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Rentrée scolaire : les réformes Attal verront-elles vraiment le jour ?


“On est loin du cérémonial de l’année dernière”, glissait un participant lors de la conférence de presse de rentrée de la ministre démissionnaire Nicole Belloubet le 27 août dernier. Il y a un an, Gabriel Attal, alors fraîchement nommé à la tête de l’Education nationale, déroulait une quantité d’annonces face aux nombreux journalistes réunis dans la cour d’honneur de l’hôtel de Rochechouart. Cette fois, c’est dans la salle Condorcet, beaucoup plus étroite et feutrée, que se déroulait le traditionnel exercice qui précède la réouverture des écoles, collèges et lycées prévue le 2 septembre prochain. Au centre des échanges : le devenir des réformes Attal longuement débattues ces derniers mois. Que restera-t-il des projets relatifs aux groupes de besoin, à la réforme du brevet, aux nouveaux programmes, à la labellisation des manuels scolaires ou encore à la formation initiale des professeurs ? “Au sein du ministère, deux camps s’affrontent : d’un côté ceux qui plaident pour aller au bout du chantier lancé. De l’autre, ceux qui, au contraire, rêvent d’un nouveau changement de cap”, confie ce haut fonctionnaire qui connaît bien le système éducatif. “Difficile de savoir quelle ligne va l’emporter. Tout dépendra de qui posera son cartable dans le bureau de la rue de Grenelle dans quelques jours”, renchérit Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, le syndicat majoritaire du second degré.

Du côté du ministère, le mot d’ordre en cette période d’instabilité politique est la “continuité”. “Pour l’instant, nous veillons à appliquer tout ce qui a déjà été concerté, arbitré, validé et publié. Il faudra attendre la nomination d’un nouveau gouvernement pour en savoir plus sur les éventuelles futures orientations politiques”, confiait récemment à L’Express Caroline Pascal, la nouvelle Directrice générale de l’enseignement scolaire. Sachant que la Dgesco fait office de “numéro deux” rue de Grenelle, cette nomination intervenue en Conseil des ministres le 16 juillet dernier, est perçue par beaucoup d’experts du monde éducatif comme très “stratégique”. L’ancienne cheffe de l’Inspection générale fut l’un des quatre coordinateurs de la mission Exigence des savoirs à l’automne dernier (avec Edouard Geffray, ex-Dgesco ; Stanislas Dehane, président du Conseil scientifique de l’Education nationale et Pierre Moya, recteur de l’académie d’Amiens). Elle a pour elle de connaître parfaitement les dossiers en cours. “Choisir Caroline Pascal c’est rester dans la continuité des efforts qui ont été mis en œuvre ces dernières années et qui vont dans la bonne direction”, avance Charles Torossian, à qui Jean-Michel Blanquer avait confié une mission sur l’enseignement des mathématiques en 2017.

A l’inverse, les syndicats enseignants, vent debout contre la réforme du “Choc des savoirs” depuis le départ, plaident pour un abandon des réformes Attal. “Qui trient les élèves, les sélectionnent, rognent sur la liberté pédagogique et pâtissent du manque de moyens nécessaires pour leur mise en place”, énumère Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa. Tandis que Guislaine David, co-secrétaire générale du SNUipp-FSU, qualifie la situation actuelle d’”ubuesque”. “Notre ministre démissionnaire engage la rentrée avec une politique contre laquelle la profession a lutté massivement l’année dernière”, dénonce la représentante syndicale, reconnaissant placer ses espoirs à gauche. “Un certain nombre de députés du Nouveau Front populaire ont posé les jalons d’un projet pour l’école qui fait écho à notre propre projet”, lâche-t-elle. La première mesure prônée par le NFP lors des dernières législatives étant… l’abrogation du “Choc des savoirs”. “Moi qui ai enseigné pendant presque trente ans, à différents postes et dans plusieurs établissements, je ne connais aucun professeur favorable à ce plan”, assure la députée PS Fatiha Keloua-Hachi, qui vient de prendre la présidence de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale.

