Lors de la crise du Covid-19, les vaccins ont été la principale arme pour diminuer le nombre d’hospitalisations et de morts. Et notamment les vaccins à ARN messager (ARNm) développés par Pfizer et Moderna. Néanmoins, ces derniers ont été associés à divers risques d’effets indésirables, comme tous les traitements. L’un d’eux a attiré l’attention des chercheurs, car on l’observe rarement avec d’autres médicaments ou vaccins : la myocardite. Il s’agit d’une inflammation du muscle cardiaque, le plus souvent provoquée après une infection virale, qui engendre des symptômes légers la plupart du temps, mais peut nécessiter quelques jours d’observation à l’hôpital, voire provoquer des complications cardiaques.
Des études avaient déjà démontré qu’il existait un faible risque de myocardite dans les sept jours suivant une vaccination par ARNm et dans les trente jours suivant une infection au Covid-19. Néanmoins, le pronostic à long terme des patients atteints de myocardite post-vaccinale était jusqu’à maintenant inconnu. Une équipe de chercheurs dirigée par Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique et directeur d’Epi-Phare (1), vient de publier une nouvelle étude, consultée par L’Express et parue ce lundi 26 dans la revue Journal of the American Medical Association (JAMA). Ils ont suivi les patients concernés dix-huit mois après leur vaccination ou leur infection : “Face à un effet secondaire indésirable quasi jamais observé avec un vaccin auparavant, nous voulions savoir ce qui arrivait, sur le long terme, à ces personnes”, explique le Pr. Zureik.
0,186 % de risque de myocardite après un vaccin
Pour effectuer ce travail, les chercheurs ont d’abord identifié toutes les personnes âgées de 12 à 49 ans hospitalisées en France pour une myocardite entre le 27 décembre 2020 et le 30 juin 2022. Ils ont ensuite séparé ces patients en plusieurs groupes : ceux atteints d’une myocardite post-vaccinale, c’est-à-dire dont cette complication a été enregistrée sept jours ou moins après leur vaccination ; ceux touchés par une myocardite post-Covid, entre huit et trente jours après avoir contracté le Covid-19 ; et ceux atteints d’une myocardite sans lien ni avec le Covid ni avec les vaccins. Toutes les personnes vaccinées l’ont été avec les injections de première génération, puisque ceux adaptés à Omicron sont arrivés après la période étudiée.
“Grâce à notre première étude sur les myocardites post-vaccinales publiée en juillet 2022, nous savons que lorsqu’une vaccination engendre une myocardite, le phénomène se produit forcément entre un et sept jours au plus tard, avec une médiane à quatre jours, sinon, cela n’est pas dû à l’injection”, indique le Pr. Zureik. De la même manière, son équipe a confirmé qu’une myocardite peut être attribuée au Covid-19 si elle se produit jusqu’à trente jours après une infection. Au-delà, il n’y a pas de lien et il s’agit d’une myocardite conventionnelle. Cette première étude avait également montré que le pourcentage de myocardite se déroulant après une vaccination était de 0,002 %, soit une toutes les 50 000 vaccinations. La fréquence maximum se produisait chez les jeunes hommes, après la deuxième injection du vaccin Moderna (0,016 %, soit une personne sur 6 012), la plus faible chez les femmes après une première dose de Pfizer (une personne sur 200 à 300 000).
Dans leur nouvelle étude, les chercheurs indiquent qu’au total, en France, 4 635 individus ont été hospitalisés pour une myocardite pendant la période étudiée, dont 558 pour une myocardite après un vaccin, 298 pour une myocardite après une infection post-Covid et 3 779 pour une myocardite conventionnelle. “On sait aussi que 30 millions de personnes âgées de 12 à 49 ans ont été vaccinées par ANRm dans cette même période”, ajoute le Pr. Zureik. La fréquence de myocardite post-vaccinale retrouvée dans cette étude s’établit à 0,0186 %, ce qui confirme les résultats des précédentes recherches.
Les jeunes hommes plus souvent touchés par des myocardites post-vaccinales
Les chercheurs ont ensuite suivi tous ces patients dix-huit mois après leur admission à l’hôpital afin de mesurer la survenue de complications se produisant après leur myocardite, par exemple une réadmission à l’hôpital, une hospitalisation pour un autre événement cardiovasculaire, un décès, etc. “Nous avons également étudié la prise en charge médicale des patients en sortie d’hospitalisation (examens médicaux, traitements, etc.),” précise le Pr. Zureik.
Ils ont confirmé que les patients atteints de myocardite post-vaccinale étaient plus jeunes que ceux atteints de myocardite post-Covid ou de myocardite conventionnelle et étaient plus souvent des hommes, et ont découvert qu’une très faible part d’entre eux ont dû avoir une prise en charge médicale plusieurs mois après leur sortie d’hospitalisation. Les chercheurs ont aussi déterminé que dix-huit mois après leur hospitalisation, les patients atteints de myocardite attribuable à la vaccination ARNm contre le Covid-19 présentaient moins de complications (5,7 %) que les patients atteints de myocardite attribuable au Covid-19 (12,1 %) et que les patients atteints de myocardite conventionnelle (13,2 %).
Ainsi, comme le montrent les résultats présentés dans leur étude, les patients atteints d’une myocardite post-vaccinale faisaient moins souvent l’objet d’une ré-hospitalisation pour myocardite (3,2 %, contre 4 % pour les myocardites post-vaccinales et 5,8 % pour les myocardites conventionnelles), mais aussi moins souvent l’objet d’autres complications cardiovasculaires (2,7 %, contre 7,4 % et 7,3 %), de défaillances cardiaques (1,1 %, contre 3,7 % et 3,5 %), ou d’hospitalisations pour d’autres causes (12,2 %, contre 21,1 % et 19,6 %). Ils présentaient également un taux de décès plus bas (0,2 %, contre 12,1 % et 13,2 %), bien que ces décès enregistrés le soient pour n’importe quelle cause, et donc pas forcément en lien avec la myocardite.
Cette étude vient donc s’ajouter à la longue liste de travaux scientifiques qui confirment que la balance bénéfice-risque est en faveur de la vaccination. “Nos travaux permettent aussi de combler un trou dans la raquette des connaissances, alors que des milliards de personnes ont été vaccinées sur la planète, et que l’efficacité des vaccins et leurs effets secondaires sont toujours étudiés”, assure le directeur d’Epi-Phare.
Les plus farouches critiques de la vaccination pourraient rétorquer que les personnes ni vaccinées ni infectées n’auraient sans doute pas eu de myocardite. “Bien sûr, au niveau individuel, on peut entendre la critique, mais il y a eu 558 myocardites post-vaccinales en France pour 30 millions de vaccinés et, même si on peut estimer que le Covid-19 était moins grave dans cette tranche d’âge, il y a tout de même eu 100 000 hospitalisations et 1 100 décès chez les 12-49 ans, dont 90 % n’étaient pas vaccinés”, répond le Pr. Zureik. Une étude publiée dans la revue Epidemics en février 2024 par des chercheurs du CHU de Bordeaux, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) confirme d’ailleurs que sans campagne vaccinale, le nombre de victimes de la pandémie de Covid-19 aurait été deux fois supérieur en France.
(1) Epi-Phare est un groupement d’intérêt scientifique public (ANSM-CNAM), à qui on doit aussi l’une des plus grandes études sur l’efficacité des vaccins anti-Covid (22 millions de personnes incluses), des travaux poussés sur les facteurs de risque du Covid-19, mais aussi des analyses qui ont fait date sur tous les scandales de santé publique de ces dernières années : Mediator, Dépakine, Essure, Androcur…
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