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Les applis de rencontre sont-elles déjà en voie d’extinction ?


Le monde d’après n’existe pas, chapitre 3. Après la livraison à domicile et les jeux vidéo, ce sont les applications de rencontres en ligne qui subissent un dur retour à la réalité post-Covid. L’une des vedettes du secteur, Bumble, lancée en 2014 pour laisser la main aux femmes, vit un calvaire boursier. Le mois dernier, après avoir significativement réduit ses prévisions de croissance – entre 1 et 2 % contre 8 à 11 % initialement attendus –, le titre a cédé 30 %. Depuis son introduction, la capitalisation de la société a été divisée par 10, passant de 8 milliards à 800 millions de dollars.

Son entrée en Bourse, en 2021, s’était faite en pleine euphorie de l’argent à taux zéro. A l’époque, les applications de rencontres semblaient devenir la norme en matière de séduction. Le nombre d’utilisateurs mensuels était passé de 130 à 155 millions en deux ans selon Sensor Tower. Il est depuis retombé à 137 millions, soit une modeste croissance annuelle de 5 %. Le principal concurrent de Bumble ne fait d’ailleurs guère mieux. Match Group, le propriétaire de Tinder, Match, OkCupid ou Hinge, a signalé une baisse de son nombre total d’utilisateurs payants pendant sept trimestres consécutifs, lequel s’établit désormais à moins de 15 millions.

L’industrie s’est considérablement transformée en dix ans, passant des services de rencontres en ligne payants aux applications mobiles gratuites avec notifications instantanées. Elles se sont massivement diffusées et sont entrées dans notre quotidien. Les confinements ont encore accéléré leur adoption. Selon une étude de Pew Research, 3 adultes américains sur 10 déclarent avoir déjà utilisé un site ou une application de rencontres, soit la même proportion qu’en 2019. Mais seuls 9 % d’entre eux déclarent l’avoir fait au cours de l’année écoulée. Les rencontres en ligne sont plus courantes chez les jeunes adultes que chez les personnes plus âgées. La moitié environ des moins de 30 ans déclarent avoir déjà utilisé un site ou une application, contre 37 % des 30 à 49 ans, 20 % des 50 à 64 ans et 13 % des 65 ans et plus. Aujourd’hui, 1 adulte en couple sur 5 de moins de 30 ans aux Etats-Unis indique avoir rencontré son conjoint ou partenaire actuel sur un site ou une application de rencontres.

Le célibat est devenu tendance

A partir de 2015, ces applications ont commencé à être fortement monétisées, avec un modèle freemium où les actions illimitées sont devenues payantes. L’offre la plus exclusive de Tinder coûte aujourd’hui 6 000 dollars par an. Malgré cette recherche effrénée du profit, le marché ne pèse qu’une dizaine de milliards de dollars, Match Group en représentant un tiers.

En dehors des grands acteurs, les applications de rencontres sont devenues fragmentées en termes de publics, selon les genres, les religions ou les centres d’intérêt. La recherche de l’âme sœur via des communautés physiques, qu’il s’agisse de clubs de lecture ou de course à pied, revient en force. Elle semble plus authentique et sincère face à la froide infinité des options qu’offre le digital. Infinité qui crée une lassitude, la “dating fatigue”. Près de la moitié des personnes qui font des rencontres en ligne déclarent avoir déjà vécu des expériences négatives sur ces plateformes.

Pire, ces dernières commencent à devenir ringardes. En mai, Bumble a lancé une campagne publicitaire anti-célibat, mettant en scène une femme fermement décidée à abandonner le dating et qui se fait nonne, afin d’éviter toute tentation. Sauf que la nonne en question se retrouve à convoiter le beau jardinier du couvent. La campagne a déclenché une levée de boucliers. Les publicités ont été retirées et l’entreprise s’est excusée. Le célibat est devenu à la mode, revendiqué par des célébrités comme Khloé Kardashian. Le magazine new-yorkais The Cut en a même fait une tendance.

Pour sortir de cette spirale négative, Whitney Wolfe Herd, cofondatrice de Tinder et fondatrice de Bumble, a brandi l’intelligence artificielle lors de la conférence Bloomberg Tech à San Francisco, en mai. Celle-ci est déjà utilisée, notamment pour la censure de contenus obscènes et la génération de phrases d’accroche. Mais Whitney Wolfe Herd est allée plus loin en déclarant que des agents conversationnels se dragueront bientôt entre eux, pour trouver à votre place le match parfait. Une certaine vision du coup de foudre.

Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)




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