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“Entretien d’embauche” avec Castets, l’option Cazeneuve, le non à LFI… Macron cherche la sortie


A l’Élysée, ils sont arrivés d’une seule grappe. Le Nouveau Front populaire comme un seul homme, ou plutôt comme une seule femme : Lucie Castets, en tête du cortège, la candidate au poste de Premier ministre désignée par la coalition de gauche juste avant le début des Jeux olympiques de Paris. Elle n’était pourtant pas conviée par Emmanuel Macron mais les chefs à plume du NFP ont exigé sa présence. Alors, le président a accepté. C’est elle qui a parlé la première aux caméras en arrivant au Château, et elle qui s’adressera aux mêmes en sortant. Et c’est surtout elle qui a bavardé avec l’hôte des lieux, dans le Salon vert, celui du premier étage, celui des crises, celui qui jouxte le bureau du président de la République.

De l’Élysée, ils sont sortis presque trop confiants. Eux qui avaient d’abord la conviction que le président ne nommerait pas Lucie Castets, ressortent du Palais avec l’étrange impression qu’il n’exclue désormais plus cette option. Ils auraient dû faire confiance à leur premier instinct. Quelques minutes plus tôt, en quittant le Salon vert et Emmanuel Macron, un participant s’est lancé, une ultime fois : “Et donc, quand nommerez-vous un Premier ministre ?” Le président le promet : “Rapidement.” L’émissaire du NFP renvoie la balle : “Le temps presse.” Et avec le temps, tout s’en va sauf… La “question insoumise”. Car c’est la seule qui vaille dans la tête du chef de l’État. Une heure plus tard, en déjeunant avec ses alliés du bloc central, il leur demande s’ils comptent censurer un gouvernement composé d’insoumis. Tous, unanimement, répondent par l’affirmative. Il posera la même question aux Républicains de Laurent Wauquiez l’après-midi, qui répondra : “on fera barrage à la France insoumise.” Un proche d’Emmanuel Macron explique : “si l’on prend acte que l’on ne peut pas avoir de ministres LFI, cela exclut clairement Lucie Castets, puisque elle n’atteint pas l’objectif de la stabilité institutionnelle.”

Pourtant, de l’aveu d’un convive, la réunion entre la gauche et Emmanuel Macron avait tout d’un “entretien d’embauche” du président avec Lucie Castets. Le ton a été courtois, mais ferme. Les caméras sont loin, les effets de manches n’en ont justement pas (d’effet) et les éléments de langage apparaissent bien inutiles. Seul, le chef de l’État a multiplié les questions, sourire au coin des lèvres : “Je vous reçois ici collectivement même si je sais que certains d’entre vous veulent me destituer…” Un clin d’œil aux derniers soubresauts d’une coalition de la gauche autour de la procédure de destitution lancée par La France insoumise la semaine dernière, sans l’avis de leurs partenaires socialistes, écologistes et communistes, qui, eux, ont peu goûté les grossières manières de leurs alliés. Une façon de rappeler que la coalition du NFP est aussi tenace en apparence qu’elle est fragile en coulisses. Face à lui, les deux insoumis Manuel Bompard et Mathilde Panot ne bronchent pas.

Accepter un peu plus d’ouverture vers le bloc central

Lucie Castets, elle, rabâche le credo des siens, vieux de sept semaines déjà : “Nous sommes prêts à gouverner.” Il fallait bien le redire, les yeux dans les yeux, à Emmanuel Macron. Telle est la logique constitutionnelle, a-t-elle renchéri. “Vous n’avez pas le gage de la stabilité”, rétorque Macron, lui qui a semblé fermer la porte d’emblée à la haute fonctionnaire. Il la teste. S’il admet que le Nouveau Front populaire est arrivé en tête aux élections, que les électeurs aux élections législatives anticipées ont réclamé “un changement d’orientation politique”, ce n’est pas pour autant qu’un gouvernement des gauches pourra tenir et réformer. La menace d’une motion de censure flotte dans l’air. “Je suis consciente de ne pas avoir de majorité absolue mais le parlement sera le lieu de construction de ces majorités, texte par texte”, admet Lucie Castets, qui donne même des gages au président. “Je suis prête à rencontrer les forces politiques concernées pour discuter de priorités issues du programme du Nouveau Front populaire”, expose-t-elle. Elle va même à rebours des mots de la gauche avant l’été, et notamment de ceux de Jean-Luc Mélenchon qui martelait “le programme du NFP, tout le programme du NFP, rien que le programme du NFP”. Manuel Bompard, qui le répétera mot pour mot à la presse en sortant de l’Élysée, renchérit : “Pour construire les majorités texte par texte.” Le projet dessiné et chiffré par la gauche ne serait ainsi pas “exclusif.” Lucie Castets se dit même “prête à réinscrire à l’agenda un certain nombre de textes laissés en suspens par la dissolution”, à commencer par la question de la fin de vie ou le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole.

