Une conversation rendue publique ce mardi 27 août, et qui charge frontalement la présidence Biden. Dans une lettre envoyée au président – républicain – de la commission judiciaire de la Chambre des représentants américaine, Mark Zuckerberg s’est lancé dans un grand mea culpa de la gestion de la désinformation sur Facebook durant la pandémie de Covid-19. “En 2021, des hauts fonctionnaires de l’administration Biden, y compris la Maison-Blanche, ont exercé des pressions répétées sur nos équipes pendant des mois pour qu’elles censurent certains contenus Covid-19, y compris l’humour et la satire, et ont exprimé beaucoup de frustration à l’égard de nos équipes lorsque nous n’étions pas d’accord”, a écrit le patron du groupe Meta dans sa missive.
“Je pense que les pressions exercées par le gouvernement étaient une erreur, et je regrette que nous n’ayons pas été plus francs à ce sujet”, écrit encore Mark Zuckerberg, assurant avoir fait des choix que, “avec le recul et de nouvelles informations à notre disposition, nous ne ferions pas aujourd’hui”.
Mark Zuckerberg just admitted three things:
1. Biden-Harris Admin “pressured” Facebook to censor Americans.
2. Facebook censored Americans.
3. Facebook throttled the Hunter Biden laptop story.
Big win for free speech. pic.twitter.com/ALlbZd9l6K
— House Judiciary GOP ???????????????????????? (@JudiciaryGOP) August 26, 2024
Ce message a fait le plus grand bonheur des élus républicains, qui accusent régulièrement les réseaux sociaux de censure envers leurs opinions. “Une grande victoire pour la liberté d’expression”, a réagi le compte X de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, affirmant que “l’administration Biden-Harris a ‘fait pression’ sur Facebook pour qu’il censure les Américains”. Autre soutien : Elon Musk, fervent opposant à la moindre entrave à la liberté d’expression et toujours plus proche de Donald Trump. “Quelle qu’en soit la raison, c’est un pas dans la bonne direction”, a-t-il affirmé sur son réseau social X, voyant derrière cette censure une “violation du Premier amendement”.
La Maison-Blanche n’a pas tardé pour se défendre, affirmant dans un communiqué que “lorsque confrontée à une pandémie mortelle, cette administration a encouragé des actions responsables pour protéger la santé publique et la sécurité de tous. Notre position a été claire et consistante : nous croyons que les entreprises technologiques et les acteurs privés doivent prendre en compte les effets de leurs actions sur le peuple américain, tout en faisant des choix indépendants quant aux informations qu’ils présentent”.
Entre Trump et Zuckerberg, un historique personnel tumultueux…
Cette lettre ressemble tout droit à un signal envoyé par Mark Zuckerberg à l’adresse du clan républicain, à trois mois des élections américaines. Car dire que les relations entre Donald Trump et le patron de Meta sont glaciales n’est qu’un euphémisme. Dès 2017, l’ex-président américain chargeait Facebook d’être “anti-Trump”. En 2020, alors que Mark Zuckerberg était vivement accusé d’une certaine indulgence envers le chef d’Etat américain et ses propos outranciers, le patron du groupe Meta avait réagi en se disant “profondément ébranlé et dégoûté par la rhétorique clivante et incendiaire du président Trump”.
Mais la rupture s’était définitivement consumée après l’assaut du Capitole de janvier 2021, à la suite duquel le compte de Donald Trump avait été suspendu de Facebook, et ce jusqu’en janvier 2023. Un bannissement que le triple candidat à la présidentielle américaine a encore en travers de la gorge. “Tout d’un coup, je suis passé du numéro 1 à personne”, disait-il encore dans une interview au média américain Bloomberg en juillet dernier.
Cette lettre ne s’arrête pas seulement à la question du Covid-19, mais aborde plusieurs autres sujets qui tiennent particulièrement à cœur aux élus républicains. Le premier : l’affaire Hunter Biden, le fils de Joe Biden. Alors que Facebook avait supprimé un article de presse en raison de suspicions de “désinformation russe”, dans l’attente de vérification par des services de fact-checking, Mark Zuckerberg affirme qu’il a été “rendu clair que ce post n’avait aucun lien avec la Russie, et que rétrospectivement, nous n’aurions pas dû supprimer cet article”.
Autre point : le financement de Mark Zuckerberg en faveur d’associations visant à soutenir le système électoral américain. Alors que le milliardaire américain avait versé via sa fondation près de 400 millions de dollars lors de la dernière élection présidentielle – visant notamment à l’achat de protections pour empêcher la propagation du Covid-19 dans les bureaux de vote ou des équipements pour le traitement des bulletins de vote par correspondance -, ce soutien financier avait été la cible d’intenses critiques du camp républicain, l’accusant d’être partisan et biaisé en faveur des démocrates. Ce sujet était l’un des principaux chevaux de bataille de Donald Trump, qui affirmait encore dans un post sur son réseau social Truth Social en juillet dernier qu’il emprisonnerait les “fraudeurs électoraux” s’il est réélu, en citant nommément Mark Zuckerberg.
Pour la présidentielle de 2024, le patron de Meta l’assure : il “ne compte pas faire de contribution similaire”. Assurant que ces donations avaient un but “non-partisan”, Mark Zuckerberg a reconnu que “certaines personnes pensent que ce travail a bénéficié à un parti plutôt qu’à l’autre. Mon objectif est d’être neutre et de ne pas jouer un rôle” dans l’élection, justifie-t-il, accordant encore un point au camp trumpiste.
… et des enjeux commerciaux capitaux
De bout en bout, cette lettre semble donc s’inscrire dans une tentative d’apaisement de Mark Zuckerberg envers Donald Trump. Une stratégie également renforcée par sa réaction à la suite de la tentative d’assassinat du candidat républicain en juillet dernier, la qualifiant de “badass” – à comprendre cool -, disant qu’il était “difficile de ne pas être ému par cet esprit et ce combat”.
Mais si le patron du groupe Meta tente d’arrondir les angles avec Trump, c’est peut-être bien aussi car un dossier crucial pour lui pourrait bien complètement basculer en fonction du résultat de l’élection présidentielle de novembre prochain : le cas TikTok. Car si l’ex-président avait tout d’abord été un fervent combattant du réseau social chinois, celui-ci a drastiquement changé d’avis récemment, s’opposant désormais à son interdiction sur le sol américain. Et ce, notamment pour une raison : son refus d’offrir un tel cadeau au patron de Meta. “S’il n’y a plus TikTok, il reste Facebook et Instagram. Et ça, vous savez, c’est Zuckerberg”, a-t-il ainsi insisté dans son interview à Bloomberg.
Pour Mark Zuckerberg, la fin de TikTok sur le sol américain ne pourrait avoir que des conséquences positives, notamment pour son réseau social Instagram, qui se veut son principal concurrent. Et si publiquement, le milliardaire américain n’a jamais frontalement soutenu l’interdiction du réseau social chinois, une enquête du Wall Street Journal en 2020 avait révélé que le patron de Meta avait joué un rôle prépondérant auprès de Donald Trump pour faire monter les inquiétudes à propos de TikTok. En bon patron d’entreprise, Mark Zuckerberg le sait : avoir contre lui un ennemi à la Maison-Blanche, aussi déchaîné celui-ci puisse-t-il être, ne lui apportera rien de bien.
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