Vers une surprise à Matignon ? Ce lundi 2 septembre, un nouveau nom semble avoir pris de l’épaisseur pour le poste de Premier ministre : le patron du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Thierry Beaudet. Alors que le président de la République recevait dans la journée Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, deux purs politiciens aguerris aux joutes parlementaires pour tenter de décrocher des consensus dans cette Assemblée nationale fracturée, Emmanuel Macron pourrait donc faire le choix d’un profil plus “technique”, inconnu du grand public, pour former un gouvernement. C’est en tout cas ce qu’affirme L’Opinion, qui assure que le chef de l’Etat aurait contacté Thierry Beaudet ce jeudi, et que ce dernier lui a donné son accord. L’AFP et Le Figaroconfirment que son nom circule sérieusement pour remplacer Gabriel Attal.
Âgé de 62 ans, instituteur de formation, Thierry Beaudet devient président de la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN) de 2009 à 2017, la plus importante mutuelle du service public, avant de prendre la tête de la Fédération nationale de la mutualité française. Un poste qu’il occupera de 2016 à 2021, date à partir de laquelle il prendra la direction du Conseil économique, social et environnemental.
Le Cese, troisième Assemblée citée dans la Constitution, se définit comme le “trait d’union entre les pouvoirs publics et la société civile”, que ce soient les ONG, les partenaires sociaux et les citoyens, par le biais de rapports ou de notes auprès du Parlement et de l’exécutif. C’est notamment au sein du Cese qu’a été organisée la Convention citoyenne sur la fin de vie entre décembre 2022 et mai 2023, deux ans après celle sur le climat.
“Quelqu’un de consensuel”
De ces expériences semble ressortir de Thierry Beaudet l’image d’un proche des partenaires sociaux, capable de mener des négociations à bien. Une qualité non négligeable au vu de la situation politique actuelle. François Hommeril, président de la CFE-CGC, assure auprès de l’AFP qu’il n’est “pas plus ridicule que les autres” personnalités qui ont été évoquées pour diriger le gouvernement. “Ça peut être une bonne surprise”, veut croire le responsable syndical. “Il n’a pas d’expérience politique”, mais dans le contexte “compliqué” actuel, “est-ce que c’est un plus ? est-ce que c’est un moins ?”, s’interroge son homologue de la CFTC Cyril Chabanier, qui n’a “pas beaucoup de doutes sur son attachement au dialogue social”. Laurent Escure (Unsa), qui “connaît bien” Thierry Beaudet, salue, lui, “son goût pour la synthèse et l’intérêt général”.
Un autre élément pourrait aller dans le sens de l’ancien mutualiste : celui d’un homme plutôt ancré à gauche, réputé proche de l’ancien patron de la CFDT Laurent Berger, mais aussi du macroniste Richard Ferrand ou de l’ancien socialiste Benoît Hamon – selon Le Monde. François Asselin, président du syndical patronal de la CPME, dépeint auprès de l’AFP “quelqu’un de consensuel”, plutôt issu “d’une culture de centre-gauche”. Mais, relève-t-il, s’il accède à Matignon, il devra “manier l’art du dissensus et peut-être moins du consensus, parce qu’on est dans une situation où il va falloir trancher”.
Le choix de Thierry Beaudet semblerait en tout cas s’inscrire dans la volonté d’Emmanuel Macron de construire des consensus de la droite jusqu’à une partie de la gauche. Même si à l’Assemblée nationale, “ce sera une autre paire de manches” qu’au Cese, relève aussi Thierry Cadart (CFDT), membre du bureau de l’institution, ajoutant que si l’ancien mutualiste “sait construire le consensus”, “certains pouvaient lui reprocher de prendre un peu trop de temps pour trancher”.
Très critique de la dissolution
Mais même si le patron du Cese ne s’est jamais réellement épanché sur ses opinions politiques, ce dernier s’est néanmoins distingué par quelques rares prises de position à la veille des élections législatives anticipées, en juin dernier. Dans un entretien à La Tribune, il s’était révélé critique de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. “Cette double décision plonge la France dans une crise politique et démocratique sans précédent. En trois semaines, aucune formation politique ne peut écouter les souffrances et les aspirations citoyennes, en déduire un projet solide, le confronter à ceux de ses rivaux, le verser dans le débat public, composer une liste de 577 candidats sérieux et préparés”, avait-il taclé.
Thierry Beaudet s’était également exprimé fermement contre le Rassemblement national. “L’extrême droite est aux portes du pouvoir. Historiquement, elle a combattu la démocratie parlementaire, entretenu le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, la haine de l’autre, pourchassé les contre-pouvoirs, les droits fondamentaux et l’Etat de droit”, cinglait-il, toujours dans La Tribune, refusant de “renvoyer un instant dos à dos” le RN et le Nouveau Front populaire. Sur le plan politique, il avait également adopté des positions tranchées en faveur de l’euthanasie ou contre la loi immigration – allant jusqu’à manifester le 21 janvier au Trocadéro.
Selon Le Monde, Beaudet aurait, sur les recommandations de l’Élysée, d’ores et déjà trouvé son directeur de cabinet : Bertrand Gaume, actuel préfet du Nord et des Hauts-de-France, qui avait déjà occupé ce poste en Essonne avant d’être débauché par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Serviteur patenté de l’État, Gaume connaît bien les réseaux socialistes. Il est lui aussi un proche à la ville de l’ex-candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon dont il a été le directeur de cabinet au ministère de l’Économie sociale et solidaire en 2012. Il a également officié au cabinet de Najat Vallaud Belkacem au ministère de l’Éducation nationale. Quand Aurélien Rousseau a quitté le cabinet d’Elisabeth Borne, il était pressenti pour le remplacer. Un duo venu de la gauche, comme la macronie en a vu passer plusieurs depuis 2017.
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