“Aider les plus en difficulté à se remettre au niveau”

Mais que disent les textes aujourd’hui et quelles mesures sont d’ores et déjà actées ? L’une des seules à entrer en vigueur dès cette rentrée scolaire est la mise en place des groupes de besoin en classes de 6e et de 5e en français et en mathématiques. Et ce malgré les nombreuses dissensions qui auront agité le ministère en interne. “Dès qu’elle a été nommée, Nicole Belloubet a œuvré pour assouplir le projet initial de Gabriel Attal”, raconte cet ancien recteur. La ministre, lors de sa conférence de presse de rentrée, faisait pour la première fois officiellement preuve de distance avec son anté-prédécesseur en déclarant : “J’insiste sur le fait que ce ne sont pas des groupes de niveau mais des groupes de besoin. Avec Gabriel Attal, nous avions convenu de garder chacun la terminologie qui nous convenait le mieux.” Sur le terrain, la mesure sera appliquée différemment selon les collèges. Alors que les syndicats persistent à parler de “tri social”, le sénateur LR Max Brisson, salue au contraire la mise en application de cette mesure. “L’hétérogénéité des classes en collège est l’une des difficultés dont parlent assez régulièrement les professeurs qui ne sont pas dans une posture syndicale ou politique. Faire un travail de remédiation pour aider les plus en difficulté à se remettre au niveau va dans le bon sens”, explique celui qui fut enseignant et inspecteur général.

D’autres réformes, comme celle de la labellisation des manuels scolaires, n’auront finalement pas abouti. Celle qui concerne le diplôme national du brevet (DNB), en revanche, pourrait bien voir le jour au cours de cette année scolaire. Selon la ministre de l’Education nationale, la part de contrôle continu qui représentait jusque-là 50 % de la note devrait tomber à 40 %, les 60 % restants étant dévolus aux épreuves de fin d’année. “Ces textes sur les nouvelles modalités d’évaluation ont dû être reportés mais ils sont prêts et, dès la fin de cette période de gestion des affaires courantes, nous devrions en assurer la publication pour qu’ils puissent entrer en vigueur lors du DNB 2025”, a-t-elle avancé le 27 août dernier. Provoquant la colère des organisations syndicales. “Pour l’instant, il n’y a pas de texte, rien ne nous a été présenté et il serait totalement inacceptable que les règles changent en cours d’année”, prévient Jérôme Fournier, du SE-Unsa. Le décret prévoyant de rendre obligatoire l’obtention du brevet pour passer en classe de seconde a, quant à lui, été gelé. “Au cours de certaines réunions, la ministre nous avait fait comprendre en off qu’elle comprenait nos craintes exprimées sur ce sujet”, confie Sophie Vénétitay du SE-Unsa. Les classes “prépa seconde”, dédiées à ceux qui ont échoué à l’examen de fin de collège seront en revanche expérimentées dès cette année même si moins de mille élèves se sont d’ores et déjà portés volontaires.

Si les nouveaux programmes de français et de mathématiques qui concernent les cycles 1 et 2 (soit de la petite section de maternelle au CE2) sont bien passés devant le Conseil supérieur de l’éducation, ils n’ont, pour l’heure, pas été publiés. Initialement prévus pour cette rentrée, ils sont aujourd’hui repoussés à la rentrée 2025, sauf contre ordre du futur hôte de la rue de Grenelle. Le fait que l’échéance soit décalée “ne pose pas de problème en soi. Au contraire, puisque cela permettra aux enseignants de prendre le temps de se former”, reconnaît Mark Sherringham, le président du Conseil supérieur des programmes, lui aussi suspendu à la décision du futur ministre de l’Education nationale. Enfin, la réforme de la formation initiale des enseignants a été ajournée au grand regret de Nicole Belloubet pour qui ce dossier “doit être une priorité du prochain gouvernement”. Gouvernement dont elle se verrait bien faire partie, tout en ajoutant être aussi “capable d’aller cueillir des champignons à l’automne”. “On a aujourd’hui besoin d’une ligne claire après avoir nagé entre plusieurs eaux depuis 2017, entre Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye, Gabriel Attal et Nicole Belloubet”, insiste ce familier de la rue de Grenelle qui refuse de se risquer au jeu des pronostics concernant le futur ministre de l’Education.




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