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Caroline Goldman, parents, médecins… Le dossier de L’Express sur la psychanalyse fait réagir


La France est bien une grande passionnée de la psychanalyse. Pour son numéro double du 8 août, toujours en kiosques, L’Express a consacré un vaste dossier de 20 pages sur cette pratique, intitulé : Faut-il en finir avec la psychanalyse ? Nous avons interrogé des dizaines d’experts, chercheurs, scientifiques, médecins psychiatres, psychologues, mais aussi des psychanalystes à qui nous avons donné la parole pour défendre leur discipline.

Le résultat : un tour d’horizon de ce que les études scientifiques disent de l’efficacité de la psychanalyse, des enquêtes sur ses dérives à l’hôpital, dans les centres médico-psycho-pédagogiques ou dans les tribunaux, un portrait des frères Miller, gourous lacaniens déchus, ou encore un rappel de son influence persistante dans la culture populaire.

Ce dossier a provoqué de nombreuses réactions, aussi bien chez nos abonnés que chez les internautes. Les encouragements et félicitations ont fusé, mais aussi les critiques, parfois très virulentes, venant notamment de psychanalystes, dont des psychologues d’orientation psychanalytique, encore très nombreux en France, comme nous le soulignons par ailleurs dans notre dossier. La violence de certaines réactions n’est, d’ailleurs, pas sans rappeler les attaques en meute auxquels les journalistes peuvent faire face lorsqu’ils traitent d’autres sujets sensibles, comme les vaccins, les fausses informations ou les pseudosciences. Florilège.

Les psychologues en guerre : “Des journalistes militants”

“Toujours les trois mêmes “journalistes” militants qui tournent en boucle… Mais leurs papiers sont tellement inconsistants qu’ils ne peuvent laisser aucune trace dans le cerveau d’un lecteur… Ils devraient jeter un coup d’œil sur les taux d’augmentation de consommation de psychotropes par les enfants pour leur faire réaliser les moyens d’action de l’approche dite “scientifique” qu’ils pensent très au-dessus du soin psychanalytique. Je ne leur souhaite pas de voir leurs enfants souffrir psychiquement au cours des prochaines années…” Ce message peu amène est signé de la pédopsychologue Caroline Goldman, qui se revendique de la psychanalyse, et à qui L’Express a consacré plusieurs articles l’an passé, pour dénoncer les conseils infondés qu’elle égraine dans de nombreux médias.

Son message était une réponse à un post LinkedIn de Damien André, psychologue clinicien et fervent défenseur de la psychanalyse, qui s’est particulièrement illustré par la virulence de ses propos. Il y dénigre le travail d’enquête mené sur plusieurs semaines par les journalistes de L’Express et attaque directement les personnes citées dans le dossier : “Faut-il en finir avec le mauvais journalisme et les dossiers tout pourris sur la psychanalyse ? Visiblement non, le filon a l’air aussi bon que les numéros sexos. Une lecture vraiment très drôle pour l’été qui compile des “on m’a dit que”, des interviews avec des acteurs présentés complaisamment (par exemple comme expert judiciaire et pas comme responsable d’une petite structure qui fait son beurre de la contre-expertise/les auteurs Odile Jacob comme Patrick Lemoine), des histoires caricaturales, des statistiques au doigt mouillé estimé, et les quatre ou cinq habituels clients du Muppet Show qui ressassent leurs obsessions. Rien n’est aussi plaisant qu’une critique du manque de scientificité asséné avec aussi peu de scientificité et d’objectivité. Tout le bingo y passe : du rapport Inserm à Gérard Miller, le tout avec un vague lustre journalistique qui laisse à penser que c’est un dossier et non un tract. Bon, je retourne lire L’Equipe.” (sic).

