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Guerre en Ukraine : les munitions indiennes de Kiev, l’affaire qui embarrasse New Delhi


L’affaire risque de fâcher le Kremlin. Dans une enquête publiée jeudi 19 septembre, l’agence de presse britannique Reuters démontre que des obus d’artillerie vendus par des fabricants d’armes indiens à des pays européens ont été détournés vers l’Ukraine pour soutenir l’effort de guerre face à la Russie.

Un travail d’investigation qui s’appuie sur les témoignages de 11 responsables des gouvernements indien et européens et de l’industrie de la défense, complété par une analyse des données douanières disponibles. Si le pouvoir indien, proche de Moscou, a contesté ces informations jeudi, plusieurs sources citées par Reuters affirment que New Delhi n’a rien fait pour empêcher ces transferts de munitions.

Des obus achetés vides puis remplis d’explosifs

Dans son enquête, l’agence de presse démontre qu’au moins deux pays européens sont concernés par ces transferts : “l’Italie et la République tchèque”, selon les témoignages de deux officiels espagnol et indien. Des informations corroborées par un ancien haut dirigeant de Yantra India, “une entreprise publique dont les munitions sont utilisées par l’Ukraine”.

L’enquête met notamment en avant l’exemple de l’entreprise italienne de défense Meccanica per l’Elettronica e Servomeccanismi (MES), principal client étranger de Yantra India. L’entreprise basée à Rome achèterait ainsi des obus vides en Inde avant de les remplir d’explosifs et de les envoyer en Ukraine. Et le phénomène ne date pas d’hier. L’agence de presse britannique révèle ainsi que ce transfert de munitions “a lieu depuis plus d’un an, selon les sources et les données douanières.”

Toutefois, le volume d’armes indiennes envoyées à Kiev resterait faible à l’échelle du soutien militaire à l’Ukraine. S’appuyant sur deux sources du gouvernement indien et deux sources de l’industrie de la défense indienne, Reuters estime que ces munitions correspondraient à “moins de 1 % du total des armes importées par Kiev depuis le début de la guerre”. Dans le détail, Reuters n’a toutefois pas réussi à savoir si ces munitions ont été revendues ou données à l’Ukraine par ces entreprises européennes.

Le démenti indien contredit par l’enquête

Une question qui pourrait être cruciale dans cette affaire. Comme le précise l’agence britannique, “la réglementation indienne sur l’exportation d’armes limite l’utilisation des armes à l’acheteur déclaré, qui risque de voir ses ventes futures interrompues en cas de transferts non autorisés.” Cette législation avait notamment été renforcée en mai 2024, rappelle la BBC, en “obligeant les acheteurs à s’assurer que les armes ne soient pas envoyées vers des pays tiers”.

En réponse à l’enquête de Reuters, le ministère indien des Affaires étrangères a nié en bloc, ce jeudi : “Cela implique des violations de la part de l’Inde là où il n’y en a pas et, par conséquent, c’est inexact et malveillant”, a déclaré le porte-parole du ministère, Randhir Jaiswal, sur le réseau social X. Ce même porte-parole avait par ailleurs affirmé en janvier que l’Inde n’a jamais envoyé ou vendu d’obus d’artillerie à l’Ukraine, note Reuters.

Malgré ces déclarations, l’enquête de l’agence britannique tend à démontrer le contraire : selon un haut fonctionnaire indien et un “dirigeant de l’industrie de la défense ayant une connaissance directe des transferts, […] l’Inde n’a pris aucune mesure pour limiter cet approvisionnement vers l’Europe”. Et ce, alors que la Russie aurait “soulevé la question à au moins deux reprises, notamment lors d’une réunion en juillet entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue indien”, précise Reuters, sur la base des déclarations de trois responsables indiens.

Un nouveau signe du non-alignement indien

Si la Russie n’a pas encore réagi à ces révélations, elles pourraient bien provoquer un froid entre le Kremlin et son allié indien. “Principal fournisseur d’armes de l’Inde depuis des décennies”, Moscou s’est d’autant plus rapproché de New Delhi depuis le début de la guerre en Ukraine, alors que le Premier ministre indien Narendra Modi avait refusé de participer au régime de sanctions occidentales contre la Russie, rappelle l’agence britannique. Toutefois, le pouvoir indien a souvent “insisté sur l’importance de respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté des nations”, tempère la BBC.

Derrière ce double jeu indien, il y a aussi un intérêt économique, révèle Reuters : “Longtemps le plus grand importateur d’armes au monde, [l’Inde] voit également la longue guerre en Europe comme une opportunité de développer son secteur naissant d’exportation d’armes, selon six sources indiennes.” L’enquête note notamment une hausse spectaculaire des exportations d’armes indiennes vers quatre pays européens (Italie, Espagne, République tchèque et Slovénie) entre février 2022 et juillet 2024 : de 3 à 135 millions de munitions exportées. Soit une augmentation de 4 730 %.

Interrogé par Reuters, Walter Ladwig, spécialiste des relations internationales de l’Asie du Sud, estime que New Delhi a tout à y gagner : “Cela permet à l’Inde de montrer à ses partenaires occidentaux qu’elle n’est pas seulement du côté de la Russie dans le conflit russo-ukrainien”. Une position conforme au non-alignement habituel de l’Inde sur la scène géopolitique.





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