Pour l’EPR de Flamanville, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : EDF a annoncé, lundi 2 septembre, qu’il faudrait attendre trois mois supplémentaires pour voir son nouveau réacteur alimenter le réseau électrique, lequel ne recevra pas ses premiers électrons avant “la fin de l’automne”, alors que l’électricien tablait jusqu’ici sur la fin de l’été.
Mais tout n’est pas perdu : l’énergéticien a déclaré de manière concomitante avoir reçu le feu vert de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme de la filière, pour lancer la production des premiers électrons de l’EPR, avec douze ans de retard sur le calendrier initial. Sauf que le “couplage”, soit les opérations de raccordement au réseau qui permettront aux foyers français de bénéficier de l’énergie du réacteur le plus puissant (1 600 MW), le 57e du parc, devra encore attendre.
A la suite de la délivrance de l’autorisation de divergence de l’EPR de Flamanville par l’Autorité de sûreté nucléaire (@ASN), les équipes d’EDF se préparent à faire battre le cœur du réacteur pour la 1ère fois ???? ⤵️@EDFEPR #Nucléaire #DLDNov
— EDF (@EDFofficiel) September 2, 2024
“Un programme d’essais permettant d’atteindre un niveau de puissance de 25 % sera mis en œuvre”, palier lors duquel l’EPR “sera connecté au réseau électrique national pour la première fois et produira alors de l’électricité”, une échéance “prévue d’ici la fin de l’automne 2024”, a précisé le groupe dans un communiqué.
La première réaction en chaîne de fission nucléaire devrait néanmoins intervenir dès ce mardi 3 septembre : “les équipes de nuit, qui attaquent finalement leur poste de travail à 21H00 vont engager l’action physique” qui va amener le réacteur à être “dans cet état de réaction nucléaire initiée et entretenue stable”, a indiqué à la presse Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire du groupe français. L’opération devrait “prendre une dizaine d’heures”, a-t-il précisé.
“Pour aller au couplage, on parle de la fin de l’automne, parce que devant nous, on a un programme assez conséquent de tests”, a indiqué Régis Clément, qui a annoncé une montée “par paliers successifs”, avant que le cœur nucléaire ne puisse “montrer patte blanche”. Le PDG d’EDF Luc Rémont avait assuré que la divergence, étape majeure des opérations de démarrage du réacteur, serait “imminente” début juillet. Si elle n’a débuté que lundi, c’est parce que les équipes de Flamanville ont rencontré “des aléas”, qui ont amené “un certain nombre d’opérations supplémentaires” à être réalisées durant l’été, selon Régis Clément. Quant à la pleine puissance, promis jusqu’alors d’ici la fin de l’année, il faudra compter “plusieurs mois”, selon Régis Clément, qui n’a pas donné de nouvelle date.
EDF révise à la hausse son estimation de production nucléaire pour 2024
Concrètement, cela mettra encore du temps avant que l’électricité de Flamanville arrive de l’autre côté de la prise. Mais en quoi cet EPR est-il si exceptionnel ? Sur franceinfo, Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse en physique nucléaire pour le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), déclare mardi 3 septembre : “[On peut alimenter] à peu près 2 millions de personnes avec un seul réacteur. C’est vraiment colossal.”
Si EDF a tout de même obtenu le “go” de l’ASN pour lancer les opérations et franchir une nouvelle étape cruciale, il s’agit d’une énième déconvenue pour un chantier qui accuse déjà 12 ans de retard sur le calendrier initial, pour ce nouveau réacteur à eau pressurisée, le 4e de ce type installé dans le monde. Alors que le président Emmanuel Macron a décidé de relancer le nucléaire, en commandant six réacteurs EPR2 (et huit supplémentaires en option) à l’énergéticien, le démarrage de l’EPR de Flamanville, même s’il a été décidé bien avant, revêt une dimension hautement symbolique.
Outre l’autorisation de l’ASN, l’autre bonne nouvelle est venue du parc existant : EDF a sensiblement révisé à la hausse son estimation de production nucléaire pour l’année 2024, désormais comprise entre 340 et 360 TWh, contre une fourchette de 315 à 345 TWh prévue initialement, une augmentation n’incluant pas l’EPR de Flamanville. “Les 56 autres réacteurs performent mieux que ce qu’on avait intégré”, a précisé Regis Clément, si bien que la production de “l’EPR arrivera en supplément”.
De nombreux déboires
“Le dossier ‘corrosion’ a été moins sensible que prévu”, a-t-il ajouté. “Cette révision de l’estimation de production nucléaire pour 2024 s’appuie sur l’amélioration de la performance des arrêts de tranche, la maîtrise industrielle des contrôles et des chantiers de réparations liés au dossier de la corrosion sous contrainte, et l’absence d’aléa climatique majeur pendant l’été”, selon le communiqué d’EDF.
Difficultés techniques, malfaçons, défauts de fabrication, défauts de soudure… Les nombreux déboires, qui ont affecté le chantier de l’EPR, ont menacé à plusieurs reprises de le faire fermer. En 2011, l’accident nucléaire de Fukushima au Japon rouvre le débat le nucléaire, tandis que François Hollande, arrivé au pouvoir en 2012, veut réduire la part de l’atome en France à 50 % dans la production d’électricité. En parallèle, la facture de ce qu’on peut qualifier de galère industrielle augmente, désormais estimée à 13,2 milliards d’euros par EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards. En 2020, la Cour des comptes l’avait évaluée à 19 milliards, en comptant notamment les “surcoûts de financement”. À noter que les dernières centrales à être entrées en service étaient celles de Chooz (Ardennes), en 2000 et de Civaux (Vienne), en 2002.
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