La rhétorique ne pouvait pas être plus trumpienne. “Depuis trop longtemps, les Américains sont écrasés par les grandes banques et les élites financières. Il est temps que nous résistions, ensemble”, a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social jeudi 22 août, accompagné du hashtag “#BeDefiant” (“soyez rebelles”, en français). Ce message dévoile le nouveau projet du candidat républicain, une plateforme de cryptomonnaies.
Baptisée “The DeFiant Ones”, cette initiative est familiale. Le candidat républicain la lance avec ses fils Donald Jr. et Eric, qui dirigent déjà le conglomérat Trump Organization. Elle devrait s’adresser aux Américains défavorisés qui n’ont pas de compte bancaire ou qui n’ont pas accès aux services qu’ils souhaitent, notamment ceux qui se voient refuser des prêts par les banques traditionnelles. Peu de détails ont pour l’instant été communiqués sur le projet, mais selon Eric Trump, il s’agit de proposer “du collatéral auquel tout le monde peut avoir accès instantanément”, c’est-à-dire la possibilité de déposer des actifs en contrepartie de l’obtention d’un prêt. “L’argent pourrait être sur leur compte en quelques minutes, plutôt qu’en quelques mois”, a-t-il expliqué au New York Post.
Ces intentions altruistes suscitent des doutes parmi les spécialistes. D’après le Center for American Progress (CAP), un think tank progressiste, “aucun élément systémique ne montre que les transactions cryptos sont moins chères que les transactions financières traditionnelles”. Sans compter que les transactions effectuées par les usagers d’une telle plateforme seraient périlleuses. “L’objectif fondamental de l’inclusion financière est d’améliorer le bien-être économique global des personnes à faible revenu, et le fait d’encourager les gens à utiliser leur salaire ou leur épargne durement gagnés pour acheter des actifs très risqués pourrait faire exactement le contraire”, expliquait en 2022 le spécialiste de régulation financière Todd Phillips dans un rapport.
Revirement complet sur les cryptomonnaies
Le projet de Donald Trump serait aussi construit sur la “finance décentralisée” – le “DeFi” de “DeFiant” est un jeu de mots -, qui permet d’échanger de la monnaie sans passer par l’intermédiaire d’une banque ou d’une institution financière. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les motivations réelles de Donald Trump, jusqu’à penser qu’il s’agit d’une levée de fonds déguisée pour sa campagne. Dans son post sur les réseaux sociaux, l’ancien président américain renvoie vers un canal de la messagerie Telegram : “Ne vous fiez pas aux rumeurs : recevez les nouvelles directement ici !”. Depuis son lancement le 7 août dernier, plus de 26 000 personnes se sont abonnées.
Il faut dire que Donald Trump n’a pas toujours été un grand défenseur des cryptomonnaies. Quand il était président, il les avait même qualifiées “d’arnaque”, et dans un tweet publié en 2019, il balayait du revers de la main ces monnaies “dont la valeur est volatile et basée sur du vent”. Désormais, il se pose en champion de la tech. Invité à la Conférence Bitcoin, à Nashville (Tennessee), en juillet dernier, il a assuré qu’il serait “le président pro-innovation et pro-bitcoin dont l’Amérique a besoin”. Il a notamment proposé de créer un conseil consultatif sur les cryptomonnaies, ainsi qu’un “stock stratégique national de bitcoins”, pour le plus grand plaisir d’un public passionné par cette nouvelle technologie.
Attirer l’électorat pro-crypto
L’ex-président est même devenu un acheteur. Des documents publiés mi-août montrent qu’il détient entre 1 et 5 millions de dollars d’ether, la deuxième cryptomonnaie la plus importante au monde. Mais pour le candidat républicain, c’est aussi une façon de s’opposer au président Biden, fermement opposé à ces devises. Ce dernier a même mis son veto à un projet de loi qui aurait permis aux banques et aux institutions financières de garder des cryptomonnaies. Donald Trump a aussi promis de renvoyer Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (l’organisme fédéral chargé du contrôle des marchés financiers), un fervent défenseur de la régulation du secteur. L’interdiction des cryptomonnaies par la Chine, en 2021, aurait aussi mené Donald Trump à changer son fusil d’épaule, selon la politologue Marie-Christine Bonzom, interrogée par L’Express.
Surtout, le milliardaire républicain cherche à attirer l’électorat féru de tech et de nouvelles technologies, de plus en plus important aux Etats-Unis. Selon une étude de la banque centrale du pays, parue en mai 2024, 7 % des adultes américains ont déclaré détenir des cryptomonnaies. Le positionnement de Donald Trump pourrait donc lui faire gagner quelques voix. Interrogé par le New York Times lors de la Conférence Bitcoin, Sean McCaffrey, un jeune Floridien de 24 ans qui travaille pour une société de crypto, a confié qu’il “n’a jamais voté et n’est pas affilié à un parti”, mais que Donald Trump “venait peut-être de [le] convaincre”. Pour retrouver la Maison-Blanche, Donald Trump ne néglige aucun chemin.
Source