C’était “une bonne décision”. Voilà comment Joe Biden qualifiait le retrait militaire américain d’Afghanistan il y a trois ans. Le 30 août 2021, le dernier soldat quittait l’aéroport de Kaboul dans un chaos indescriptible, rendant le pouvoir, après vingt années de guerre, aux talibans. Mais attention, disait-on à l’époque : ce ne sont pas les mêmes que ceux qui ont dirigé le pays entre 1996 et 2001. “On disait que ces talibans 2.0 étaient plus modernes, qu’ils avaient amélioré leur communication”, se souvient Mélissa Cornet, spécialiste des questions de genre en Afghanistan.
Une bonne décision ? En réalité, Joe Biden n’a guère eu le choix. Poussé par une opinion publique hostile au maintien de la présence américaine en Afghanistan, lié par les engagements de son prédécesseur Donald Trump de quitter le pays et surtout en l’absence de tout résultat en termes de stabilité et de sécurité du pays, malgré les 2 000 milliards de dollars dépensés en deux décennies, le président américain sifflait la fin de la plus longue guerre de l’histoire des Etats-Unis. “Je ne tromperai pas le peuple américain en prétendant qu’un peu plus de temps en Afghanistan fera toute la différence”, disait Joe Biden.
Les murs se resserrent
Trois ans plus tard, les femmes afghanes, elles, voient la différence. Après vingt ans d’ouverture et de libertés, leur pays est retourné au Moyen Age. Les premières semaines du nouveau pouvoir ont pu faire illusion, avec une transition pacifique, des femmes qui pouvaient encore travailler. Mais rapidement, la vraie nature du régime a pris le dessus. Retour de la charia, port obligatoire du hidjab, interdiction des femmes à l’université, dans les ONG, dans les instances de l’ONU… Jusqu’à cette nouvelle loi, pour “promouvoir la vertu et prévenir le vice”, promulguée le 22 août. Un pavé de 114 pages d’interdictions pour les 45 millions d’Afghans mais en particulier pour ces femmes, recluses à la maison, obligées de se couvrir entièrement, bannies de l’école au-delà de la sixième année, d’enseignement secondaire et universitaire, non autorisées à travailler dans le secteur public… “Comme ils ont défié les armées les plus puissantes du monde, les talibans font désormais ce qu’ils veulent”, constate Mélissa Cornet.
“Free Afghan Women” (Libérez les femmes afghanes), avait écrit sur sa cape la jeune athlète afghane Manizha Talash, le 9 août dernier, à l’occasion d’une compétition de breaking sur la place de la Concorde. Un message adressé au reste du monde, avant que la gymnaste ne soit disqualifiée “pour avoir affiché un message politique sur sa tenue vestimentaire en violation de la règle 50 de la charte olympique”. Partout en Afghanistan les murs se resserrent. Avec, pour ces femmes, ce goût très amer d’abandon et de trahison par la société internationale. Beaucoup d’entre elles ont connu cette parenthèse de libertés, refermée il y a trois ans. “Kaboul est devenue l’antichambre de l’au-delà”, écrivait Yasmina Khadra en 2002 dans Les Hirondelles de Kaboul (Pocket). Aujourd’hui, l’enfer est de retour.
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