 1-b en sévit une autre, dont la majorité des cas seraient liés à la forme classique de Mpox. “Entre 12 000 et 14 000 cas ont été recensés et 511 morts, dont 70 % des cas et 88 % des décès concernent des enfants de moins de 15 ans”, précise le Pr Antoine Flahault, épidémiologiste à l’Institut de santé globale à Genève (Suisse). “Mais cet important nombre de cas est probablement lié à une meilleure connaissance de la maladie et à une augmentation de la détection. L’alerte de l’OMS est provoquée par le nouveau variant clade 1-B”, précise le Pr. Gessain.

Le risque d’une contamination européenne “très faible”, pour l’instant

Une nouvelle pandémie est-elle inévitable, jusqu’à toucher l’Europe ? Et, si oui, faut-il s’inquiéter de la gravité de cette forme de Mpox ? “Si l’épidémie de 2022 de clade 2-B a été aussi bien maîtrisée, c’est parce qu’elle touchait une population en particulier – quasi exclusivement des hommes homosexuels ou bisexuels – déjà très mobilisée et sensibilisée à lutter contre ce type de transmission”, estime le Pr. Flahault. Sans compter que la vaccination leur a été proposée en priorité. “Mais si le mode de transmission concerne tout le monde, on change d’échelle, cela devient plus compliqué à gérer, ajoute-t-il. Et s’il s’avère que le clade 1-B se transmet aussi par les voies respiratoires, cela augmenterait le risque d’une propagation à grande échelle”.

“On dit que la maladie est plus transmissible et plus mortelle, mais est-ce le virus en lui-même qui est plus transmissible, ou alors est-ce que ce sont les conditions sur place qui favorisent sa transmission, notamment par de nombreux contacts sexuels ? Nous n’en sommes pas encore sûrs”, tempère le Pr. Gessain, qui développe un raisonnement similaire pour la létalité. “La plupart des victimes ne meurent pas du virus, mais de surinfections cutanées bactériennes sévères – en particulier chez les enfants malnutris – dues avant tout au manque de prise en charge médicale adaptée (antibiothérapie, réhydratation), puisque les personnes touchées se trouvent souvent dans des régions reculées et pauvres”, souligne-t-il. Et 30 % de la population à risque que sont les travailleurs du sexe est touchée par le VIH. Or le Mpox peut s’avérer mortel si le VIH est mal traité, ce qui est parfois le cas en RDC. La quasi-totalité des morts européens lors de l’épisode épidémique de Mpox de 2022 était, de fait, des hommes au VIH mal pris en charge.

Quoi qu’il en soit, la situation n’a pas encore basculé et pourrait être contenue. “Le risque de l‘extension de ce clade 1-B est considéré comme très faible au niveau de l’Europe, confirme le Dr. Yazdan Yazdanpanah. Stopper l’épidémie n’a rien d’impossible, mais il faut agir vite”. Surtout, si elle parvenait jusqu’à nous, son traitement pourrait être bien plus facilement pris en charge qu’en Afrique. Une analyse partagée par les deux autres chercheurs, qui craignent surtout une augmentation locale des cas. “Nous n’en sommes pas au stade pandémique, mais ce que le Covid et le VIH nous ont appris, c’est que plus tôt on intervient, mieux c’est, insiste le Pr. Flahault. Il est important que les politiques s’emparent du sujet : nous connaissons les pandémies, et nous savons que nous n’en voulons pas”.Les trois chercheurs, insistent donc sur les solutions à mettre en place : augmenter les moyens humains, logistiques et financiers, notamment un investissement massif pour apporter le vaccin et les traitements aux populations, mais aussi améliorer les dépistages, les diagnostics, la prise en charge des malades et l’information aux populations.

Un premier plan de 15 millions de dollars

Tous espèrent que l’OMS déclare l’urgence sanitaire, et regrettent qu’elle soit si tardive. “Malheureusement, à chaque fois qu’une maladie émerge en Afrique subsaharienne, nous avons du mal à déclencher des alertes à la hauteur de l’engagement nécessaire”, déplore le Pr. Flahault. L’expert insiste sur l’importance de ne pas seulement apporter des aides ponctuelles, mais aussi d’investir pour donner des moyens à long terme pour que ces pays d’Afrique puissent devenir autosuffisants en matière de production de vaccins, de diagnostics et de tests.

L’OMS a, de son côté, élaboré un plan d’action régional qui nécessite 15 millions de dollars (13,7 millions d’euros) pour soutenir les activités de surveillance, de préparation et d’intervention. Vendredi 9 août, elle a invité les fabricants de vaccins à soumettre une “manifestation d’intérêt” pour qu’ils puissent être inscrits sur la liste des utilisations d’urgence (EUL). Les fabricants qui veulent y participer devront présenter des dossiers prouvant que leurs vaccins sont sûrs, efficaces, de qualité et adaptés aux populations cibles. L’octroi d’une EUL permettra, ensuite, d’accélérer l’accès aux vaccins, en particulier pour les pays à faible revenu, en autorisant l’achat et la distribution de vaccins par les partenaires de l’OMS comme l’UNICEF.




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