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Présidentielle en Algérie : Abdelmadjid Tebboune et la farce d’Etat


Tant d’espoirs anéantis. Tant de vendredis à ferrailler dans les rues algériennes contre le président Abdelaziz Bouteflika. Tant de nuits à crier “liberté !”. Pour voir la prison se refermer en un rien de temps. Chassez la démocratie fantoche, elle revient au galop. Fin 2019, déjà, après la démission de “Boutef’”, l’Armée, seule aux manettes de ce pays de 46 millions d’habitants, propulsait Abdelmadjid Tebboune à la présidence, sous couvert de vote. Rebelote cinq ans plus tard : d’élection, la présidentielle de ce 7 septembre 2024 n’en a que la forme. Pour feindre la compétition, les autorités ont sauvé deux candidatures contre le sortant. L’issue ne fait aucun mystère, bien qu’Abdelmadjid Tebboune ait à peine battu campagne. Le chef de l’Etat de 79 ans rempilera pour un second mandat.

Un président fantôme à la tête d’une nation exsangue, gouvernée par la terreur. Quel programme ! Triste Algérie, quittée par ses jeunes, ses médecins, ses intellectuels, ses journalistes, quand ces derniers ne croupissent pas derrière les barreaux. Quelques courageux refusent encore de “déserter”, comme ils disent, à leurs risques et périls. Plus de 200 militants du hirak, cette “révolution du sourire” qui ne demandait qu’à participer à l’avenir de son pays, sont emprisonnés. Combien d’autres demain ? L’article 87 bis du code pénal révisé en juin 2021 rend la tâche si aisée : quiconque appelle à “changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels” peut être condamné pour “terrorisme ou sabotage”.

Paranoïa d’Etat

Comble de la paranoïa d’Etat, le président a signé cet été un décret généralisant le détachement des militaires à la direction des administrations civiles. Comme si les généraux ne s’arrogeaient pas déjà ce droit. Cette fois, la pratique est loi, signe de radicalisation d’un pouvoir sourd et aveugle, méfiant de tous. “En Algérie, l’armée possède l’Etat. Là est son unique projet”, résume Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po, auteur de Géopolitique de l’Algérie (Ed. Bibliomonde, 2020).

Le budget de la défense atteint depuis 2023 des sommets : 22 milliards de dollars, soit deux fois plus qu’en 2022. “La menace est à toutes les frontières du pays, poursuit Kader Abderrahim. Outre les tensions avec le Maroc, il y a, sur le flanc est, le chaos libyen ; au sud et à l’ouest, le bourbier sahélien. Personne ne peut couvrir autant de fronts sans développer une diplomatie solide s’appuyant sur des alliés. Or, l’Algérie en est incapable.” Influent parrain régional hier, Alger perd pied dans son entourage immédiat. Au Mali comme au Niger, la nouvelle génération de putschistes ne veut plus de la tutelle de ce grand voisin septentrional. Bamako a récemment dénoncé les accords de paix de 2015, dont l’Algérie se portait garante. Plus personne ne fait appel à elle pour jouer les médiateurs. Pis, le club des BRICS a refusé sa candidature, un revers de taille pour un pays qui était, dans les années 1960-1970, le phare des non-alignés.

Pendant ce temps, le rival marocain poursuit son offensive diplomatique sur le continent africain, et au-delà. Dernier épisode en date, la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. “Si la France ménageait jusque-là ses rapports avec l’Algérie sur cette question, c’était en raison du poids du pays et de son influence régionale”, note dans un billet de blog Ali Bensaad, professeur à l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8). Et de conclure que l’Algérie “ne pèse plus dans les choix de la France”.

“Le régime algérien est à la fois dans une impasse politique à l’intérieur et dans un dangereux isolement diplomatique”, abonde Kader Abderrahim. Tôt ou tard, Alger en fera les frais. En attendant, les généraux encaissent les revenus de la manne pétro-gazière.




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