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De “soldats TikTok” à déserteurs et prisonniers : comment l’Ukraine a dompté les redoutés Tchétchènes


Les rencontres entre le président russe et le chef de la république de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, sont toujours mémorables. Celle du 21 août n’a pas dérogé à la règle. Lors de sa première visite dans ce territoire autonome du Caucase russe depuis 2011, Vladimir Poutine, qui a été accueilli en grande pompe par un Ramzan Kadyrov tout sourire accompagné de ses trois fils aînés, a été fait “citoyens d’honneur de la république tchétchène”. Et aura même embrassé un Coran.

Dans le contexte de l’incursion militaire ukrainienne dans la région de Koursk, ce fidèle parmi les fidèles du président russe n’a pas manqué l’occasion de vanter les mérites de ses soldats tchétchènes sur le terrain, dont le chef du Kremlin a ensuite fait l’éloge.

Ce qui lui a valu d’être critiqué par les correspondants de guerre, cette galaxie de blogueurs militaires au point de vue prorusse, sur leurs chaînes Telegram. “Hier, Pypa [NDLR : surnom de Vladimir Poutine] s’est rendu en Tchétchénie, écrit par exemple la chaîne Alex Parker Returns à ses plus de 200 000 abonnés. Les actions militaires des Tchétchènes sur le front lui ont été vantées : des détachements de ‘rats’ postés à l’arrière, superbement équipés, qui n’ont naturellement participé à aucune bataille et refusent d’y participer”.

De “soldats TikTok” à déserteurs et prisonniers

La haine des correspondants militaires russes envers les soldats tchétchènes, appelés les “Kadyrovtsy”, et répartis en unités “Akhmat” (du nom du père de Ramzan Kadyrov) ne cesse d’enfler à mesure que la guerre en Ukraine se prolonge. Dès le début de “l’opération militaire spéciale”, en février 2022, les bataillons Akhmat ont brillé par leur inefficacité, malgré leur tendance à se filmer de manière virile dans des vidéos TikTok.

En mai dernier, Ramzan Kadyrov a déclaré que sept régiments et quatre bataillons servaient en Ukraine, dont les “forces spéciales Akhmat”. Au total, à en croire les autorités tchétchènes, plusieurs dizaines de milliers de leurs hommes ont déjà été envoyés au front. Mais les experts militaires occidentaux estiment qu’ils ne sont en réalité que quelques milliers – et plutôt dans des positions arrières que dans les zones de combat.

Ce sont cependant les “Kadyrovtsy” qui se sont retrouvés en première ligne face à l’invasion des forces ukrainiennes le 6 août dernier. Ils ont en partie été désignés comme responsables de l’échec cuisant de l’armée russe. La chaîne Telegram “VChK-OGPU” a ainsi accusé les militaires Akhmat de “s’enfuir”, et de se faire capturer facilement. Des images peu glorieuses de soldats tchétchènes, mains ligotées et yeux bandés, ont circulé sur les réseaux sociaux quelques jours après le début de l’offensive ukrainienne.

Apti Alaudinov, le commandant tchétchène omniprésent

Une attitude embarrassante pour la “fierté tchétchène”. Le commandant des forces spéciales d’Akhmat, Apti Alaudinov, a d’abord démenti la capture de certains de ses hommes par les Ukrainiens… Avant de finalement confirmer que cinq soldats avaient été faits prisonniers. “Un Tchétchène capturé n’est plus un Kadyrovtsy. Pour un Tchétchène, il n’y a rien de plus honteux que d’être capturé”, a-t-il tranché. Apti Alaudinov a aussi réfuté les abandons de postes massifs de ses soldats. “L’ennemi raconte beaucoup de fausses histoires sur la capitulation des soldats des forces spéciales d’Akhmat… Mais le plus intéressant est qu’aucun de nos combattants ne s’est rendu. Les gars se battent comme des lions.”

Défendant bec et ongles l’honneur de ses soldats, Alaudinov, à la tête des forces spéciales d’Akhmat depuis le début de la guerre en Ukraine, occupe actuellement un espace médiatique de premier plan, qui contraste avec le mutisme des autres généraux de l’armée russe depuis l’invasion ukrainienne à Koursk. Et avec la réalité de ses succès. Il commente la situation sur le front via des dizaines de messages sur ses réseaux sociaux, soulignant sans cesse les progrès de l’armée russe face aux Ukrainiens. “Dans les deux ou trois prochains mois, tout cela sera complètement terminé. Non seulement dans la région de Koursk, mais pour toute ‘l’opération militaire spéciale'”, a-t-il assuré dans une interview à un blogueur chinois.

Alors que ses déclarations sont reprises à travers toute la Russie, son ascension récente dans la hiérarchie militaire russe attire l’attention. En avril dernier, il a été nommé chef adjoint de la direction militaro-politique du ministère de la Défense russe. Ce qui l’a propulsé à un poste fédéral, lui qui a commencé sa carrière dans les forces de l’ordre de la république tchétchène, et enchaîné les postes dans les ministères l’Intérieur de la Justice de Tchétchénie. Décrit comme cruel et intransigeant, son nom est évoqué par plusieurs observateurs comme possible successeur au président tchétchène, fragilisé par de sérieux problèmes de santé. Nul doute qu’il essaiera désormais de faire de la bataille de Koursk un tremplin pour continuer à gravir les échelons.




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