Cette année, pas d’été indien pour le Rassemblement national. Au grand désespoir des cadres, le week-end de rentrée du mouvement ne se tiendra pas dans le sud, comme à d’habitude, mais sous la grisaille parisienne, les 14 et 15 septembre. Austérité oblige. Après le résultat décevant des élections législatives, l’heure est au bilan pour les frontistes, sommés de ranger leurs serviettes de plage. “Ces week-ends sont traditionnellement coûteux, festifs, parfois lointains pour certains élus. Il n’est pas plus mal que les cadres se retrouvent ensemble pour réfléchir à la suite des événements”, assure Louis Aliot, maire RN de Perpignan et premier vice-président du parti.
Après deux années plutôt calmes, ce proche de Marine Le Pen a d’ailleurs décidé de replonger son nez dans les affaires internes. Plus précisément pour s’occuper de la “formation des élus”, domaine dans lequel l’édile estime que le parti peut encore se perfectionner. Les dernières élections législatives ne lui ont pas donné tort. Plusieurs dizaines de candidats investis par le Rassemblement national ont été épinglés pour des dérapages racistes, complotistes ou antisémites. Louis Aliot plaide donc en faveur de la mise en place d’une “vraie formation” des élus et cadres frontistes.
Formation et renouvellement
Nostalgique, il revendique un modèle à l’ancienne, de l’époque où il faisait ses classes au FNJ de Jean-Marie Le Pen. “Il faut de véritables formations en physique, avec la mise en place d’un contrôle des connaissances acquises, c’est ce qu’on faisait il y a 30 ans quand je suis arrivé au FN !” Pour l’heure, deux organismes sont chargés de la formation au RN. L’Iforel, dédié aux élus locaux, et le Campus Héméra, une plateforme de cours en ligne relativement peu dynamique lancée à l’automne 2022 par Jordan Bardella et chapeautée par l’ancien sondeur Jérôme Sainte-Marie. “Personne n’y fout jamais les pieds, j’ai même oublié mes codes de connexion”, résume moins sobrement un cadre.
Un Bureau national du parti se tiendra mardi 17 septembre, et devrait être l’occasion de faire le bilan des différents dysfonctionnements identifiés par les lepénistes. Au lendemain des élections législatives, Jordan Bardella, reconnaissant une “défaite” qu’il était prêt à “assumer” a d’ailleurs chargé le député européen Aleksandar Nikolic de réaliser un audit des fédérations. “Il faut qu’on ait des profils qui tiennent la route, assure ce dernier. Car plus on approche du pouvoir, plus l’attention médiatique est démultipliée.” En clair : identifier les profils problématiques, ou reconnus comme responsables du choix des candidats à problème, pour que ces derniers puissent être écartés du dispositif. Un tiers des délégués départementaux devraient être renouvelés. Comme le rapporte le Nouvel Obs, une feuille de route a d’ores et déjà été présentée à Jordan Bardella, et préconise notamment la mise en place d’un nouvel échelon régional destiné à faciliter les échanges entre Paris et les territoires, ou la création d’un large dossier regroupant les informations essentielles sur les fédérations.
Jordan Bardella pris pour cible
Misant sur une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale à l’été prochain, le parti d’extrême droite espère réussir à purger de ses rangs tous les profils problématiques et à former suffisamment de candidats potentiels pour ne pas subir le même revers qu’en juillet dernier. Mais pour certains cadres, le responsable de l’échec frontiste se trouve plutôt du côté de la direction du parti, et s’appelle Jordan Bardella. En privé, quelques élus dénoncent une “stratégie du fusible” débutée à l’été, avec l’éviction de Gilles Pennelle, discrètement sommé de démissionner de son poste de directeur général du parti. “Il a été le premier fusible d’une longue liste, déplore un cadre sous couvert d’anonymat. C’est très injuste de lâcher un collaborateur de longue date en rase campagne au lieu d’assumer sa responsabilité.”
D’autres vont plus loin, ciblant des erreurs qu’aurait commises l’eurodéputé au cours de la campagne. “Il est responsable de cette défaite, assure un lepéniste. Il a fait preuve de maladresse sur certains argumentaires, comme sur la question des binationaux, mais surtout, il s’est montré très arrogant, comme si la victoire était acquise d’avance et qu’il était déjà Premier ministre, cela nous a fait beaucoup de mal.”
Dans les fédérations, plusieurs cadres locaux craignant pour leur tête se plaignent de ne pas avoir été contactés par la direction du parti, condamnés à patienter jusqu’aux 14 et 15 septembre pour en savoir plus sur leur sort. Un frontiste abonde : “C’est la grande tradition du parti : ils vont arriver et découvrir publiquement et en direct qu’ils sont débarqués. C’est dommage, parce que c’est une humiliation inutile, et ça ne va pas arranger l’ambiance interne.” Et complète : “Avec Marine, au moins, un dialogue s’engageait toujours, là on n’a même pas droit à une discussion. Et surtout, on ferme notre gueule parce que dans ce parti il n’est jamais conseillé d’être trop franc.” Pas d’été indien donc, mais pour leur rentrée, il est probable que les frontistes n’échappent pas à un petit coup de chaud.
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