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Notre cerveau, plus performant mais plus fragile : aux origines d’un grand “compromis”


Avec les années, le cerveau rétrécit. L’enchevêtrement de neurones devient plus lâche, plus distant, comme une pelote de laine sur laquelle on aurait trop tiré. Si tout le monde ne vieillit pas de la même manière – en témoignent certains centenaires toujours fringants – il existe toute de même d’importantes similitudes au sein de notre espèce : l’âge, ce vicieux bourreau, frappe très souvent au même endroit, dans des zones cérébrales précises, selon un même schéma.

Pour comprendre pourquoi, et d’où viennent ces similarités répétées d’individu en individu, des chercheurs de l’université Heinrich Hein de Düsseldorf ont comparé notre vieillissement à celui de certains singes. Si les autres primates ne subissent pas le même sort, alors peut-être pourraient-ils nous donner la clé pour en faire de même, ont ainsi imaginé ces scientifiques, espérant trouver là de quoi ralentir notre déclin.

189 chimpanzés, tous endormis pour l’occasion car ils ne tiennent pas en place, et 480 humains ont participé à l’expérience. De ces travaux, point de cure de jouvence : résister au déclin lié à l’âge, guérir le vieillissement, demande, semble-t-il, bien plus que l’analyse de quelques IRM. Mais l’étude, qui est paru dans Science Advances mercredi 28 août, a tout de même fait émerger quelques constats qui apportent des éclairages nouveaux à ce que les scientifiques savaient déjà de l’évolution de notre espèce, et de ses faiblesses vis-à-vis des effets du temps.

Le prix de l’évolution

Il y a 6 millions d’années, l’homme et le singe se séparaient. Une scission lente, qui s’est étendue sur des milliers de générations, causée par des conditions de vie, et donc à une sélection naturelle, différentes. C’est à cette époque que l’Homme, qui n’en est pas encore tout à fait un, se dote, entre autres, d’un cerveau plus grand, avec un cortex préfrontal plus développé.

Fruit de divergences génétiques, l’apparition de cette zone du cerveau située à l’avant de l’encéphale a permis une meilleure mobilité et un meilleur raisonnement. Mais, et c’est ce que détaillent les scientifiques allemands dans leurs travaux, ces acquisitions n’ont pas été “gratuites”. Elles ont été obtenues au prix d’importantes contreparties, dont celles d’être beaucoup plus sensible au vieillissement.

Les chercheurs ont ainsi montré une corrélation entre la vitesse de vieillissement et la date à laquelle les différentes zones du cerveau sont apparues. “Cette corrélation est spécifique à l’homme et n’est pas visible sur les autres singes étudiés, des chimpanzés, mais aussi des babouins olive et des macaques rhésus, leurs cousins les plus proches”, détaille Felix Hoffstaedter, chercheur en neuropsychologie et premier auteur de l’étude. En d’autres termes, ce qu’il y a de plus primaire dans notre tête est aussi ce qu’il y a de plus durable. Et ce qu’il y a de plus nouveau, de plus “puissant”, est aussi ce qu’il y a de plus fragile.

Des pistes pour mieux vieillir

Ce “compromis” de l’évolution, comme l’appellent les chercheurs, expliquerait notamment pourquoi le vieillissement cérébral humain est plus important et plus rapide que celui des singes, ramené à une durée de vie égale. Et permet de mieux comprendre pourquoi les singes semblent moins concernés par les maladies liées à la dégénérescence, comme Alzheimer. Si ce phénomène était relativement connu des scientifiques, la comparaison avec les singes a permis de préciser un peu plus le rôle de l’évolution dans ce mécanisme.

L’histoire ressemble aux pactes que font parfois les humains dans les films avec le diable pour acquérir des facultés supplémentaires. Ici, évidemment, aucun contrat n’a été passé avec l’évolution. Ces facultés sont apparues par hasard, puis ont perduré, car elles permettent aux individus de survivre plus longtemps et de faire plus d’enfants. Reste que pour l’instant, les scientifiques ignorent encore les raisons précises pouvant expliquer une telle fragilité cérébrale.

Les “compromis” comme celui-ci ne sont pas rares. Notre espèce semble avoir acquis son intelligence au prix, aussi, d’un cerveau plus consommateur en énergie et d’un temps de développement particulièrement long. La plupart des bébés singes deviennent adultes plus vite. Pour Felix Hoffstaedter, le fait que les éléments qui nous séparent des primates soient “récents” dans l’histoire de l’évolution, les rend moins “aboutis”. “Comme si l’évolution n’avait pas fini son œuvre”, glisse le chercheur.

Les scientifiques mettront sans doute encore des années avant de saisir exactement les mécanismes qui ont conduit à ce que nous sommes. Mais l’avènement des supercalculateurs et de l’IA, utilisée dans le cadre des travaux allemands notamment, a donné un nouveau souffle à ces projets de recherche. Ils pourraient permettre, à terme, de mieux détailler, en plus des changements morphologiques, comment sont apparues les aptitudes, les comportements qui en découlent. Et également faire avancer la médecine, qui a encore du mal à appréhender les pathologies du vieillissement.




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