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Russie : comment Poutine met l’école au service de sa machine de guerre


Vladimir Poutine l’assure : il s’occupera “des bandits qui ont pénétré sur le territoire de la Russie, dans la région de Koursk, et qui tentent de déstabiliser la situation dans les territoires frontaliers dans leur ensemble.” Ces paroles n’ont pas été prononcées lors d’une réunion ministérielle, mais bien dans une salle de classe où il a rencontré des élèves. Un choix qui n’a rien d’anodin, car pour cette troisième rentrée depuis l’invasion russe en Ukraine, la guerre s’invite sur les bancs de l’école.

Dès le début de l’année scolaire, les lycéens pourront se former au pilotage de drones de combat, lit-on dans le programme publié à la fin du mois d’août par le ministère de l’Education. Selon la nouvelle feuille de route, les adolescents russes pourront se familiariser avec “les moyens d’utilisation militaire des drones” ou encore la manière de “mener des missions de reconnaissance à l’aide d’un drone”. Et tant pis si l’on rogne sur les mathématiques et les sciences.

Les élèves auront aussi la possibilité de “mener des actions concrètes de pilotage de drones”, ainsi que d’apprendre les façons de parer les “drones de l’adversaire”. Les classes concernées par ces cours correspondent à la tranche d’âge 15-17 ans, dans le cadre de la “formation militaire initiale”. Cet apprentissage, qui existait à l’époque soviétique avant de tomber en désuétude, a été relancé pour la rentrée de l’année scolaire 2023-2024.

Un tour de vis patriotique

Elle prévoit notamment une familiarisation avec des armes de guerre telles que le fusil d’assaut kalachnikov et compte au moins 140 heures de cursus. “L’introduction d’une telle matière dans les écoles permettra de préparer systématiquement les citoyens à une éventuelle confrontation avec l’ennemi”, avait justifié en novembre 2022 le parlementaire Sergueï Mironov, à l’origine de l’initiative. Les drones sont massivement utilisés dans le conflit en Ukraine par les deux camps et le territoire russe est quasi quotidiennement visé par des attaques de ce type. L’objectif est que d’ici à 2030, 4872 salles de classe et 380 centres de formation sur l’enseignement de contrôle des drones équipent les écoles du pays, renseigne le quotidien russe Novye Izvestia, repris par Le Figaro.

En plus d’introduire le dispositif militaire à l’école, le gouvernement étoffe le programme d’éducation patriotique, déjà bien installé. Cette année, les élèves de la 3e à la terminale (8e à 11e classe en Russie) se verront imposer un nouveau cours hebdomadaire intitulé “Principe de base de la sécurité et la défense de la Patrie”, précise encore Le Figaro. Un enseignement qui sera dispensé par des professeurs mais aussi par des soldats revenus du Donbass où se joue ce que l’on dénomme encore officiellement l'”Opération militaire spéciale” en Ukraine. Et pour les élèves qui refusent ces cours ? Des sanctions sont à prévoir.

Une initiation aux valeurs familiales

Depuis le début du conflit, plusieurs innovations destinées à inculquer le patriotisme et portant un discours anti-occidental ont été introduites dans les établissements scolaires russes. La semaine scolaire commence ainsi avec l’hymne national et une cérémonie de lever du drapeau et des “discussions sur ce qui est important” ont été introduites, notamment pour évoquer les hostilités en Ukraine et justifier l’offensive russe contre son voisin. Lors d’une heure de leçon, on explique aux élèves russes pourquoi le Kremlin veut “dénazifier” l’Ukraine ou bien on aborde d’autres sujets, parfois plus léger, de la vie quotidienne. A la rentrée 2023, c’était de nouveaux manuels d’histoire, remaniés à la sauce Poutine, qui avaient fait leur apparition sur les bureaux des élèves.

En plus de se servir de l’école comme de caisse de résonance de la propagande du Kremlin, les autorités s’en servent pour “booster” la fertilité du pays. A travers des cours intitulés “Etudes sur la famille”, les jeunes seront initiés aux valeurs familiales. Une initiative qui répond à un déclin démographique commenté depuis des années dans le pays : selon le service fédéral des statistiques de l’Etat russe (Rosstat), la population russe (145,9 millions, au 1er juillet) a reculé de 321 000 personnes au premier semestre de cette année, contre 272 000 en 2023 sur la même période. Et les derniers chiffres de Rosstat craignent la perte de plus de 15 millions d’habitants en moins de trente ans. Des chiffres qui, sur le long terme, pourraient clairsemer les rangs de la grande armée russe.




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