Cet internaute ne s’est pas arrêté là, puisqu’il a publié une dizaine de messages sous les posts des réseaux sociaux de plusieurs journalistes de L’Express, nous accusant notamment de ne pas avoir cité “les sources scientifiques”. Et pourtant, ces sources sont citées, notamment dans notre article “La psychanalyse au révélateur de la science”. Parmi elles, des méta-analyses, c’est-à-dire des études qui compilent le résultat de dizaines, voire de centaines d’études, ainsi qu’une revue parapluie, qui compile cette fois le résultat de plusieurs méta-analyses, soit le résultat de plusieurs centaines d’études. Des chercheurs, qui lisent ces études et font des revues de la littérature, ont également été interrogés. Les études citées par L’Express montrent d’ailleurs que la psychanalyse a un effet bénéfique sur les dépressions légères et certains troubles anxieux, mais s’avère inefficace pour des pathologies plus lourdes.

Yann Leroux, docteur en psychologie et psychanalyste, est allé encore plus loin puisqu’il s’est rendu sur la plateforme X, mais aussi sur LinkedIn, pour commenter quasiment tous les messages du compte de L’Express, de ses journalistes, ou des personnes qui saluaient notre travail, parfois même en publiant des dizaines de réponses sous un seul message. Lui aussi affirme que nous ne citons pas nos sources, nous accuse de ne pas avoir travaillé notre dossier et de ne pas citer les approches psychodynamiques anglo-saxonnes… ce qui est pourtant bien le cas. Pour contrecarrer les méta-analyses évoquées dans nos articles il cite, notamment… une analyse publiée dans une revue scientifique, mais qui n’est pas, elle-même, un article scientifique. Il n’oublie pas, enfin, de s’écharper avec les psychanalystes lacaniens. Des querelles de chapelles que nous rappelons par ailleurs dans notre dossier.

Guillaume Gillet, qui se présente comme psychologue clinicien et psychothérapeute, a, de son côté, envoyé un mail à la rédaction pour dénoncer “des erreurs objectives qu’il serait important de corriger”, exiger “les sources administratives, juridiques et même parfois scientifiques sur lesquelles vous appuyez pour porter certaines affirmations” afin de répondre “point par point” à nos articles. Le tout accompagné d’une menace : “Naturellement, en l’absence de réponse ou de possibilité de rectifier ces erreurs par votre intermédiaire, je serais hélas contraint de le faire sur Internet, sur des blogs dédiés et sur les réseaux sociaux en apportant des preuves irréfutables de ces erreurs que je diffuserai au plus grand nombre.”

Nombreux ont été ceux qui ont conseillé aux journalistes de L’Express de “se faire soigner” ou de “suivre une psychanalyse”. Nous noterons que l’un de ces contempteurs qui accusait L’Express, sous le pseudonyme “JP”, de ne pas citer ses sources s’est finalement excusé lorsqu’il a constaté que c’était bien le cas. Il aura été le seul.

Des lecteurs “en colère”

Notre fidèle abonné Thierry B. nous a d’abord adressé “un grand merci” pour “la qualité de vos publications”. Il nous a, ensuite, fait part d’un “malaise” en lisant l’article “Autisme, TDAH : les dégâts sans fin de la psychanalyse chez les enfants. “Que les articles soient fondés et très bien écrits, je n’en disconviens pas. Par contre je note une recrudescence d’articles attaquant cette pratique sous divers aspects (efficacité, influence, académique…). Je mets L’Express très au-dessus d’une presse de propagande, de désinformation, de manipulation. Aussi je vous invite à ne pas prendre certains travers de cette presse qui consiste à s’acharner sur un thème, avec des arguments de divers niveaux, sans donner la parole à ses défenseurs, ni en laissant aux lecteurs le temps de s’imprégner, confronter, peser les faits. Ne vous méprenez pas. J’ai la plus haute estime pour L’Express, sa rédaction, ses journalistes.”