Mais combien d’élus des Républicains ou de Renaissance ont d’ores et déjà déclaré qu’ils censureraient tout gouvernement comprenant des membres de La France insoumise ? D’ailleurs, Lucie Castets compte-t-elle intégrer des membres du mouvement de Mélenchon dans ce gouvernement, questionne Emmanuel Macron. “Oui”, répondent les convives d’une même voix. “Il n’a pas opposé de veto à cette question”, raconte à L’Express un participant à la réunion. Le chef de l’Élysée ne s’attendait pas à ce que les Insoumis aient changé leur fusil d’épaule, au point d’accepter un peu plus d’ouverture vers le bloc central, l’ex-majorité macroniste. Jusqu’où ? Est-ce là le signe de la fameuse “stabilité” ?

Un autre Premier ministre ?

“Est-ce que c’est à vous de composer cette solution de stabilité ?”, lance le communiste Fabien Roussel. Macron réplique en citant les us et coutumes de la Constitution et de son article 8 : “Le président de la République nomme le Premier ministre.” Il y a la lettre de la Constitution et il y a la situation politique, juge un plénipotentiaire qui considère, comme ses camarades, que trop de temps a passé depuis les élections, qu’il faut nommer un Premier ministre “avant mardi”. Emmanuel Macron écoute, droit dans ses bottes, et évalue la possibilité d’autres options avec ses convives. Et si ce n’était pas Lucie Castets, quel gouvernement pourraient-ils soutenir ? Avec qui seraient-ils capables de gouverner ? Un non-sujet, jugera alors Marine Tondelier. “C’est Lucie ou rien. Ce n’est pas la peine de nous donner d’autres noms, ce sont des noms de fiction”, balaie la cheffe des Ecologistes. Olivier Faure martèle : “On restera unis, ne cherchez pas à nous diviser.” Emmanuel Macron a un nom en tête, mais ne s’y aventure face à la gauche, ni face à ses alliés du bloc central à déjeuner, ni face à LR : Bernard Cazeneuve, homme de gauche, plus consensuel aux yeux du bloc central et de la droite mais urticant pour une partie du NFP. “C’est une option qui ferait sens politiquement si l’objectif est d’avoir un Premier ministre qui ne réunit pas de majorité contre lui, glisse un stratège du chef de l’État. Nous ne sommes pas dans la quête de points communs mais nous cherchons à éviter le point de crispation.” Poussant plus loin son raisonnement, notre interlocuteur imagine le bloc central se satisfaire de ce choix, tout comme la droite républicaine. Une seule question le taraude : “Le PS censurerait-il Cazeneuve ?” À gauche, rien est impossible.

Le maître de maison aurait bien poursuvi la discussion, évoquer avec ses invités la question du budget, sacro-saint budget qui sonne le début de la nouvelle année politique. Voter contre, c’est être dans l’opposition. L’approuver, c’est soutenir la majorité, relative ou non. Le Projet annuel de loi de finances (PLF) doit être adopté et promulgué avant le 1er janvier 2025, et son dépôt au parlement doit se faire le 1er octobre. Qui fera quoi ? Et le coût de l’augmentation du Smic ? Quid du mur budgétaire ? “Ce n’est pas le lieu pour rentrer dans le détail ni pour constituer un programme budgétaire”, a interrompu un convive, ajoutant que le Nouveau Front populaire avait relevé dans le courrier de Gabriel Attal annonçant un gel du budget et dans diverses prises de position du Modem à ce sujet “des objets de consensus”.

Tout va bien alors ? Oui, non, un peu… On ne sait plus. Emmanuel Macron revient sur la présence de LFI dans un potentiel gouvernement mené par Lucie Castets par des moyens détournés. Il s’interroge ainsi sur les questions internationales, et tout particulièrement sur les deux conflits plus ardents du moment : en Ukraine et à Gaza. Deux sujets sur lesquels les prises de position de La France insoumise, et notamment de Jean-Luc Mélenchon, ont provoqué une crise à gauche, les uns et les autres s’écharpant depuis des mois sinon des années sur ces deux sujets. Il sait qu’un rien sur cette question enfonce un coin à gauche, et teste de nouveau Lucie Castets. “Y aurait-il des éléments de rupture en matière de politique étrangère ?”, demande-t-il. Elle lui assure une “continuité” dans le soutien aux Ukrainiens face à la Russie de Poutine et dans le rôle de la France au Proche-Orient, mais admet deux exceptions : “Il y aura une reconnaissance immédiate de l’État palestinien et plus de pugnacité (sic) dans la résolution du conflit à Gaza.”

Un second “round” de consultations s’annonce la semaine prochaine. Si aucune solution politique ne se dégage, Emmanuel Macron garde en tête l’option “société civile” pour ôter un peu plus de pouvoir aux partis politiques, au risque de s’exposer d’avantage encore en cas d’échec. Et reviendrait alors le spectre de sa démission…




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