Nous avons pourtant interrogé plusieurs psychanalystes lors de la réalisation de ce dossier, et nous avons aussi accordé un entretien de deux pages à la psychanalyste Clotilde Leguil. Notre journal a en effet à cœur de toujours respecter le contradictoire, et de donner la parole aux personnes mises en cause. Comme nous avons aussi à cœur de faire écho au corps médical, aux chercheurs et aux associations de parents, tous horrifiés par les dégâts et les dérives de la psychanalyse.

Muriel G., qui a “fait l’effort d’acheter ce numéro”, ne décolère pas. “Ni vous, ni vos collègues n’avez fait l’effort de lire Freud. Pas même capables de faire la nuance entre inconscient et préconscient. Tout ce qui échappe à la conscience ne procède pas du refoulement ; les éléments constitutifs du surmoi relèvent eux aussi de l’inconscient. Freud tombe en disgrâce parce que la cure de l’Occident chrétien est achevée ; la sexualité est désormais légitime. Mais ça non plus vous ne l’avez pas compris”, affirme-t-elle. Pourtant, non seulement nous avons lu Freud, mais avons surtout demandé à l’un des plus grands experts du père de la psychanalyse, l’universitaire Jacques Van Rillaer, ancien psychanalyste devenu critique de la discipline, d’écrire un article visant spécifiquement à exposer les erreurs de Freud.

Une autre lectrice, Valérie K., a lu “avec intérêt” notre dossier, mais elle l’estime trop simpliste. “La psychanalyse est une aventure d’une complexité rare, d’une exigence folle, mais surtout une découverte et une compréhension de soi et des autres comparables à nulle autre. C’est l’un des évènements marquants d’une vie. C’est démêler les innombrables fils de l’immense pelote de laine que nous sommes”, écrit-elle.

Il s’agit, ici, d’une critique récurrente du dossier, et peut-être un aspect que nous n’avons pas suffisamment expliqué. L’Express ne critique pas la psychanalyse comme méthode de développement personnel ou de bien-être. La psychanalyse peut, effectivement, faire du bien aux personnes qui ont besoin de parler d’elles pour mieux se comprendre, et c’est tant mieux ! Chacun est libre de trouver du réconfort où il le souhaite. Nous alertons, en revanche, sur les errances de cette discipline, et sur les dégâts, documentés, qu’elle a provoqués, notamment chez les enfants, mais aussi les personnes souffrant de pathologies psychiatriques lourdes.

Mais aussi des félicitations

Chaque journaliste le sait, le lecteur qui prend son clavier ou sa plume pour critiquer est plus commun que celui qui félicite. Ce dossier a pourtant provoqué son lot de remerciements, dont ceux du médecin généraliste Jean-Jacques Fraslin, engagé contre les pseudo-médecines, notamment l’homéopathie. “Un excellent dossier dans ⁦L’Express sur la psychanalyse, une exception presque française !”, a aussi écrit Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Constatant la violence des réponses des partisans de la psychanalyse, certains n’ont pas manqué de saluer le travail de la rédaction et de nous adresser leur “soutien”, comme Cyrille Vidal, dentiste et ex-président du collectif “NoFakeMed”, qui lutte contre les fausses médecines. D’autres ont confirmé les dérives de la psychanalyse en nous confiant leurs propres expériences. “Je me suis complètement déconvertie de la psychanalyse quand mon fils a eu des problèmes psy. Je ne leur souhaite pas d’avoir un enfant de 2 ans en souffrance psychique à qui on fait un jeu de mots lacanien”, indique par exemple Billie B. sur le réseau social X.

Toujours sur X, le journaliste et chroniqueur judiciaire Julien Mucchielli a de son côté confirmé les dérives que nous évoquons dans l’article “Psychanalyse : dans les tribunaux, les douteuses expertises inspirées des théories de Freud” : “On en a des exemples chaque jour dans les comptes rendus de procès : des “expertises”, de psychanalystes parfois starifiés par la presse, mais qui sont des conteurs plutôt que des scientifiques. C’est un scandale absolu et tout le monde applaudit parce que c’est bon pour le story-telling.”

“Une guerre sans fin pour obtenir le droit de soigner son enfant, une première victoire au bout de presque dix ans en ce qui me concerne. Des services sociaux à la ramasse qui niaient le TND [NDLR : trouble neurodéveloppemental] et menaçaient de faire placer mon fils. Un adolescent exclu du système. Mais vivant”, nous écrit de son côté Caro. FreValva, encore sur X, s’inquiète des nombreuses personnes “sous emprise psychanalytique pendant de nombreuses années”, et dénonce “l’enjeu financier considérable pour des “thérapeutes” qui remplissent leurs agendas et leurs comptes avec quelques “clients” addicts”.

Un responsable de deux associations d’accompagnement de personnes autistes a pris le temps de nous adresser un mail, après avoir lu l’entretien du Dr. Etienne Pot, délégué interministériel aux troubles du neurodéveloppement, qui critique l’utilisation de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme. “Je ne peux qu’aller dans son sens. Nous y sommes souvent confrontés lors d’échanges avec des structures dédiées à l’autisme, voire avec certains CRA [NDLR : Centres ressources autisme] toujours noyautés par des psychanalystes accrochés à leurs dogmes et encore parfois à leurs sources de financement, conservant ce pouvoir exorbitant et manipulateur auprès de familles totalement désarmées et en plein désespoir.”

Un autre lecteur, Florian C., nous a indiqué par courriel que l’article concernant les errances de la psychanalyse chez les enfants atteints de TDAH et de TSA “fait malheureusement écho à l’actualité de sa famille”. Outre la psychanalyse, il s’inquiète d’un potentiel “dysfonctionnement systémique dans la prise en charge des patients en situation de handicap et de troubles mentaux” en France.

Les jeux de mots “lacaniens”

Des lecteurs ont préféré nous adresser des messages d’humour, fort bienvenus. Répondant à un message d’une psychologue critiquant L’Express et estimant que les psychanalystes n’ont “rien à justifier”, le compte humoristique “Evidence Based Bonne Humeur” s’est laissé aller à une psychanalyse sur Internet. “Cette personne exprime clairement sa volonté inconsciente de se tenir EN DEHORS de la situation, de se dissocier de l’obligation de justifier quoi que ce soit, commence-t-il. Cette faute révèle un conflit latent : d’une part, le besoin conscient de ne pas avoir à justifier ses actes ou ses pensées, et d’autre part, un désir inconscient de se distancier de cette situation, de se mettre “hors” de tout jugement ou responsabilité. Une mise à l’écart qui peut également traduire une tentative de se libérer de l’influence paternelle et de la dynamique œdipienne, marquant un désir inconscient d’émancipation vis-à-vis de l’autorité psychanalytique.”

Notre abonné Denis Malgrange a lui aussi voulu apporter une “modeste contribution” : “Jacques-Alain Miller est surnommé, par la grâce de ses initiales, “JAM”. Tout psy digne de ce nom vous trouvera dans le jeu de mots un sens ésotérique caché. Donc, que peut bien nous dire “JAM” ? En français, rien. En anglais, confiture, embouteillage, pétrin, peut-être une allusion à de la bouillie intellectuelle ? C’est peu clair : c’est donc que l’algorithme de formation était inadapté. Prenons, au lieu de l’initiale, la seconde lettre de chaque nom, et nous trouvons “ALI”. Ali fut un successeur de Mahomet dont il épousa la fille Fatima. C’est le fondateur du chiisme, l’une des grandes branches de l’islam. Jacques-Alain Miller, successeur et gendre de Lacan, est le leader de l’une des grandes écoles de la psychanalyse. Le parallélisme est flagrant et la conclusion évidente : la psychanalyse est une religion, avec ses fidèles, ses hérétiques (Adler, Jung…), et même ses versets sataniques (les TCC). Pour se convertir, il suffit de prononcer la profession de foi des croyants : il n’est de psy que Freud, et Lacan est son prophète.”





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